Changement climatique : le transport maritime s'accorde sur un objectif de zéro émission nette mais tout le monde n’est pas convaincu<!-- --> | Atlantico.fr
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Alors que le transport maritime est responsable d’environ 3 % du CO2 mondial, l’industrie mondiale du transport maritime a accepté de réduire les gaz qui réchauffent la planète à zéro « d'ici 2050 ou vers 2050 ».
Alors que le transport maritime est responsable d’environ 3 % du CO2 mondial, l’industrie mondiale du transport maritime a accepté de réduire les gaz qui réchauffent la planète à zéro « d'ici 2050 ou vers 2050 ».
©JONATHAN NACKSTRAND / AFP

Atlantico Green

Alors que le transport maritime est responsable d’environ 3 % du CO2 mondial, l’industrie mondiale du transport maritime a accepté de réduire les gaz qui réchauffent la planète à zéro « d'ici 2050 ou vers 2050 ».

Paul Tourret

Paul Tourret

Paul Tourret est docteur en géographie et directeur de l'Institut Supérieur d'Economie Maritime (ISEMAR).

Cet observatoire des industries maritimes, localisé à Nantes Saint-Nazaire, offre au travers de son site internet de très nombreuses analyses sur l'économie maritime. Chaque année, l'ISEMAR participe à un ouvrage de référence publié par le Marin, l'Atlas des Enjeux Maritimes.

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Atlantico : Alors que le transport maritime est responsable d’environ 3 % du CO2 mondial, l’industrie mondiale du transport maritime a accepté de réduire les gaz qui réchauffent la planète à zéro « d'ici 2050 ou vers 2050 ». Cependant, de nombreuses voix affirment que l'accord est voué à l’échec. Comment l’expliquer ? Les critiques sont-elles légitimes ?

Paul Tourret : Le transport maritime est à la fois sous pression, car il facile de montrer du doigt sa contribution via ses émissions atmosphériques au réchauffement atmosphérique. On connaît sa consommation en hydrocarbure et on lui prête un rôle majeur dans les fonctionnements de l’économie mondiale autour des « hyper-échanges ». Ceux-ci ne sont le reflet pourtant de notre monde moderne d’une consommation effrénée d’énergies et de bien manufacturés à l’échelle globale. Donc oui le transport maritime est responsable de 3% du CO2 mondial, soit le niveau de l’Allemagne, mais ce n’est que 3%. Facilement identifiable, le transport maritime vu comme un horrible responsable du réchauffement climatique. Le transport maritime est une paille dans notre oeuil global, la poutre c’est notre monde moderne dans son ensemble. Néanmoins, le transport maritime doit change et change. Il a pris dès la conférence de Copenhague des engagements et poursuit la chose. L’industrie maritime et ses différents acteurs (armateurs, chargeurs, motoristes, énergéticiens) avancent depuis 10 ans vers la décarbonation. Les avancées sur les nouveaux carburants dans la mouvance de l’hydrogène et même les innovations véliques sont la preuve. Dès lors le calendrier ne semble pas assez ambitieux aux goûts de certains. L’observateur proche des dossiers maritimes vous dira que pour un secteur qui ne progresse que sous la menace des réglementations, les progrès sont notables. Pour les observateurs extérieurs, cela semble trop long. Je répondrais que proclamer la décarbonation sans solutions technologiques est une parole en l’air si on met un calendrier trop serré ne sert à rien. Et pour l’instant on est à l’ébauche de solution. La décarbonation du maritime n’ira pas plus vite que celle du transport routier. La quadrature du cercle entre disponibilité énergétique, prix et capacité de transport est le même. Le transport maritime a besoin de temps, non pas pour ménager les armateurs, mais parce qu’il n’y a pas de solution rapide.

Y-a-t-il, sur la table, des propositions concrètes pour atteindre ces objectifs ambitieux ?

