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Le streaming, une menace environnementale ?
©Reuters

Atlantico Green

La courbe de dépense énergétique liée au streaming augmente de 8% par an depuis plusieurs années. En 2030, cette technologie pourrait représenter 20% de la consommation électrique mondiale.

Mathieu Saujot

Mathieu Saujot

Mathieu Saujot, ingénieur diplômé de l'ENSTA ParisTech et docteur en économie des Mines Paristech, coordonne l'initiative Lier transition numérique et écologique à l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). Ses derniers travaux ont porté sur la gouvernance de la ville numérique réelle, dans le cadre du projet Audacities mené avec la Fing (Fondation Internet Nouvelle génération), et sur la prospective de la mobilité autonome et partagée, dans le cadre du projet Mobilité autonome, mobilité durable?  

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  1. Atlantico : Parmi les modes de consommation numérique que l'on utilise, le streaming semble être le plus énergivore. Pour quelle raison consomme-t-on autant lorsqu'on regarde un film en ligne ?

  2. Mathieu Saujot : La question de la consommation énergétique du streaming renvoie à 3 choses: 

  • d'une part un service à la demande nécessite des data centers capable à tout moment de fournir le contenu désiré, en l'occurrence une vidéo, mais il faut voir si cela est moins/plus efficace qu'un autre système (ex. cette étude qui compare avec la location de DVD, mais on peut aussi comparer à la TV)

  • d'autre part un système aussi facile d'accès peut générer un effet rebond: même si streamer un film était plus efficace que louer un dvd, il s'avère que je vais streamer maintenant beaucoup plus de films; cet effet rebond est classique avec le numérique

  • enfin cela renvoie plus largement à la généralisation de l'échange de vidéo (smartphone & réseaux sociaux...) de bonnes définitions: or la vidéo pèse lourd en donnée et donc cela a un impact.

Alors que le numérique de manière générale bénéficiait d'une image plutôt « verte », son bilan est-il finalement néfaste au niveau écologique ?

Nous assistons progressivement à la prise de conscience de la matérialité du numérique et de ses impacts sur la planète. Aujourd'hui des études montrent bien qu'à une échelle mondiale et en prenant en compte la fourniture en électricité et la fabrication des terminaux, réseaux (on parle de cycle de vie)... ce secteur numérique consomme de plus en plus d'énergie: +8% par an selon l'étude récente du Shift project, alors même que l'on fait des efforts pour réduire la consommation énergétique dans les autres secteurs. Ses émissions représentent quasiment 4% des émissions mondiales, 2 fois plus que l'aviation. Par ailleurs il faut diffuser l'idée que c'est bien la construction de nos smartphones et ordinateurs etc... qui représentent la plus grande part des impacts environnementaux (liés à l'extraction des terres et à la consommation énergétique): et cela nous questionne tous à l'heure où nous souhaitons renouveler nos appareils, car allonger leur durée de vie permet de réduire fortement leur impact. Globalement nous devons tous prendre conscience que notre activité numérique a des impacts, et réfléchir à des formes de sobriété (voir le guide de WWF) qui préservent notre activité numérique tout en réduisant fortement les impacts environnementaux.

Quelles doivent être les pistes pour rendre le monde numérique plus écoresponsable ?

Comme nous l'expliquions dans notre livre blanc (réalisé avec Fing, Greenit.fr, WWF): les pouvoirs publics, en plus des citoyens, peuvent agir pour réduire ces impacts. ! Voici par exemples 5 mesures bonnes pour l'économie française et pour l'environnement.

  • REPARATIONS. Faire de la France et de ses territoires les champions de la réparation et du réemploi des équipements numériques, en améliorant le financement des acteurs du secteu

  • GARANTIE Allonger à cinq ans la durée de garantie des équipements numériques, généraliser l’affichage « durabilité » de ces produits (empreinte environnementale, durée de vie, réparabilité, disponibilité de pièces détachées) et l’élargir aux services numériques 

  • LABELLISER Soutenir le développement – au niveau français et/ou européen – d’un label « numérique responsable » pour les entreprises de services numériques, puis faire de ce label un critère de sélection lors des appels d’offre publics, au niveau national et local.

  • ECOCONCEPTION Rendre obligatoire l’éco-conception des sites web et services en ligne publics et des entreprises totalisant plus de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires, en complétant l’obligation légale en matière d’accessibilité numérique à laquelle ils sont déjà soumis.

  • OBSOLESCENCE. Faire une revue de l’application effective de la Loi contre l’obsolescence programmée, afin d’identifier les freins à sa bonne application, et favoriser les recours en participant à la connaissance large de cette disposition.

Enfin, n'oublions pas de faire en sorte que les innovations liées au numérique (ex. la mobilité autonome) soient mis au service de la transition écologique et non d'une simple logique d'innovation, mais aussi que l'on questionne leur utilité: a-t-on réellement besoin demain de milliards d'objets connectés, qui vont nous rendre des services incertains (et aggraver le problème d'obsolescence, ex. votre "grille pain connecté" va bugger et ne sera pas réparable) pour un impact environnemental lui bien certain. C'est l'autre dimension d'un futur numérique responsable: n'est-il pas tant de réfléchir au but de toute cette innovation numérique et de choisir celle qui nous est vraiment utile ?

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