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De "Bon courage !" à "Ça va comme un lundi" : comment les Français cultivent l'art d'être malheureux
©DR

Idées noires

Manifestement poursuivis par la poisse, les Français ne sont (sans doute) pas responsables de ce ciel qui leur tombe sur la tête. Tout le reste (ou presque) est de leur faute.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Émile Coué (1857-1927) était un psychologue français convaincu qu'à se réveiller tous les matins en se disant qu'on était le plus beau et le plus intelligent, on finissait effectivement par le devenir. Il parlait du « pouvoir de la pensée positive ».

Sa méthode est sans doute contestable, un authentique imbécile ayant assez peu de de chances de s'auto-suggérer de décrocher un prix Nobel de physique et d'y parvenir, mais les exemples abondent de malades dont l'état s'améliore en fonction de leur moral.

Ce qui est nettement moins contesté, en revanche, c'est l'immense pouvoir de la pensée négative. Répétez-vous chaque matin, après vous être brossé les dents, que vous êtes dans la panade et que ça va sûrement s’aggraver parce que l'univers est méchant et que tout le monde conspire contre vous, et les probabilités d'une journée pourrie en seront certainement augmentées...

A cette aune, cette France en capilotade, notoirement peuplée de dépressifs colériques, est-elle la victime de ses propres névroses avant d'être celle de phénomènes sur lesquels elle n'a objectivement aucun contrôle ? Un quotidien anglais, ironisant sur la manière dont le sort semble s'acharner sur les voisins du dessous, passés sans transition des attentats aux grèves massives, à la violence urbaine et aux inondations spectaculaires, se demande d'ailleurs s'ils ne sont pas en train de rejouer les dix plaies d’Égypte et ne doivent pas se préparer à une invasion de grenouilles d'envergure biblique.

Mais on sait que les Rosbifs adorent nous mettre en boîte, que nous ne sommes (sans doute) pas directement responsables de l'engloutissement de Montargis et de Longjumeau et que, de toute manière, l'invasion des Froggies par les grenouilles a déjà eu lieu il y a dix ans. L'Éternel, auquel on prête un certain sens de l'humour, aura bien une idée plus originale ce coup-ci.

On sait aussi que le djihadisme, n'en déplaise à certains sociologues, tient davantage de la connerie importée que de la punition divine.

Pour le reste (les grèves massives, la violence urbaine, le chômage de masse, l'économie molle, l'industrie flageolante, l'école en déroute, les polémiques bidons, etc. qui font notre ordinaire), c'est aux mânes d'un autre psychologue qu'il faudrait en appeler – un Américain celui-là, et dont le travail a l'air un poil plus documenté que celui de Coué. Paul Watzlawick, c'est son nom, avait théorisé le moyen de faire soi même son propre malheur en suivant quelques règles simples admirablement symbolisées par ce "Bon courage !" qui tient désormais lieu de "Au revoir" au Français ou ce "Ça va comme un lundi" par lequel il démarre sa semaine de boulot.

Est-ce que ça peut changer ? Et la France (re)devenir autre chose qu'un agglomérat de râleurs défaitistes et paranoïaques se plaignant constamment de l'inconfort du tas d'or sur lequel ils sont assis ? C'est peu probable. Il faudrait la repeupler avec des Américains, ce qui serait mauvais pour sa gastronomie, voire avec des Italiens, ce qui n'améliorerait pas ses statistiques de mortalité routière. Et on sait bien à quel point l'hypothèse d'un "grand remplacement" ajoute aux angoisses gauloises de toute manière.

Bon mais il faut que j'arrête de râler, moi, ou je ne vais jamais le décrocher, mon Nobel de physique.

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