Petite histoire des vœux présidentiels, ces révélateurs des forces et faiblesses de ceux qui les prononcent <!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande a adressé lundi soir ses premiers voeux présidentiels aux Français. Un exercice auquel tous les chefs d'Etat de la Vème République se sont pliés.
François Hollande a adressé lundi soir ses premiers voeux présidentiels aux Français. Un exercice auquel tous les chefs d'Etat de la Vème République se sont pliés.
©Reuters

Mes chers compatriotes...

François Hollande a adressé lundi soir, à 20 heures précises, ses premiers vœux présidentiels aux Français. Un exercice solennel auquel se sont pliés tous les présidents de la Vème République. Passage en revue et analyse.

Jacques Charles-Gaffiot

Jacques Charles-Gaffiot

Jacques Charles-Gaffiot est l'auteur de Trônes en majesté, l’Autorité et son symbole (Édition du Cerf), et commissaire de l'exposition Trésors du Saint-Sépulcre. Présents des cours royales européennes qui fut présentée au château de Versailles jusqu’au 14 juillet 2013.

 

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1960 : Les premiers voeux présidentiels du général de Gaulle se déroulent dans son bureau de l'Elysée. Une grande partie de son discours est consacré à l'actualité internationale : la France est en effet en pleine guerre d'Algérie, et ce discours précède de quelques jours le référendum sur l'autodétermination de ce pays, finalement accepté par les Français le 8 janvier 1961. Son discours soutient également les mouvements de décolonisation en Afrique et en Asie, sans oublier une critique de l'Union Soviétique (nous sommes en pleine Guerre froide) "qui asservit musulmans et peuples qui lui sont étrangers".

1969 : Georges Pompidou privilégie la simplicité (le discours ne dure que trois minutes) et revient longuement sur l'après-mai 68 : "Je souhaite que 1970 soit l'année du renouveau, après les épreuves subies, les périls surmontés. Que notre pays puisse reprendre dans le calme son effort vers le progrès, le bien-être, la justice".

1974 : Valéry Giscard d'Estaing s'attelle, pour la première fois, à dépoussiérer cet exercice des voeux. Il ne les effectue pas dans un bureau de l'Elysée mais près d'un feu crépitant (il sera le seul à le faire), et veut en changer la portée : "Je ne souhaite pas vous ennuyer en vous présentant les actions à conduire dans la politique française, ni vous attrister en vous rappelant les difficultés et les risques réels du monde dans lequel nous vivons". Sa conclusion - "Adieu donc 1974, et salut à toi, 1975" - est restée une formule célèbre.

1994 :A la veille de la dernière année de son second mandat présidentiel, François Mitterrand adresse à "ses chers compatriotes" ses voeux, où il souhaite une meilleure répartition des richesses, une meilleure politique sociale et salariale. Pour finir, il assène quelques recommandations d'ordre moral : "Je crois aux forces de l'esprit, je ne vous quitterai pas".

1995 : Les voeux de Jacques Chirac se déroulent dans un contexte particulier, après trois semaines de manifestations contre le plan Juppé sur les retraites : "Il n'est pas facile de réformer, je le sais. Je connais vos inquiétudes et vos angoisses face au chômage et à un avenir incertain". Le président de la République s'attèle néanmoins à ne pas changer de cap : "Il n'est plus possible de gouverner aujourd'hui comme on l'a fait ces vingt dernières années: esquiver les vrais problèmes, poser des pansements sur des blessures qu'on ne soigne jamais, remettre à demain ce qu'il faut faire sans délai".

2007 : Le discours pré-crise de Nicolas Sarkozy montre des résurgences de celui de Jacques Chirac douze ans plus tôt : "Notre pays a trop attendu, le temps presse si nous voulons rester maîtres de nos destins". Il rappelle "l'urgence des réformes qui attendent depuis vingt ou trente ans". Il parle également d'une "politique de civilisation pour bâtir les codes et la ville du XXIe siècle : intégration, diversité, justice, droits de l'homme, environnement, goût du risque et de l'aventure, sens de la responsabilité, respect, solidarité".

