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Les Allemands sont globalement très favorables à l'Union européenne.Photo : Angela Merkel.
Les Allemands sont globalement très favorables à l'Union européenne.Photo : Angela Merkel.
©Reuters

Enthousiasme

Selon cette étude de l'Ifop, les Allemands sont globalement très favorables à l'Union européenne. A condition cependant qu'elle corresponde à leur vision...

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L'Ifop est un institut de sondages d'opinion et d'études marketing.

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Alors que l’ensemble des Européens est appelé aux urnes les 22 et 25 mai prochains afin d’élire les quelques 751 députés représentants les 28 Etats membres de l’UnioneEuropéenne, il nous a semblé intéressant de nous pencher sur l’opinion qu’ont nos partenaires historiques allemands sur l’Europe et les différentes avancées de sa construction. La crise de la zone euro ayant commencé quelques mois après les dernières élections européennes, il apparaît fondamental de s’interroger sur l’impact que la dépression économique et les différentes mesures d’austérité ont pu avoir sur la confiance en l’Union européenne et sur l’espoir qu’ont ses ressortissants de voir celle-ci se construire davantage. S’il est notoire que la confiance Chypre, Italie, Espagne et Portugal), les plus affectées par les décisions de Bruxelles, est en chute libre, qu’en est-il de celle des « bons élèves » de l’Union européenne ? Comment les ressortissants du pays qui joue et fait le jeu de l’Europe perçoivent-ils cette institution et qu’attendent-ils d’elle ?

L’étude Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès intitulée « Regards croisés franco-allemands sur la crise de l’euro et la situation économique» avançait déjà, en 2010, la thèse selon laquelle les Allemands estiment très nettement que l’appartenance à l’Union européenne est bénéfique, mais que ce jugement n’est motivé en réalité que par des raisons diplomatiques ou commerciales, et en aucun cas monétaires. La "Chronique allemande" n°9 venait affiner l’analyse en pointant du doigt la corrélation existante entre l’attachement très net de nos partenaires d’outre-Rhin à la construction européenne et leurs exigences accrues en matière de discipline budgétaire. Il s’agira dans la présente note de confirmer ces premières tendances en démontrant, dans un premier temps, que l’opinion publique allemande fait preuve de confiance et d’enthousiasme quant à l’appartenance de leur pays à l’Europe ainsi qu’aux avancées dans la construction de cette dernière, mais aussi dans un second temps, que cette espérance se voit facilement fissurée par une certaine « peur de la contagion » des moins bons élèves la constituant ou par l’arrivée de nouveaux adhérents.

1. Une opinion publique allemande confiante en l’institution européenne et enthousiaste quant à la confirmation de sa construction

Les Allemands semblent relativement confiants en l’Europe et satisfaits de leur adhésion à l’Union européenne, comme en atteste l’approbation de l’opinion publique allemande à diverses propositions d’avancées dans la construction diplomatique et commerciale de l’Union. Ainsi, exception faite de la création de l’armée européenne qu’ils rejettent, les Allemands affichent un enthousiasme tendanciellement plus grand que leurs voisins européens à l’égard de l’Europe.

1.1 Satisfaction et confiance en l’Union européenne, les Allemands ancrés dans l’Europe

En janvier 2014, près des deux tiers des Allemands estimaient qu’il était plutôt une bonne chose pour leur pays d’appartenir à l’Union européenne (63%), une part similaire à ce qui avait alors été mesuré annuellement depuis 2010 – exception faite de septembre 2013, où on observait parallèlement en France, Italie et Espagne une croissance soudaine de l’euroscepticisme. Cette satisfaction est relativement plus élevée chez les hommes (68%, +9 points par rapport aux femmes), les personnes étant moins en âge de travailler que les autres et donc présumées inactives (69% chez les 18-24 ans, +6 points par rapport à l’ensemble, 71% chez les 65 ans et plus, +8 points), les CSP aisées (67%, +4 points) et les sympathisants de partis de gouvernement (SPD et CDU/CSU, 74% soit 11 points de plus ; Grüne, 80% soit 17 points de plus).

