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Energie : faut-il croire aux promesses d’Elon Musk sur la nouvelle génération de panneaux solaires produite par Tesla ?
©JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Atlantico Green

Elon Musk a dévoilé une nouvelle version des toits solaires développés par Tesla. Il assure qu'ils seront intéressants financièrement pour les utilisateurs et qu'ils éviteraient les démarches administratives liées à la production d'énergie verte. Mais tout reste à prouver.

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme est professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard, ainsi qu'à l'Institut d'Etudes Politique de Paris. 

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Atlantico : L'entreprise Tesla a dévoilé une troisième version de ses toits solaires qui, selon Elon Musk, pourraient régler le problème de production énergétique verte. Que pensez-vous de cette innovation ? Est-ce un réel espoir dans dans la lutte contre les émissions de CO2 ?

Rémy Prud'homme : Elon Musk est un personnage extraordinaire, irréel, littéraire, qu’on dirait sorti de l’imagination de Balzac et de Jules Verne réunis. Musk a créé plus d’une dizaine d’entreprises (les automobiles électriques et sans conducteur Tesla, les fusées SpaceX, PayPal, Hyperloop, les panneaux solaires Solar City, l’intelligence artificielle OpenAI, etc.). Ces projets ont en commun l’innovation, le futurisme, et les subventions publiques. La dernière merveille sortie de son imagination technico-financière est un toit photovoltaïque révolutionnaire. Il est modestement présenté comme la solution au problème du réchauffement climatique. Que peut-on en penser ?

Pas grand chose de bien solide, tout d’abord. La description technique de ces nouvelles tuiles solaires est très succincte. La description économique en est très douteuse. Mais Elon Musk est un génie de la communication, plus que de l’ingéniérie. Il a déjà persuadé dix fois les investisseurs et les politiciens de financer ses projets, un peu moins facilement les consommateurs d’acheter ses produits. Son passé industriel n’est pas trop rassurant. Aucun de ses projets n’est un succès massif, comme le sont les GAFA de ses voisins californiens. Plusieurs d’entre eux ont été des demi-échecs, avec des engagements non tenus, et qui ont frôlé la faillite à plusieurs reprises. Mais à chaque fois, Elon Musk a réussi à temporiser ou à rebondir, à convaincre les investisseurs de lui faire encore confiance. On dit que la marche est une suite de chutes évitées : cette formule décrit assez bien l’itinéraire de Musk. Il peut fort bien faire faillite dans les mois à venir, ou au contraire voir l’une de ses inventions le rendre multimilliardaire (Il l’est déjà un peu, du reste). Bien malin qui pourrait le prédire.

Il semble peu probable, cependant, que les panneaux photovoltaïques sur les toits puissent être ce deus est machina de sa romanesque histoire, pour au moins quatre raisons. Primo, le marché ne concerne guère que les maisons individuelles, pratiquement pas les immeubles collectifs. La tendance, désirée et même observée, est à la réduction de la part de la maison individuelle au profit de l’immeuble collectif, qui consomme beaucoup moins d’énergie. Cela est plus vrai en France qu’aux Etats-Unis. Les Verts, qui prônent, et parfois exigent, l’habitat collectif peuvent-ils en même temps préconiser les toits photovoltaïques ? Il est vrai qu’ils ne sont pas à une contradiction près.

Deuxièmement, l’autarcie individuelle en matière électrique est un rêve absurde. La production dans le temps d’une maison dépend des caprices de la météorologie, elle ne coïncide pas avec les besoins dans le temps d’électricité de cette maison. A certaines heures, la maison produira trop d’électricité ; à d’autres, plus nombreuses, elle n’en produira pas assez. En l’absence de systèmes de stockage efficaces, il faut qu’elle soit reliée à un réseau électrique pour vendre ses surplus temporels, et surtout pour pallier ses manques. Les progrès de l’électricité ont été intimement liés à l’agrandissement des réseaux : locaux, puis régionaux, puis nationaux et maintenant internationaux.

Troisièmement, d’une façon générale, small n’est pas beautiful en matière de coûts. Cela se vérifie dans tous les secteurs industriels, y compris pour l’électricité renouvelable : la taille des éoliennes augmente constamment, celle des champs de panneaux photovoltaïques aussi. Bas coûts et petites unités de production ne font pas bon ménage.

Enfin, le photovoltaïque ne s’est développé qu’avec des béquilles publiques : obligation faite aux distributeurs d’acheter toute l’électricité produite, même au moment où la demande n’est pas au rendez-vous ; et achetées à des prix élevés (pour un producteur c’était le pied : un marché garanti, et à un bon prix), subventions à l’investissement, etc. Mais les gouvernements sont de plus en plus réticents à payer ces béquilles. Le chantage au climat, qu’Elon Musk n’est pas le dernier à invoquer, freine cette évolution, mais ne l’arrêtera pas.

L’électricité produite par les toits des maisons représente actuellement dans le monde quelque chose comme 10% de l’électricité photovoltaïque, qui représente environ 2% de l’électricité mondiale, qui représente environ 30% de l’énergie consommée. Ce qui est certain, c’est que même si le gadget de Musk réussissait et doublait la part de cette forme d’électricité, cet exploit concernerait 0,06% - moins de 1/1000 - de la production d’énergie du globe : un grand bond en avant pour Musk, un imperceptible changement pour la planète.

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