Faut-il croire aux promesses de l’hydrogène, cette vaste source d’énergie propre enfouie profondément sous terre ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des salariés travaillent sur le site de production d'hydrogène de Lhyfe, à Bouin, dans l'ouest de la France, en juin 2023.
Des salariés travaillent sur le site de production d'hydrogène de Lhyfe, à Bouin, dans l'ouest de la France, en juin 2023.
©Sébastien SALOM-GOMIS / AFP

Atlantico Green

Les gisements d’hydrogène naturel promettent une énergie abondante. La France possède d'importantes réserves.

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Atlantico : Le plus grand gisement potentiel d'hydrogène naturel du monde a récemment été identifié en France, en Lorraine. Ce site pourrait contenir jusqu'à 46 millions de tonnes d'hydrogène blanc. L'hydrogène est-il réellement une source d'énergie propre et viable dans la lutte contre le réchauffement climatique ?

Damien Ernst : L'hydrogène découvert dans les sites miniers, appelé l'hydrogène blanc, est un hydrogène trouvé à l'état naturel comme on trouve du méthane, butane et propane. Brûler cet hydrogène n'émet que de l’eau, contrairement à la combustion du méthane, qui produit du CO2. La question est donc de savoir si nous pouvons extraire cet hydrogène de manière efficace et naturelle. Si c’était le cas, nous disposerions d'une source d'énergie extrêmement propre.

Cette source d'énergie est-elle vraiment abondante ?

C'est une question cruciale. Pour comprendre, examinons le processus de création de l'hydrogène blanc. Lorsque l'eau pénètre dans le sol à une certaine profondeur et rencontre des minerais métalliques tels que le fer, qui oxydent l'oxygène de l'eau (H2O) lors de réactions chimiques, des oxydes se forment. À certaines profondeurs, cet hydrogène n'est pas libéré et reste capturé dans le sous-sol. En substance, là où l'eau a pu s'infiltrer et interagir avec des minerais oxydants, on pourrait potentiellement trouver de l'hydrogène blanc. La découverte de ces gisements a été complexe en raison des profondeurs extrêmes, mais le mécanisme suggère que cette ressource pourrait exister dans de nombreux endroits du globe. Cependant, évaluer pleinement le potentiel reste un défi.

Quels espoirs pourraient susciter la découverte du gisement de 46 millions de tonnes en Lorraine, présenté comme le plus important au monde ? 

La notion d’« important » dépend de quantités significatives ayant une valeur sur les marchés et de leur capacité à approvisionner une part substantielle de la France en énergie sur plusieurs décennies. Dans le cas du gisement découvert en Lorraine, il est encore trop tôt pour l'affirmer avec certitude. Une incertitude supplémentaire réside dans les méthodes d'extraction de cet hydrogène, qui se trouve à plus d'un kilomètre de profondeur. Bien que sa pureté puisse augmenter à des profondeurs de deux à trois kilomètres, il ne sera jamais totalement pur, nécessitant un processus de purification. L'endroit où cette purification doit avoir lieu, en surface ou dans le sous-sol, est une question technique importante. De plus, l'hydrogène, en tant que gaz, est complexe à manipuler, car ses petites molécules ont tendance à s'échapper rapidement, soulevant de nombreuses questions techniques.

Ces difficultés d’extraction peuvent-elles remettent en cause l’intérêt du site ?

Deux aspects cruciaux méritent une attention particulière. Tout d'abord, il est crucial de déterminer si l'extraction peut être réalisée de manière écologique, sans impacter l'environnement. Les industries minières, pétrolières et gazières ont souvent été associées à des problèmes de pollution, et cela reste une préoccupation. Deuxièmement, la question du prix est primordiale. L'hydrogène peut également être produit par électrolyse de l'eau de manière totalement décarbonée, si l’électricité vient de sources nucléaires ou renouvelables. Si cette méthode est moins onéreuse que l’extraction minière, alors le gisement trouvé en Lorraine aura un intérêt moindre.

Des gouvernements et des entreprises du monde entier misent sur l'hydrogène comme une pierre angulaire de la lutte contre le changement climatique. Est-ce vraiment possible ?

L’intégration de l’hydrogène dans des applications de consommation d'énergie, telles que le chauffage domestique ou les véhicules à hydrogène, semble difficile à concrétiser. Ainsi, aujourd’hui, on constate que ces idées suscitent des doutes généralisés. En revanche, l'hydrogène pourrait jouer un rôle crucial dès sa création en étant utilisé comme matière première pour synthétiser des combustibles ou des carburants distincts de l'hydrogène pur. Ces combustibles, tels que le méthane, le kérosène, l'essence ou le diesel, pourraient être utilisés par le consommateur final. Ainsi, plutôt que d'être directement consommé, l'hydrogène serait davantage utilisé comme composant clé dans la production de molécules énergétiques destinées à l'usage final du consommateur.

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