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Pourquoi Obama joue bien plus gros en Asie qu'en Ukraine
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Quitte ou double

Barack Obama a entamé une visite officielle dans plusieurs pays asiatiques alliés des Etats-Unis qui devrait prendre fin le 28 avril. Après s'être arrêté à Tokyo le 23, il doit notamment passer par la Malaisie, les Philippines et la Corée du Sud.

Jean-Vincent Brisset

Jean-Vincent Brisset

Le Général de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset est chercheur associé à l’IRIS. Diplômé de l'Ecole supérieure de Guerre aérienne, il a écrit plusieurs ouvrages sur la Chine, et participe à la rubrique défense dans L’Année stratégique.

Il est l'auteur de Manuel de l'outil militaire, aux éditions Armand Colin (avril 2012)

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Atlantico : Barack Obama a entamé hier sa tournée asiatique en commençant par Tokyo. Que faut-il y lire ? Quel importance ce déplacement peut avoir en comparaison du conflit ukrainien ?

Jean-Vincent Brisset : J'ai beaucoup de mal à voir le rapport entre conflit ukrainien et déplacement à Tokyo. Il s'agit de quelque chose de complètement dissocié.

Il est certain, cependant, que les Etats-Unis sont autrement plus directement concernés par les événements qui ont lieu dans le Pacifique que par les événements qui se déroulent en Ukraine. L'Europe, au sens large du terme, se recompose depuis un certain temps déjà. Et à l'heure actuelle, les Etats-Unis doivent avoir un grand sourire quand ils voient que les Européens se battent pour soutenir des extrémistes et pour payer la dette de gaz de ces extrémistes à la Russie. On remarque d'ailleurs qu'en termes de déclaration, Kerry et les autres diplomates américains en sont restés au service minimum.

Pour autant, tout le monde souhaite parler de la Chine. Or, Barack Obama va au Japon, en Corée du Sud, aux Philippines, en Malaisie. Pas en Chine. Le Président des Etats-Unis estime qu'il peut encore se permettre, aujourd'hui, d'aller visiter des pays d'Asie sans passer par la Chine pour demander la permission.

On a souvent évoqué la fameuse stratégie du pivot de l'Europe vers l'Asie. Quels sont les intérêts qu'ils ont sur place ? Sont-ils plus importants que les enjeux européens ? Comment expliquer ce nouveau rapport qui s'instaure ?

Les Européens, depuis des années et des années, expliquent qu'ils sont sérieux, raisonnables et surtout capables de se débrouiller seuls. Pour autant, ils ont toujours et à chaque fois été contraints d'appeler au secours les Etats-Unis. La dernière fois, c'était au Centrafrique. La fois précédente, au Mali et la fois d'encore avant au Kosovo. Le fait est que les Etats-Unis se sont vraisemblablement lassés de cette situation. Que les Européens se débrouillent, au fond !

D'autre part, une énorme majorité de la presse est persuadée que la stratégie du pivot signifie de laisser tomber purement et simplement l'Europe et de tout miser sur l'Asie. C'est bien évidemment faux. Il s'agit uniquement de faire quelques économies en Europe, en pensant que les Européens devraient effectivement être assez grands pour se débrouiller seuls – et que s'ils n'y arrivent pas c'est un peu tant pis pour eux – les Etats-Unis n'ont pas à soutenir l'Europe à bout de bras. D'autant plus qu'il n'est pas question pour les Etats-Unis de ne plus participer à l'Europe, seulement de ne plus la soutenir.

Il faut bien concevoir, également, que le Traité transpacifique représente à lui seul un enjeu primordial, puisqu'il cumule au total près de la moitié du commerce mondial, avec 40% de celui-ci. Sans oublier que la façade pacifique est, aux yeux des Etats-Unis aussi importante que la façade atlantique. A ceci près que la façade atlantique comporte un vieux partenariat, supposé rouler seul, et que vis-à-vis de la façade pacifique, tout est à faire ; à construire. Cela fait parti du travail normal d'un président que de se pencher

Vladimir Poutine voit en l'Amérique un rival, mais le rival de Barack Obama n'est-il pas plutôt à Pekin ?

Pékin est un rival et un partenaire, mais c’est aussi le détenteur de dettes américaines. La Chine est un grand pays qui est dans le peloton de tête mondial et qui a des problèmes de rivalité stratégique non pas directement avec les Etats-Unis mais avec les pays alliés des Etats-Unis. Mais la Chine est loin d’être une obsession de Barack Obama. Il faut bien le comprendre, et les Français ont l’air d’avoir aussi un gros souci à ce niveau-là, L’obsession des présidents américains c’est leur politique intérieure. On voit que les élections américaines à chaque fois se déroulent sur des sujets de politique intérieure et des sujets de société américaine et non pas sur la politique étrangère des Etats-Unis.

En dehors de l'allié quasi-inconditionnel qu'est Tokyo, sur quels pays Washington compte s'appuyer ? Certaines nations sont elles hésitantes actuellement dans leur allégeance entre Pékin et les USA ?

C’est assez intéressant de voir ce qui se passe à l’heure actuelle. Les Etats-Unis ne s’appuient pas sur le Japon, mais plutôt le Japon qui s’appuie sur les Etats-Unis. Il est en train de se libérer un petit peu du parapluie américain mais il faut quand même voir que l’alliance entre le Japon et les Etats-Unis c’est une alliance où les Etats-Unis garantissent la défense du Japon, ce dernier s’interdisant d’avoir une défense trop active. Le deuxième aspect concerne les autres pays alliés des Etats-Unis dans la zone : l’Australie et la Corée du Sud. Sans oublier les pays dorénavant demandeurs du "parapluie américain", qui sont riverains de la Mer de Chine du Sud en particulier. Ils s’estiment directement menacés.
Egalement, on oublie aussi rapidement Taïwan. Taïwan avec qui les Etats-Unis n’ont pas d’alliance puisqu’il n’y a pas de reconnaissance mondiale, mais pour qui ils disposent tout de même d'un texte qui fait force de loi : le Taïwan Security Act. Les Etats-Unis garantissent l’intégrité de Taïwan. C’est inscrit dans leurs lois donc ils sont donc obligés de le faire.

Ce qui est intéressant c’est de voir que maintenant il va y avoir un renforcement… C’est, à mon sens, bien plus quatre visites bilatérales qu’une seule et unique visite multilatérale. On ne créé pas un consensus de sécurité multilatéral. Il y a quatre visites bilatérales, et au cours de chacune d'elles seront abordés et traités des sujets particuliers parmi lesquels des renforcements des liens militaires avec les Philippines et avec la Malaisie, alors que les relations n'ont pas toujours été simples. Les Philippines avaient chassé un peu les Américains il y a quelques années de ça et qui maintenant leur demandent de revenir. Et la Malaisie qui est aussi de plus en plus liée aux Etats-Unis, bien qu'elle ait parfois acheté du matériel russe.

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