Masdar City, la ville émiratie qui devait être un modèle environnemental a échoué sur presque tous ses objectifs... sauf un <!-- --> | Atlantico.fr
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Une rue de Nasdar City, dans les Emirats Arabes Unis.
Une rue de Nasdar City, dans les Emirats Arabes Unis.
©KARIM SAHIB / AFP

Atlantico Green

Située à la périphérie d'Abu Dhabi dans les Emirats Arabes Unis, la ville de Masdar City a échoué à devenir la première ville zéro carbone et zéro déchet au monde. En revanche, son modèle architectural est efficace pour garder la fraîcheur.

Guillaume Avenard

Guillaume Avenard

Guillaume Avenard est architecte et gérant de FLUOR architecture.

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Atlantico : Située à la périphérie d'Abu Dhabi dans les Emirats Arabes Unis, la ville de Masdar City a échoué à devenir la première ville zéro carbone et zéro déchet au monde. En revanche, son modèle architectural étonne. En plein coeur du désert, Masdar City arrive à garder une certaine "fraîcheur" et lutte contre la chaleur grâce à l'utilisation délibérée de l'ombre. Comment est-ce possible ?

Guillaume Avenard : Le projet de Masdar City est envisagé comme un vaste projet expérimental aux grandes ambitions environnementales. Les 640 hectares d’emprise totale de la future ville doivent se concevoir de manière itérative en puisant dans les retours d’expériences des phases précédentes. Le développement du projet est aujourd’hui dans sa première phase avec son lot d’échecs forts d’enseignements. En effet, à ce stade, il est devenu évident que les objectifs environnementaux initiaux ne pourront être tenus ni concernant le zéro carbone, ni le zéro déchet. 

Pour nous, dans le désert l’ombre est vitale ! L’ombre est utilisée dans ce contexte désertique extrême comme un outil structurant à l’échelle d’une ville pour lutter contre les fortes températures. Masdar City peut se comprendre comme le laboratoire R&D de la planification urbaine contre le réchauffement climatique de l’ensemble des villes de la planète. Les rues sont dessinées à Masdar City en largeur et en hauteur pour produire le plus d’ombre porté possible (voir schéma ci-dessous). Ainsi, les piétons circulent-ils derrière un bouclier thermique et - le plus important ici - les divers matériaux (sols et murs) échappent à l’effet d’inertie thermique ou plus simplement d’accumulation de la chaleur provenant des rayons du soleil. 

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Citons comme exemple à Abu Dhabi de l’utilisation de l’ombre porté, le projet d’Al Fayah Park de Heatherwick Studio. C’est une transcription narrative très intéressante de l’ombre essentielle dans les mêmes conditions climatiques.

Pour que cela fonctionne, la logique d’ombre portée doit aussi être en œuvre devant les façades exposées des bâtiments. Des loggias profondes équipées d’occultations solaires dites passives de type moucharabieh en béton ou en métal créent ces ombres salvatrices à Masdar City.

Le cabinet d'architectes à l'origine de la conception initiale de Masdar City s'est inspiré des villes médiévales arabes et européennes. Ont-ils repris le concept des médinas ? 

Bien sûr, les typologies urbaines et les architectures vernaculaires des pays du Maghreb comme les médinas sont ici une grande source d’inspiration.

Foster + Partners qui est l’auteur du Masterplan de Masdar City connait très bien ce climat extrême car il réalise depuis deux décennies des projets dans les Émirats Arabes Unis. Il y a conçu plusieurs projets emblématiques tel que ICD Brookfield Place de Dubaï ou le Musée national Zayed en cours de construction. Ce dernier est situé à 500m du Louvre Abu Dhabi de Jean Nouvel qui utilise lui aussi littéralement un bouclier d’ombre au-dessus du Musée.  

Fort de son expérience évoquée ci-dessus, Foster comme beaucoup d’autres Architectes et Urbanistes glisse de plus en plus dans sa production des projets high-tech à la frugalité low-tech. Le projet de Masdar City en est paradoxalement une parfaite illustration.

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High-tech :
- Énergies renouvelables pilotés par une IA : panneaux photovoltaïques et éoliennes
- Façades vitrées à doubles peaux
- Pilotage des installations techniques par IA
- Etc.

Low-tech :
- L’ombre portée dans les rues et devant les façades
- Free-cooling
- Tour à vent
- Bassins d’eau et fontaines dans les rues et places
- Végétalisation des espaces publics
- Orientation des rues vers les vents dominants
- Etc.

Finalement, le calcul est assez simple. Pour avoir un bilan carbone favorable à l’échelle d’une ville, il faut consommer moins et mettre en œuvre des dispositifs passifs Low-Tech qui ne consomment pas ou peu d’énergie. Ces dispositifs sont très connus dans les villes “pauvres” soumises à de fortes chaleurs mais longtemps ignorés dans les pays “riches” et à fortiori “très riches” qui pouvaient jusqu’alors rester des bulles climatisées grâce à l’énergie bon marchée mais polluante des centrales à hydrocarbures (pétrole et gaz).

Le modèle d'architecture et d'urbanisme de Masdar City doit-il être reproduit ? Faut-il s'en inspirer ? 

Oui, il faut s’en inspirer comme toutes les initiatives audacieuses allants dans le sens d’une utopie pragmatique. Il faut beaucoup de volontarisme pour relever le défi de la dérive climatique et la préservation de la biodiversité sur terre.

Non, pour un projet anthropocentré sous perfusion de ressources pétrolières et sous l’égide d’architectes et d’urbanistes internationaux.

Il est évident pour les scientifiques que le “pétrole Roi” sur terre est au centre des causes du réchauffement climatique. D’autres pays pétroliers se lancent dans des projets radicaux à plusieurs milliards de dollars comme THE LINE en Arabie Saoudite, mais il faut surtout prêter beaucoup d’attention aux initiatives désirables partout dans le monde qui réinvestissent la ville sur la ville, créent des matériaux propres et sont capables de concevoir par le réemploi ou le recycling des projets exceptionnels. 

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C’est l’intelligence des cycles de vies et des circuits courts qu’il faut promouvoir. 

Nous pouvons par exemple citer la commune de Kamikatsu au Japon et ses projets Zéro déchet à l’œuvre depuis plus de 20 ans (CF. lien). 

J’appelle ça “l’africanisation” de l’architecture. 

Faire beaucoup avec peu et faire beaucoup avec les ressources proches.

Des Smart-City véritablement résilientes et intelligentes.

Il faut aussi à mon sens dans les villes à venir diversifier les quartiers, privilégier la combinaison des typologies et la synergie des fonctions un “perma-urbanisme” en somme dans lequel l’Homme et sa technologie ne serait pas Le centre comme à Masdar City V.1.

Références :

En 2003 “Déclaration zéro déchet” dans la commune de Kamikatsu au Japon
La ville sur la ville
HIROSHI NAKAMURA & NAP
https://www.nakam.info/en/works/kamikatsu0/

BC Architects
https://bc-as.org

Encore heureux

http://encoreheureux.org 

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