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Tous des robots : l'informatique corporelle pourrait-elle nous rendre immortels ?
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Bonnes feuilles

Passées du bureau à la poche, de l’ordinateur au mobile, les technologies du numérique se sont emparées de notre corps pour nous rendre toujours plus performants et connectés et font de nous des hommes qu’on dit "augmentés", de nouveaux humains intimement liés à des machines et des réseaux, des robots qui pensent et bougent différemment, souvent sans même que l’on s’en rende compte… Extrait de "Nous sommes tous des robots", d'Olivier Levard, aux éditions Michalon (1/2).

Olivier Levard

Olivier Levard

Olivier Levard, ancien chef de rubrique économie pour TF1 News et chroniqueur high-tech sur LCI, est désormais producteur, conférencier et professeur de journalisme.
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Homme en kit

À première vue, on pourrait croire à une notice d’humain vendu « en kit » ou à une version Web du célèbre jeu de société Docteur Maboul. C’est tellement plus que ça. Le « Projet de l’homme bionique » est la dernière idée qui a germé dans le cerveau de David Moinina Sengeh, étudiant surdoué du MIT de Boston. La bionique, c’est la production de pièces humaines artificielles grâce à des technologies de pointe. Ce projet ambitieux propose de « redéfinir le handicap et la maladie tels que nous les avons connus à travers l’histoire et pousse à imaginer une interaction plus harmonieuse entre l’être humain et les machines ».Tout cela est accessible à tous sur un site Internet. Cette plate-forme interactive en ligne nous apprend « comment on peut réparer le corps humain et l’améliorer avec la technologie ». Elle donne aussi une idée de ce que sera l’être humain en 2100 grâce aux innovations technologiques spectaculaires à venir en bio et électromécanique. Concrètement, le projet recense sur une infographie interactive tout ce que les industries de pointe et la médecine parviennent à changer, remplacer, améliorer dans le corps humain. La liste est longue : bras et mains bioniques pour les amputés, dents de synthèse qui détectent les maladies, organes « imprimés » cellule par cellule, trachées ou tendons artificiels… Alors que ce projet vient d’être lancé, une centaine de travaux sont déjà recensés et s’y ajoutent de nouveaux chaque jour.

David Moinina Sengeh joint à cette base documentaire un appel à l’action pour que les chercheurs du monde entier considèrent le bionique différemment. Comment peut-on concevoir tous les éléments artificiels d’un corps pour les faire fonctionner en osmose, imaginer que le genou droit d’un double amputé fonctionne de concert avec sa cheville gauche ? Quitte à se dépasser, pourquoi ne pas faire mieux que le corps « standard » en mettant au point un oeil bionique plus performant que notre oeil biologique, capable de nous alerter s’il analyse un danger ? « Nous devons imaginer le bionique pas seulement comme des pièces indépendantes qui peuvent remplacer et augmenter le corps humain, mais aussi comme la part d’un système qui redéfinit ce qu’être humain veut dire », déclare David Sengeh, dans ce qui ressemble à un manifeste.

La 3D change tout

Voilà pour changer le futur. Mais David Sengeh planche aussi sur le présent. « J’ai été élevé en pleine guerre civile au Sierra Leone, une guerre où les amputations étaient devenues un moyen de traumatiser l’ennemi. Quand les ONG sont arrivées après la guerre, certaines ont distribué des prothèses onéreuses, qui me paraissaient de qualité, mais que la plupart des mutilés ont vite cessé d’utiliser, ce qui m’a interpellé. Je leur ai demandé pourquoi et l’explication était simple : ces prothèses étaient mal conçues, douloureuses. Si quelqu’un vous donne des baskets à 200 euros qui sont trois pointures trop petites, vous n’allez pas les porter ! Vous marcherez pieds nus. »

Il comprend que les amputés ont besoin de prothèses confortables plutôt que des prothèses robotiques futuristes. David se spécialise alors dans la « biomécatronique » – une discipline associant la mécanique, l’électronique et l’informatique en temps réel au service du corps – et trouve un sujet de choix pour ses recherches : son prof du MIT, double amputé des jambes. Au lieu de se focaliser sur la partie active des prothèses qui permet la marche, sur laquelle se fixe la recherche, David réfléchit au point de rencontre entre l’homme et la machine, cette zone de contact appelée « manchon » où vient se loger le corps. Afin qu’elle soit exactement adaptée au corps de chacun, il pense à la faire basculer dans l’âge de l’impression en trois dimensions. En imprimant couche par couche des objets en plastique, l’impression 3D permet une personnalisation de la prothèse sans en faire exploser le coût.

Une intuition géniale : dès le premier prototype fonctionnel, son prof marche avec un confort qu’il n’avait jamais connu. « Que ce soit un riche professeur du MIT ou un enfant des rues du Sierra Leone, le problème est le même : l’interface entre son corps et la technologie. Sur la base d’une imagerie du corps de la personne qui a besoin d’une prothèse, l’ordinateur conçoit un modèle personnalisé et l’imprimante 3D est maintenant capable d’imprimer un modèle adapté à chacun, tenant compte de l’inclinaison et du relief de chaque partie de la cuisse. Tout cela à moindre coût, ce qui va changer toute l’industrie ! » se réjouit David.

En première ligne

Pour le spécialiste des hommes-robots, Reno J. Tibke, c’est là que se trouve le coeur du débat sur notre rapport à la technologie. « L’obsession de tous ceux qui constatent que nous devenons peu à peu des cyborgs réside en cette question : jusqu’où ? La réponse est aujourd’hui à chercher du côté des handicapés et des amputés. Ils sont en première ligne. Ce sont eux qui se posent aujourd’hui la question que nous nous poserons tous demain. Jusqu’où accepterons-nous de compenser, remplacer, échanger une partie biologique de nous-mêmes contre une partie non biologique qui lui est supérieure ? Certains blessés ont aujourd’hui le choix entre conserver une partie de leur corps abîmée par un accident et faire appel à une extension bionique très avancée. Avant, c’est-à-dire il y a seulement quelques années, l’alternative au corps était une simple pince améliorée ! Maintenant, avec les prothèses modernes, les progrès sont tels que la deuxième option devient de plus en plus intéressante. »

Extrait de "Nous sommes tous des robots", d'Olivier Levard, aux éditions Michalon, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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