Comment l’eau de la mer et des rivières pourrait bientôt chauffer des centaines de milliers de maisons<!-- --> | Atlantico.fr
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L'eau pour chauffer ?
L'eau pour chauffer ?
©Reuters

Atlantico Green

Le Royaume-Uni envisage d'utiliser la géothermie de son sol pour produire de l'électricité durable. Un procédé intéressant dont la France pourrait profiter à l'avenir.

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni est présidente d'Economie d'Energie et de la Fondation E5T. Elle a remporté le Women's Award de La Tribune dans la catégorie "Green Business". Elle a accompli toute sa carrière dans le secteur de l'énergie. Après huit années à la tête de Primagaz France, elle a crée Ede, la société Economie d'énergie. 

Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages majeurs: Intelligence émotionnelle (2008, Maxima), Mutations énergétiques (Gallimard, 2008) ou Comprendre le nouveau monde de l'énergie (Maxima, 2013), Understanding the new energy World 2.0 (Dow éditions). 

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Atlantico : Le Department of Energy estime à un million le nombre de foyers britanniques qui pourraient être chauffés grâce à de l'eau pompée dans les rivières, les canaux et la mer. Comment cette technologie fonctionne-t-elle ?

Myriam Maestroni : Cette technologie fait partie de l’ensemble des solutions connues sous le nom de géothermie (du grec géo -terre- et thermos -chaleur-), qui consistent à capter l'énergie issue de la Terre sous forme de chaleur (énergie thermique). Cette énergie a une double origine puisqu’elle est pour partie minoritairement issue du rayonnement solaire et, majoritairement issue de la chaleur provenant du noyau terrestre, qui augmente en fonction de la profondeur, puisque plus on creuse, plus la température augmente car on se rapproche du magma en fusion. C’est pourquoi on distingue la géothermie de surface, considérée comme à basse température, de 5 à 10°C (provenant en partie du rayonnement solaire et de la chaleur terrestre), la géothermie profonde à haute température, qui peut aller jusqu’à 2.000 mètres de profondeur et atteindre jusqu’à 150°, et la géothermie  très profonde à haute ou très haute température jusqu’à 10.000 mètres de profondeur. L’énergie récupérée dans l’écorce terrestre peut être utilisée directement ou convertie en électricité. Les technologies permettant de récupérer cette énergie varient en fonction des différents cas de figure.

La technologie évoquée par le Département de l’Energie anglais fait plus spécifiquement référence au captage de chaleur pompée dans un grand volume d’eau comme l’océan, les lacs, les rivières, ou les canaux, et est connue sous le nom d’ « aquathermie », que l’on peut considérer comme un cas particulier de géothermie. Le principe est simple, puisqu’en substance il s’agit d’un échangeur qui va transférer une quantité de chaleur issue d’un milieu émetteur vers un autre milieu récepteur. En l’occurrence le but du dispositif de pompage (pompe à chaleur) est  de capter et amplifier l’énergie contenue dans l’eau pour la restituer à un système de chauffage et d’Eau Chaude Sanitaire (on pourrait également le faire fonctionner à l’inverse pour abaisser la température et obtenir un effet de climatisation). Le système de pompe à chaleur que nous connaissons tous le mieux est celui de notre réfrigérateur qui retire des calories pour abaisser la température intérieure et les rejette à l’extérieur.

Des agents chimiques seraient utilisés. Ce procédé est-il 100 % vert ?

