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Pourquoi François Hollande a d'ores et déjà perdu tous ses débats à venir, face à la gauche comme à la droite
©Reuters

Rhétorico-laser

Après celle de Nicolas Sarkozy, c’est une véritable "semaine noire" que vient de connaître François Hollande. De cafouillages en révélations, son naufrage rhétorique s’avèrera fatal à une nouvelle candidature.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Entre la tragédie de Viry-Châtillon, le pataquès de la visite de Poutine et les révélations choc du livre de Fabrice Lhomme et Gérard Davet (sans même parler des nouvelles désastreuses sur le front du chômage), le peu de capital politique qui restait à François Hollande vient sans doute de connaître un krach fatal. La chose est en tout cas assurée pour son capital rhétorique, c’est-à-dire pour sa possibilité même d’argumenter dans le cadre d’une nouvelle campagne.

Tout d’abord, l’agression contre les policiers de Viry-Châtillon. Le moins que l’on puisse dire est que la première réaction du Président n’a pas été à la hauteur des faits : parler d’acte "inqualifiable et intolérable", c’est resté loin du compte d’une tentative d’assassinat particulièrement odieuse consistant à brûler vif des policiers. Bref un acte plus qu’ "intolérable" et tout à fait "qualifiable".

Les cafouillages autour de la visite de Poutine ensuite : l’on n’a pas assez remarqué la véritable humiliation subie par Jean-Marc Ayrault venu en personne défendre la résolution française sur la Syrie au Conseil de sécurité, résolution retoquée par le veto russe. Face à cette offense, l’on aurait pu attendre un peu plus de réactivité de la France, soit en prenant l’initiative de l’annulation de la visite de Poutine, soit en y mettant d’emblée des conditions drastiques. Mais non : le Président a fait part à haute voix (devant un journaliste encore !) de ses doutes, avant de fixer un peu tard lesdites conditions. Résultat, Poutine a pu s’offrir le bénéfice de l’annulation de la visite en se moquant au passage d’un homologue si hésitant. François Hollande aura donc perdu sur les deux fronts : pour parodier un mot célèbre de Churchill, il aura récolté la crise diplomatique et le ridicule.

Mais ce sont bien sûr le propos recueillis par Davet et Lhomme qui sont, les plus désastreux pour "l’avenir rhétorique" du Président. Et cela pour trois raisons. La première est qu’ils anéantissent son dispositif oratoire habituel, ménageant toujours dans la même phrase la chèvre et le chou ("d’un côté, de l’autre", "faire ceci sans oublier cela" etc…). Cette "rhétorique circulaire", analysée dans ces colonnes, a explosé en plein vol, puisque François Hollande s’est exprimé sans aucune ambiguïté sur la justice, les footballeurs, le PS etc. Et de façon dévastatrice dans tous les cas. Dès lors tout propos inverse, à commencer par les excuses maladroites envoyées aux magistrats, portera le lourd soupçon de l’insincérité et de la duplicité. Pour un Président déjà accusé de "mensonge", rien ne pouvait être pire.

Davantage : quel crédit accorder désormais à toutes les pétitions de principe, affirmations et autres serments, faits tout au long du quinquennat ? L’on a beaucoup parlé "d’humiliation" pour qualifier ses propos sur la justice. Mais a-t-on assez regardé le verbatim de ces déclarations ? François Hollande parle de la "lâcheté" de magistrats "planqués". Si les mots ont un sens, "lâcheté" veut dire capitulation devant des pressions :  pressions venant de qui ? Du Pouvoir lui-même ? Qu’en est-il alors de l’indépendance de la justice affirmée sur tous les tons depuis 2012 ? Remarquons d’ailleurs que la réponse des hauts magistrats n’évoque pas seulement l’ "outrance" des propos présidentiels mais aussi "la tradition monarchique", "la tutelle de l’Exécutif", dont "il est plus que temps que la justice s’émancipe". Autrement dit, la conclusion de cet épisode pourrait bien être la suivante : le Président mais aussi les hauts magistrats ont bel et bien sapé l’idée (reçue) que la justice était vraiment indépendante dans notre pays.

Denier point et non le moindre : François Hollande est désormais dans l’incapacité argumentative de mener le moindre débat avec ses opposants, de gauche comme de droite. En effet tout ce qu’il a dit, d’un livre de "confidences" à l’autre, sera désormais utilisé contre lui. Comment pourra-t-il par exemple se poser, comme il comptait le faire, en défenseur de l’Etat de droit après avoir ainsi étrillé la justice ? Comment pourra-t-il dénoncer "le virage FN" de la droite après avoir parlé d’"un trop d’immigration" et "un problème avec l’Islam" ?

Or il n’y a, en rhétorique, rien de pire que la contradiction interne. Non seulement elle détruit l’argument avancé mais en plus elle ruine la crédibilité du locuteur. Or en politique, on le sait depuis Aristote, la crédibilité est l’enjeu cardinal.  

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