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Cela dit, les Allemands, certainement en ce qu’ils sont très attachés à l’Union européenne, restent particulièrement vigilants à son encontre. Et, parce qu’ils en attendent probablement beaucoup considérant qu’elle ne peut leur être bénéfique que si bien dirigée, ils ne lui adressent qu’une confiance relative. Ainsi, à la question de savoir si, à l’occasion des élections européennes qui auront lieu en mai prochain, ils souhaitent exprimer par leur vote plutôt leur confiance ou leur méfiance à l’égard de l’Europe telle qu’elle se construit actuellement, ils sont rigoureusement partagés dans le choix de ces alternatives : 50% déclarant vouloir exprimer leur confiance et 50% leur méfiance. Sur ce point encore les plus confiants sont les hommes (55%, +10 points par rapport aux femmes), les CSP aisées (57%, +7 points par rapport à la moyenne), les sympathisants des partis de gouvernement que sont le SPD (60%, +10 points), Grüne (65%, +15 points) et la CDU/CSU (61%, +11 points).

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Le fait qu’un Allemand sur deux souhaite exprimer sa méfiance à l’égard de l’Union européenne peut paraître, de prime abord, contradictoire avec le fait que près des deux tiers d’entre eux estiment que l’appartenance de leur pays à l’Union soit une bonne chose. Pourtant, ces résultats doivent être perçus  comme étant complémentaires. D’abord en ce que si « seulement » la moitié des Allemands compte adresser sa confiance dans l'UE lors des prochaines élections il n'en demeure pas moins que, comparativement aux autres pays membres auxquels la question a été posée, ils demeurent plutôt rassurés. Car en effet, la défiance touche, par exemple, près de trois Français et trois Britanniques sur quatre (respectivement 74% et 73%). Ensuite, cette relative défiance doit être interprétée comme étant la résultante des bénéfices que tire le pays de son appartenance à l’Europe et conséquemment des attentes qu’ils suscitent. Plutôt que méfiants donc, on pourrait dire que les Allemands sont « vigilants », « en alerte », quant aux prochaines avancées de l’Union Européenne et aux avantages que leur pays peut en tirer.

1.2. Les Allemands enthousiastes à l’idée d’avancées diplomatiques et commerciales de la construction européenne

L’ampleur de la crise a favorisé l’idée que les pays membres avaient avantage à s’allier et à coopérer avec leurs voisins, ce qui n’a pas échappé aux Allemands, pourtant relativement préservés par la dépression économique et les restrictions budgétaires imposées par Bruxelles. Exception faite de la proposition de créer une armée européenne, l’opinion publique allemande se montre largement favorable à d‘éventuelles avancées diplomatiques et commerciales dans la construction de l’Europe.

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Aussi, sur le plan diplomatique, si les Allemands affichent un enthousiasme certain face à l’élection d’un président de l’Europe au suffrage universel (72% de favorables et de cela manière consensuelle), ils s’avèrent nettement plus réservés, voire sceptiques, quant à la création d’une armée européenne (44%). Une réticence que l’on imagine facilement attisée par la mémoire de la Seconde guerre mondiale. Effectivement, ce n’est pas une armée pour l’Europe que les Allemands rejettent, mais l’idée d’une armée pouvant intervenir à l’étranger. Preuve en est, les sympathisants de la CDU/CSU, parti par essence plus conservateur et plus attaché à l’importance que revêt la force militaire pour une nation, sont plus nombreux que les sympathisants de partis de gauche à adhérer à l’éventualité d’une défense européenne commune (53%, +9 points par rapport à l’ensemble), attestant de ce fait que les Allemands interrogés n’y voient pas une force de substitution à leur armée nationale (ils auraient alors été en retrait), mais la création d’une puissance militaire supplémentaire. Marquée par son histoire nationale contemporaine, l’Allemagne s’est montrée plus rétive à tout engagement militaire international suite au conflit de 1939- 1945, notamment ces dernières années comparativement à son voisin français. Un courant antimilitariste s’est donc ainsi traditionnellement ancré chez certains partenaires européens, et cela auprès de toutes les générations - à l’exception des 18-24 ans, pourtant étrangers au conflit mondial, qui s’avèrent encore plus réfractaires à l’idée d’une création d’une armée européenne que leurs aînés (64% y sont opposés, soit 8 points de plus par rapport à l’ensemble).