L’industrie maritime, avec ses partenaires constructeurs, motoristes et énergéticiens, est lancée dans un grand processus d’innovation. La première réponse a été réduire les émissions liées au fioul lourd maritime avec l’usage du GNL qui reste un hydrocarbure. Il faut maintenant passer à des carburants alternatifs. On peut employer des bio-carburants mais la production mondiale ne sera jamais suffisante. Donc l’orientation majeure est l’hydrogène que l’on convertit en e-carburant, plutôt le méthanol que l’ammoniac, mais les deux sont testés par le transport maritime. Mais il y a un mais. Il faut de l’hydrogène vert donc issu des énergies renouvelables. C’est donc un défi productif. Enfin, le transport maritime doit aussi améliorer son efficience et multiplier les petits ajustements, déjà la réduction des vitesses est un outil de réduction des émissions. Le routing peut améliorer la navigation pour tenir compte des vents et courants. Les navires de demain auront tous des systèmes pour profiter aussi du vent. Un grand cycle d’innovation est en cours, car n’oublions pas de toute façon les énergies fossiles sont une ressource finie et qui sera plus en plus chère. La décarbonation est inéluctable dans le siècle.

Alors que l'industrie mondiale du transport maritime est essentielle au commerce mondial, transportant jusqu'à 90 % des marchandises commerciales, arrivera-t-on un jour à diminuer drastiquement les émissions des navires de commerce ? À quel point est-ce important  d'y parvenir ? 

Il faudra donc décarboner le transport maritime, par choix politique face au réchauffement ou pas une évolution ineluctable des hydrocarbures. N’oublions pas une chose, le prix de l’énergie va augmenter au fil des décennies. Les nouveaux carburants ne seront pas bon marché. Or, la mobilité des marchandises est basée sur le coût presque marginal du transport maritime. Transporter 400 000 tonnes de fer ou 250 000 tonnes de pétrole n’est pas très élevée. Pour les porte-conteneurs, il est rappelé que le coût du transit maritime est autour 1% pour un produit vendu dans la distribution. Un sur coût léger ne changerait pas la géographie mondiale de la majeure partie de la production en Asie orientale notamment. Le doublement du prix des carburants l’an dernier à montrer déjà des surcoûts interrogeait un peu les chargeurs. Il faudrait multiplié par 4 le prix actuel, mais la tonne de fioul passe à 2000 $ la tonne, c’est que un baril à 250 $. L’économie mondiale ne pourrait soutenir un choc pétrolier brutal, mais ce sera peut-être le prix du carburant en 2050. Pour conclure, oui à terme le renchérissement du prix des carburants peut réduire les opportunités de la localisation transocéanique de nombreuses industries et leur rapatriement vers l’Europe / Méditerranée et l’Amérique du Nord. Mais rien aujourd’hui n’indique une telle évolution.

L'idée d'une taxe carbone sur le transport maritime, fortement soutenue par les pays en développement, est-elle essentielle pour réduire les émissions au cours des décennies à venir ?

Cette taxe négociée à l’OMI reste une « mesurette » si on envisage le chantier colossal de la décarbonation. Ce sera une « taxe Tobin » du maritime d’autant plus si elle ne sert qu’à un fond d’aide environemtal mondial. A 10 ou 100 dollars sur la tonne de fuel maritime, la caisse sera plus ou moins grande. Le fond peut aussi accompagner la décarbonation technique. On verra bien comment organiser cela. Il faut à mon avis laisser faire les acteurs concernés qui connaissent les enjeux. Les armateurs de la conteneurisation ont gagné beaucoup d’argent durant la crise sanitaire et pour les plus gros s’engagent dans l’iionnvation. Les groupes pétroliers ont les fonds et y jouent leur avenir. Les chargeurs, liés à l’industrie, des matières premières, de la distribution sont sensibles aux problèmes. Pour finir, les observateurs sont bien conscients qui faut faire attention au « green washing ». La pression des gouvernements, des ONG, mais aussi des consommateurs est d’obliger au « green actioning ». Alors, une taxe internationale sur le transport maritime, mais aussi son intégration dans les quotas carbone dans l’UE a l’avantage de montrer qu’il y a un « bâton ». Il faudra aussi trouver une carotte. Le concept d’une labélisation des efforts du maritime, pléblicité par des armateurs et soutenu par des ONG. Pourquoi pas, mais il faudra certifier cela. Alors pourquoi pas une comptabilité des émissions des marchandises dans leur transit terrestre et maritime qui serait connu de tous. La consommation responsable aurait un élément de référence. Les champs des possibles sont aussi grands que les défis posés.

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