Dans ce genre de technologies, le principe de base est relativement simple puisqu’il est basée sur une pompe à chaleur dite« eau-eau ». Cette dernière est composée d’un évaporateur, d’un compresseur, d’un condenseur et d’un détendeur. Un fluide frigorigène -en circuit fermé- capte les calories de l’eau et passe d’un état liquide à un état gazeux (son point d’évaporation est environ à -5°C). Il est ensuite comprimé, ce qui provoque son échauffement par le compresseur, qui l’expédie à haute pression vers le condenseur. Le liquide réfrigérant va alors céder ses calories au condenseur, soit directement, soit via un circuit d’échange d’eau. A son tour le condenseur restitue les calories – et donc la chaleur – aux radiateurs du logement. La pompe à chaleur (PAC) a néanmoins besoin d’une certaine quantité d’électricité pour faire tourner le compresseur. C’est pourquoi on doit être vigilant sur le Coefficient de Performance (ou COP) des PAC. Le COP est le nombre de kWh produit pour 1 kWh consommé. Ainsi, une pompe à chaleur ayant un COP égal à 3 produit 3 kWh de chaleur par kWh consommé. Pour la même puissance de chauffe, une pompe à chaleur de COP 4 consomme deux fois moins d'énergie qu'une pompe à chaleur de COP 2. La pompe à chaleur aquathermique (à eau), la plus performante, utilise une source d'eau qui doit être disponible en quantité suffisamment abondante sachant que le rejet (ou retour) d’eau qui aura libéré ses calories sera plus froid que l'eau pompée. Néanmoins, on considère qu’en principe cela aura pour effet d’augmenter la teneur en oxygène et donc d’avoir un effet bénéfique pour l'environnement et la vie aquatique. Il est cependant difficile de généraliser, et il convient de bien identifier les technologies en jeu qui varient en fonction des différents types de géothermie.

Que sait-on de son efficacité ? Peut-on imaginer qu'un pays entier soit chauffé toute l'année grâce à ce système, ou bien est-ce seulement une source d'énergie qui s'ajouterait à d'autres ?

Je crains fort que nous soyons encore loin d’avoir trouvé l’énergie idéale… Néanmoins les espoirs de diversification du mix énergétique sont, quant à eux, bien réels, et on voit fleurir de nombreuses initiatives porteuses d’innovation tant en terme de sources additionnelles d’énergie qu’en terme de technologies nécessaires à leur mise en œuvre. La seule réalité absolue reste le recours massif à l’efficacité énergétique et au « négawatt ». Il s’agit d’ailleurs là d’une composante complètement intégrée dans l’approche anglaise, qui considère que le système de pompe à chaleur fonctionnera d’autant mieux que les bâtiments seront bien isolés. En effet il est indispensable de prendre en compte le coût de l’énergie additionnelle nécessaire pour réchauffer l’eau à la température normalement utilisée (entre 55 et 65°C) pour un chauffage central.

La France pourrait-elle en profiter ? Pour quels gains économiques et écologiques ?

La France est par essence l’un des pays qui pourrait sans aucun doute déployer le plus grand nombre d’initiatives et de technologies en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique, qu’il s’agisse de géothermie au sens large, d’éolien, d’hydraulique, de photovoltaïque, de biomasse ou autre. La conjugaison de compétences solides en matière d’ingénierie, de ressources naturelles, et de diversité territoriale de nature à promouvoir des savoir-faire et expériences locales ouvre un champ des possibles gigantesque. D’ailleurs, on dénombre de multiples expériences à tous niveaux. Malheureusement, notre pays doit composer avec un lourd bémol, à savoir la prédominance du nucléaire dans son mix énergétique. Avec plus de 70% de notre électricité produite à partir de l’atome, à un prix régulé pour le grand public et figurant parmi les moins chers d’Europe, l’espace laissé aux énergies renouvelables est automatiquement restreint. La loi de Transition Energétique devait s’attaquer à ce sujet et acter la réduction de cette proportion à moins de 50%, mais il semblerait que cela ne soit pas si facile que prévu. Le deuxième bémol concerne l’efficacité énergétique avec une ambition affichée qui reste encore bien trop modeste au vue de l’état de notre parc de logements… qui - rappelons le - affiche de bien piètres performances, avec un logement sur deux, soit 15 millions qui consomment 6 à 9 fois plus d’énergie qu’un logement construit neuf. Cela se traduit notamment par des politiques de « stop and go » et de trop nombreuses hésitations  sur l’ensemble des mesures d’accompagnement fiscal, notamment avec pour effet d’entamer la confiance et donc de décourager l’investissement privé.

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