Sur le plan à la fois diplomatique et économique, deux tiers des Allemands se sont prononcés en faveur de la création d’un poste de ministre européen de l’Economie et des Finances (64%), un score plus élevé auprès des 18-24 ans (79%, +15 points) et des CSP les plus aisées (72%, +8 points). On notera, à titre subsidiaire, que ces mêmes CSP étaient plus enthousiastes à l’idée d’une élection au suffrage universel direct du président de l’Europe (82%, +10 points par rapport à l’ensemble).

2. Une opinion publique allemande vigilante quant à l’avenir de l’Union européenne et conséquemment méfiante à l’égard de ses pays membres et des candidats à l’adhésion

Les Allemands ont une confiance relativement constituée en l’Union européenne, en tout cas comparativement à leurs partenaires européens. Néanmoins cette assurance s’effrite au sujet des individualités composant cette communauté d’Etats : s’ils affichent leur enthousiasme afin d’aller vers une construction commune plus aboutie, et en cela supportent l’idée de la solidarité européenne, leur désir d’union s’arrête néanmoins aux portes de leur appréhension de se voir tirer vers le bas par leurs partenaires. Une « crainte de la contagion » qui semble aujourd’hui s’étendre aux candidats à l’adhésion à l’Union européenne, provoquant le rejet de ces scenarii.

2.1. A l’intérieur de la zone euro, la « peur d’une contagion » des difficultés rencontrées par les membres les moins bons élèves

L’attachement très net des Allemands à la construction européenne s’accompagne de fortes exigences en matière budgétaire. Bonne élève de la zone euro, l’Allemagne souhaiterait que la rigueur budgétaire et financière qu’elle s’impose vaille de même pour ses voisins européens et que ces derniers, principalement ceux du Sud, se révèlent plutôt « fourmis » dans la gestion de leur budget que « cigales ». Aussi, face à des partenaires en difficulté, l’Allemagne fait preuve d’une certaine sévérité, toute sceptique qu’elle devient sur le bienfondé des plans d’aides.

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Aussi, alors que l’aide financière à la Grèce au nom de la solidarité européenne était très mal acceptée outre-Rhin en 2012 (seuls 36% des Allemands l’approuvaient, soit le plus faible de taux de soutien parmi les grands pays européens), dans le même temps 76% des Allemands pensaient que « si la dette grecque n’est pas sauvée, les difficultés de la zone euro vont s’accroître dangereusement ». Ainsi, c’est moins l’efficacité du secours financier aux pays en difficulté qui plombe l’adhésion des Allemands aux plans d’aides, que le mérite du pays auquel il est porté assistance. En réalité, tout se passe comme si, en dépit de la faible estime que l’Allemagne a de la gestion des finances publiques grecques, le pays était contraint d’aider la Grèce afin de protéger, à terme, son économie.

Interrogés très récemment sur leur souhait de voir l’Ukraine bénéficier d’une aide financière de l’Union européenne, nos voisins ont répondu par la positive à 43% ; un chiffre certes minoritaire, une large majorité d’Allemands préférant que l’Ukraine ne reçoivent pas d’aide financière de l’Europe, mais néanmoins plus élevé comparativement à l’adhésion mesurée pour la Grèce. Une crainte de la contagion présente donc, mais de manière plus relative, probablement en ce que l’origine de la crise est davantage diplomatique qu’économique. L’Ukraine, qui traverse un épisode majeur de son histoire, n’a pas, en effet, failli sur le plan financier et budgétaire et la crise qui la frappe est d’abord politique avant d’être économique. Dès lors, même si l’opinion allemande se montre plutôt lassée face à l’éventualité d’un énième plan d’aides, il n’en demeure pas moins qu’elle affiche une plus grande tolérance à l’égard de cette possibilité. Une fois encore, c’est davantage la solidarité diplomatique que financière que l’Allemagne semble mettre en avant concernant l’Union européenne.

