Guerre en Ukraine : la mer noire, nouvel enjeu du conflit ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La mer Noire est un enjeu stratégique, militaire et économique.
La mer Noire est un enjeu stratégique, militaire et économique.
©Ozan KOSE / AFP

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La mer Noire est un enjeu stratégique, militaire et économique.

Eugène Berg

Eugène Berg

Eugène Berg est un ancien ambassadeur. 

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Jean Radvanyi

Jean Radvanyi

Jean Radvanyi est un géographe et géopolitologue français, professeur émérite à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), spécialiste du Caucase, de la Russie et de l'espace postsoviétique. Il a créé l'Observatoire des États postsoviétiques à l'Inalco et été le directeur du Centre d'études franco-russe de Moscou de 2008 à 2012. Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles sur la Russie, le Caucase et le cinéma russe et soviétique. Il a notamment publié en 2023 : "Russie, un vertige de puissance".

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Atlantico : Le conflit entre l'Ukraine et la Russie est-il sur le point de déborder du Donbass ? 

Eugène Berg : Il a déjà débordé effectivement. Le conflit a 4 fronts :

-le Donbass autour de Bakhmut

-la contre-offensive du 4 juin. Elle a commencé trop tôt, Zelensky l’admet puisque les Ukrainiens n’ont repris que 350 km2 sur les 50 000 qu’ils ont perdu. Le Président Ukrainien a sans doute été poussé par les anglosaxons pressés d’avoir des résultats

-le territoire russe. Moscou est ciblée par des attaques de drones. Certaines sociétés installées dans les grattes-ciel commencent à déménager pour protéger leurs salariés

-la mer noire, région importante et décisive.

L’enjeu de cette guerre, c’est l’axe ponto-baltique, c’est-à-dire de la mer baltique jusqu’à la mer noire. Poutine fait la guerre pour rester maître de cet axe qui constitue l’épine dorsal de la 3e Europe : la Biélorussie, l’Ukraine, la Moldavie, une partie du Caucase. Ce sont les pays qui constituent l’Europe centrale.  

Jean Radvanyi : Cela fait un moment qu’il déborde. Les Ukrainiens ont frappé sévèrement les régions russes limitrophes ou encore la ville de Sébastopol, sans compter les drones sur Moscou. Les Ukrainiens ont compris que les russes avaient des faiblesses dans cette zone. C’est très difficile pour eux de protéger le port de Crimée et le port de Sébastopol.

La Crimée, c’est un symbole fort que les Ukrainiens veulent récupérer. Sans compter le trafic sur la mer noire pour les céréales. Pour eux, c’est un enjeu très important.

Pourquoi la mer noire est si importante pour les deux parties ?  

Eugène Berg : La mer noire, c’est la Crimée. Une région comparable à l’Alsace-Lorraine pour nous français. C’est une province pour laquelle on va se battre jusqu’au bout. La Crimée, c’est une région mythique. C’est comme la Riviera. C’est leur Côte d’Azur avec un accès aux mers chaudes. Dans la psychologie russe, ça fait partie du patrimoine national. Personne ne veut renoncer à la Crimée, la guerre va se cristalliser là-dessus. 

La Crimée aurait dû être indépendante ou autonome. En 2014, quand il y a eu l’annexion, on préconisait un statut à la Hong-Kong. Mais des deux côtés, il y a eu une pression nationaliste qui a empêché toute discussion raisonnable. La Crimée, c’est un point de discorde depuis toujours. 

Jean Radvanyi :Pour la Russie, c’est sa seule façade maritime au sud. Depuis Catherine 2, les tsars agissent pour récupérer cette partie du littoral. C’est aussi le départ d’un gazoduc vers la Turquie, le Turkish Stream. 

Pour l’Ukraine, c’est sa seule façade maritime. Odessa est son seul grand port sur la mer noire qui est un carrefour majeur entre l’Union Européenne, la Turquie et l’Asie centrale.

Les turcs contrôlent les détroits de la mer noire, est-ce que ce sont eux qui ont les clés pour calmer les choses ?

Eugène Berg : Les Turcs détiennent les détroits depuis la convention de Montreux en 1936. Ils peuvent interdire les navires de guerre, mais pas marchand. 

La Turquie a une politique très subtile d’équilibre entre la Russie et l’Ukraine. La Turquie elle fournit énormément de produits sous sanction aux Russes. Sans compter le Hub Gazier. La Turquie voudrait constituer un hub. Elle veut importer du gaz du Kazakhstan, d’Iran, d’Azerbaïdjan et de la Russie. Ils veulent mélanger et le revendre aux européens. 

On parle de 15,65 milliards de m3 de gaz. Ce qui représente 1/5e des importations de gaz russe pour toute l’Europe. On est loin du compte.

Jean Radvanyi : La Turquie est un acteur fondamental car le pays contrôle les détroits via la convention de Montreux. Les turcs peuvent bloquer les convois militaires, mais pas civils.

Le Président Erdogan n’a jamais reconnu l’annexion de la Crimée par les russes car il protège les Tatars de Crimée. Il est proche des Ukrainiens sans se fâcher avec Poutine. Mais attention, les turcs ont un agenda : le leur !

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