Atlantico : Le président de la République a adressé lundi soir ses premiers voeux présidentiels aux Français. Un exercice auquel tous les chefs d'Etat de la Vème République se sont pliés. Peut-on faire des comparaisons entre la prestation de François Hollande et celle de ses prédécesseurs ? Etait-il à l'aise dans cet exercice ?

Jacques Charles-Gaffiot : Malgré un décor très sobre (ouvert sur le jardin de l'Elysée) et qui reprend celui choisi par Jaques Chirac à plusieurs reprises, François Hollande n'est pas apparu aussi à l'aise qu'il voulait le faire croire. Son discours était extrêmement haché, à la différence de ses prédécesseurs, qui s'exprimaient plus lentement et donc avec plus de solennité.

A noter que le chef de l'Etat s'est exprimé environ 8 minutes, soit une durée comparable à celle de ses prédécesseurs (sauf pour le général de Gaulle qui s'était exprimé 15 minutes en 1968).

Par ailleurs, on a vu un président s'adressant plus à lui-même qu'aux Français. En témoigne l'utilisation massive du pronom « je », là où François Mitterrand par exemple utilisait beaucoup le « nous ».

Justement, les politologues ont déjà tenté à plusieurs reprises de comparer les présidences de François Mitterrand et de François Hollande. On sait que le premier président socialiste de la Vème République a servi de modèle et a fortement inspiré l'actuel chef de l'Etat. Peut-on trouver des points de comparaison entre les deux hommes dans la manière de présenter leurs vœux aux Français ?

En 1981, les vœux de François Mitterrand s'ouvrent sur la « Symphonie pour les soupers du Roi » de De Lalande et non sur « La Marseillaise ». François Mitterrand est assis derrière un bureau tandis que Hollande est debout. Au-delà de ces petites différences de style, il en existe une autre de taille : lorsque François Mitterrand présente ses vœux, on a véritablement l'impression qu'il s'adresse à la nation. Il dit « nous l'avons fait » en parlant des réformes entreprises. Et pour justifier la lenteur des réformes qui ne sont pas encore achevées, François Mitterrand évoque très habilement les lenteurs de l'Histoire. Ce qui lui permet par là même de replacer son action dans l'Histoire de France.

Or, si on reprend le discours de François Hollande, la France n'est la France que si elle marche en avant. L'Histoire ne compte plus, c'est l'avenir qui fait la France. Peu importe où l'on va, l'important c'est d'avancer. L'activisme prend le pas sur la direction à suivre, même si elle mène vers un précipice.

Il est aussi important de souligner l'utilisation de mots comme « nous » ou « ensemble » que n'a pas utilisés François Hollande. Les anciens chefs d'Etat, qu'il s'agisse de Mitterrand ou de Pompidou, soulignaient ainsi que le bien-être de la nation se construisait avec les chefs du gouvernement et de l'Etat. Avec Hollande c'est le « je » qui l'emporte le plus souvent.

Plus proche de nous, quelles différences et quels points de comparaison peut-on faire entre les vœux de Nicolas Sarkozy et ceux de François Hollande ?

Lors de ses premiers vœux, Nicolas Sarkozy est debout dans la cour de l'Elysée. Son propos est extrêmement posé. Comme François Hollande, il utilise beaucoup le « je », mais il parle à deux reprise de « l'intérêt général ».

Surtout – on voit que les services de communication sont passés par là – il tient ses mains avec les doigts croisés. Sans doute pour éviter un débordement avec des gestes trop précipités comme on le lui reprochait. Dans ses discours, Hollande est très expansif : il agite les deux bras de manière un peu saccadée. Lorsqu'il a présenté ses vœux le cadrage de la caméra ne permettait pas de voir cette gestuelle habituelle. Tout cela, sans doute dans le but d'ajouter de la solennité à ce moment.

Quelle importance spécifique ont ces premiers voeux, pour un président de la République ?

François Hollande l'a dit lui-même : présenter ses vœux aux Français lorsqu'on est président de la République est un bon exercice. C'est un bon exercice parce qu'il sort du cadre de la politique. Le temps de Noël reste, en France et en Occident, le temps de l'intimité familiale : on quitte son emploi du temps quotidien pour retrouver de vraies valeurs. Je pense que les vœux présidentiels restent un moment attendu des Français qui espèrent une attention particulière de la part du chef de l'Etat.

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