A titre subsidiaire, il convient d’observer qu’on retrouve le profil des euro-enthousiastes auprès des personnes les plus enclines à accepter une aide financière pour l’Ukraine, à savoir les hommes (50%, +14 points par rapport aux femmes), les personnes présumées non actives (18-24 ans, 46%, +3 points par rapport à la moyenne ; 65 ans et plus, 63%, +20 points), les Berlinois (50%, +7 points) et les sympathisants de partis gouvernementaux (SPD, 53%, Grüne 55%, CDU-CSU 52%) .que financière que l’Allemagne semble mettre en avant concernant l’Union européenne. A titre subsidiaire, il convient d’observer qu’on retrouve le profil des euro-enthousiastes auprès des personnes les plus enclines à accepter une aide financière pour l’Ukraine, à savoir les hommes (50%, +14 points par rapport aux femmes), les personnes présumées non actives (18-24 ans, 46%, +3 points par rapport à la moyenne ; 65 ans et plus, 63%, +20 points), les Berlinois (50%, +7 points) et les sympathisants de partis gouvernementaux (SPD, 53%, Grüne 55%, CDU-CSU 52%) .

Seconde illustration de l’appréhension ambiante de se voir toucher par les difficultés économiques des autres pays membres, la tentation d’un retour à la monnaie nationale, à défaut d’être majoritaire outre-Rhin  est tout de même considérable : 44% des Allemands déclarent être prêts à abandonner l’euro pour revenir au Mark, une part bien plus élevée que chez ses partenaires monétaires. Il apparaît ainsi que la théorie de « l’Euro bouclier » n’est plus d’actualité en Allemagne et que la croyance selon laquelle la monnaie unique permettrait de préserver des méfaits des aléas économiques voisins n’est plus. 

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A sa place prédomine désormais la crainte de la propagation des difficultés budgétaires et financières des autres pays membres. On notera par ailleurs que ce regard des Allemands vis-à-vis de la monnaie européenne ressortait déjà en 2010. A l’époque, 50% des Allemands jugeaient que l’Euro avait été un handicap au cours de ces deux dernières années de crise économique, contre 16% qui y voyaient un avantage. Depuis, le souhait d’abandon reste stable : 40% en juin 2011, 39% en juin 2012, et 43% en septembre 2013

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Le souhait d’un éventuel retour au Mark est le plus fort parmi les catégories les plus sensibles à la dégradation du pouvoir d’achat et les moins attachées à l’Union européenne : les femmes (47%, +6 points par rapport aux hommes), les générations actives (53% des 35 à 49 ans, contre 38% des 18-24 ans et 34% des 65 ans et plus).

Plus encore, au-delà de la crainte de la contagion économique qui briserait les efforts de rigueur allemands quand les autres n’ont pas pu ou voulu s’y soumettre, apparaît une appréhension plus générale à l’égard des partenaires européens et de leurs ressortissants. Aussi, c’est la liberté de circulation au sein de l’ensemble des pays appartenant à l’espace Schengen, principe pourtant fondateur de l’Union européenne, qui est aujourd’hui remise en question en Allemagne. En effet, une large majorité d’Allemands s’est déclarée favorable à ce que leur pays remette en cause les accords de Schengen et restreigne les conditions de circulation et d’installation des citoyens européens sur son territoire (56%)– un résultat par ailleurs similaire à ce qui est observé en France (55%).

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L’adhésion l’emporte plus largement auprès des profils tendanciellement plus eurosceptiques : les femmes (59%, +6 points par rapport aux hommes) et les personnes les plus modestes tels les employés (61%, +5 points) et les ouvriers (71%, +15 points). L’âge est également clivant en ce que les personnes les plus à même de travailler sont davantage en faveur d’une remise en cause de l’accord.

2.2. Une préférence tournée vers la consolidation des frontières de l’Union européenne plutôt qu’à un éventuel élargissement et la prise de risques qu’il implique

Les Allemands, conscients des difficultés à porter pour l’Union européenne et ses pays membres ainsi que des efforts à réaliser pour permettre une sortie de crise - à l’heure où l’Europe, cinq ans après le début de la dépression qui la frappe, reste à la traîne comparativement à ses partenaires économiques internationaux – se prononcent en défaveur d’éventuels élargissements de l’Europe. Stabiliser la zone avant d’afficher de nouvelles ambitions leur paraît déterminant.

Ainsi, interrogés sur une potentielle entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne, un peu plus d’un tiers des Allemands seulement choisit de répondre par la positive (38%). Sans surprise, cette adhésion est toutefois plus constituée auprès des publics les plus pro-européens à savoir les hommes (43%, +10 points par rapport aux femmes), les catégories de la population les moins actives que sont les 18-24 ans (43%, +5 points par rapport à l’ensemble), les 65 ans et plus (45%, +7 points) et les sympathisants du SPD, du Grüne et de la CDU/CSU (respectivement 43%, 43% et 51%, de 5 à 13 points de plus par rapport à l’ensemble). A titre subsidiaire, on note également que des länder de l’Est, culturellement plus proches de l’Ukraine du fait de l’ancienne division RFA/RDA, affichent une adhésion sensiblement plus élevée (Brandebourg/Mecklembourg-Poméranie-Occidentale/Saxe-Anhalt 43%, +5 points). Cela dit, il convient de relativiser l’apparente opposition allemande en ce que, de la même façon que pour l’approbation à l’octroi d’une aide financière destinée à l’Ukraine, les Français se montrent plus sévères que leurs voisins d’outre-Rhin à l’égard d’une possible entrée du pays dans l’Union européenne, seuls 29% d’entre eux y étant favorables.

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Et si dans ces deux pays fondateurs de l’Union européenne les opinions publiques sont minoritaires quant à une éventuelle adhésion de Kiev à l’Europe, il n’en demeure pas moins que cet enthousiasme timoré reste plus affirmé qu’à la perspective de voir Ankara sur le banc des pays membres. Sur ce point, les Européens sont d’ailleurs fortement divisés. Au Sud de l’Europe, les avis sont équitablement partagés (50% des Italienssont en faveur de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, 56% des Espagnols) ? Mais le rejet d’un tel scenario est sans équivoque plus au Nord. L’opinion publique allemande est l’une des plus tranchée, seuls 28% des Allemands se prononçant en faveur de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne

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Ici encore, c’est la crainte de se voir pénaliser par le retard économique que connaît Ankara comparativement à Berlin qui peut justifier la position sévère de l’Allemagne comparativement aux économies du Sud de l’Europe, plus en proie à la crise et donc nécessairement plus tolérantes à l’égard d’un éventuel soutien à un pays sur la brèche. Néanmoins, il convient de se demander si seules des raisons économiques sont à la source du positionnement allemand. En effet, sur la question de l’adhésion de la Turquie, des tropismes différents de ceux remarqués habituellement animent l’opinion publique allemande, et notamment comparativement à ceux qui la partagent sur la question de l’Ukraine – jusqu’alors les pro-européens étaient tendanciellement des hommes, appartenant à des tranches d’âges généralement moins actives que la moyenne, et sympathisants de partis gouvernementaux. Sur la candidature turque, des mécanismes singuliers de défense seraient-ils en place ? On peut se le demander eu égard aux clivages qui divisent les Allemands. Si le sexe n’est pas un élément déterminant, l’âge l’est fortement : le refus de voir la Turquie entrer dans l’Union européenne augmentant de concert avec l’âge des personnes interrogées (de 62% chez les 18-24 ans à 77% chez les 65 ans et plus). Aussi, alors qu’on observait jusqu’alors une division entre les partis dits de gouvernement et ceux situés aux extrémités de l’échiquier politique, c’est une classique opposition droite/gauche qui s’illustre ici : les sympathisants de Die Linke, du SPD, Grüne étant plus favorables à une adhésion d’Ankara (avec respectivement 32%, 33%, 37%) que ceux de la CDU/CSU (25%). Ainsi, tout semble se passer comme si l’élargissement de l’Union européenne à la Turquie touchait autant à des réflexes de protection culturelle et identitaire qu’économique. 

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