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Le président américain Joe Biden et son homologue chinois Xi Jinping ont renoué le dialogue, mercredi 15 novembre.
Le président américain Joe Biden et son homologue chinois Xi Jinping ont renoué le dialogue, mercredi 15 novembre.
©Brendan Smialowski / AFP

Dialogue

La visite aux Etats-Unis du président chinois a été l’occasion d’afficher le réchauffement des relations entre les deux superpuissances, y compris au plus niveau de coopération militaire.

Jean-Vincent Brisset

Jean-Vincent Brisset

Le Général de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset est chercheur associé à l’IRIS. Diplômé de l'Ecole supérieure de Guerre aérienne, il a écrit plusieurs ouvrages sur la Chine, et participe à la rubrique défense dans L’Année stratégique.

Il est l'auteur de Manuel de l'outil militaire, aux éditions Armand Colin (avril 2012)

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Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Atlantico : Le président américain Joe Biden et son homologue chinois Xi Jinping ont renoué le dialogue, mercredi 15 novembre, dans le cadre du sommet de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (Apec) qui s'est tenue aux Etats-Unis. Quel impact sur la Russie va avoir ce rapprochement ?  

Cyrille Bret : L’image des président américain et chinois ensemble, sur le territoire américain, est très forte. Elle constitue en elle-même un revirement par rapport à une année de tension entre les deux leaders. Pour la Russie, cela signifie que son allié le plus important, la République Populaire de Chine, parle, sans elle, à son rival en Ukraine, en Europe et au Moyen-Orient. Peut-on pour autant parler d’un bouleversement des alliances au détriment de la Russie et en faveur d’un duopole mondiale sino-américain ? C’est évidemment prématuré : la rencontre de cette semaine a quelque chose d’inévitable protocolairement : les Etats-Unis accueillent cette semaine le sommet de l’APEC qui réunit 21 États de la zone Asie-Pacifique autours des coopérations économiques : il était impensable que le président Biden n’ait pas une rencontre bilatérale avec le président Xi, tout comme il en a avec les autres chefs d’États et de gouvernements présents en Californie.

Jean-Vincent Brisset : L’idée de restaurer les débouchés économiques avec la Chine émerge, principalement motivée par la constatation que la dépendance économique exclusive envers la Pékin s'avère problématique, en particulier en période de crises telles que la pandémie de Covid-19. Ainsi, de nombreuses nations réalisent que cette dépendance compromet sa souveraineté, notamment en matière de matières premières. Tout cela complique la situation pour la Chine, d'autant plus que son économie montre des signes de fragilité.

Quelle est la véritable nature de ce réchauffement entre les Etats-Unis et la Chine ? Peut-il vraiment être durable et instaurer un changement profond dans les relations entre les deux pays ?

Cyrille Bret : Entre Chine et Etats-Unis, la tendance longue est à la rivalité stratégique et à la symbiose économique. Il s’agit du fameux « piège de Thucydide » théorisé par Graham Allison pour décrire l’affrontement inévitable entre les deux superpuissances technologiques, commerciales, militaires et diplomatiques du 21ème siècle. Le réchauffement actuel est limité : le président américain a rassuré ses alliés asiatiques (Corée, Japon, Inde, etc.) sur la solidité et la durabilité de son engagement dans la région. En quelque sorte, dès la rencontre avec le président Xi passée, le leader démocrate a souhaité souligner que rien ne changeait sur le fond. Les tensions seront peut-être moins vives dans le détroit de Taïwan et en Asie du Sud. Mais la rivalité structurelle demeure entre les deux Etats.

Jean-Vincent Brisset : Il ne s'agit pas véritablement d'un réchauffement, mais plutôt d'une réouverture des canaux de communication et d'un affichage de coopération qui avait disparu. Paradoxalement, le ministre de la Défense chinois, bien qu'occupant un poste similaire en apparence à celui de la France ou des États-Unis, n'a pas la même influence sur les opérations militaires. Il agit davantage en tant qu’interface.

Quelle pourrait être la réaction de Moscou si les États-Unis et la Chine matérialisent réellement ce rapprochement dans les mois à venir ? Comment la Russie va se positionner ?

Cyrille Bret : Dans cette hypothèse, la Russie pourrait alors réagir très vivement. Le partenariat stratégique entre la Chine et la Russie, noué depuis plus de deux décennies, ne va pas sans rivalités : en Asie centrale, la Chine essaie de contester l’influence russe (et l’influence turque) via son Initiative « One Belt, One Road » ou « nouvelles routes de la soie ». Dans l’Indo-pacifique, la Russie prêt son concours au réarmement du Vietnam, en tension régulière avec la Chine et continue d’équiper l’Inde alors que celle-ci est toujours en conflit latent avec la Chine. Si la Russie considérait que la Chine la « lâche », alors elle pourrait mener une politique très active dans l’arrière-cour asiatique de la Chine pour faire sentir à celle-ci qu’elle pèse. Côté chinois, un rapprochement réel avec les Etats-Unis – hypothétique selon moi – aurait pour conséquence la réduction du soutien chinois à l’économie russe. Cela priverait la Russie de débouchés et de sources d’approvisionnements critiques notamment en termes de capitaux et de technologies.

Jean-Vincent Brisset : Actuellement, nous assistons davantage à des discours qu'à des actions concrètes. Les deux dirigeants, Xi Jinping et Joe Biden, sont confrontés à d'importants défis sur le plan politique intérieur. Xi Jinping doit faire face à une opposition qu'il tente de neutraliser par le biais de campagnes anticorruption, tandis que Joe Biden se prépare pour une possible candidature, plaçant le contexte dans une période préélectorale.

La Russie se trouve actuellement dans une position délicate en tant que demandeur, ce qui renforce la Chine. Elle fournit à la Chine des matières premières à des prix avantageux, créant une dépendance économique, et Pékin ne peut se permettre une rupture totale avec Moscou. Malgré les discours officiels, il est probable que les discussions entre les dirigeants mettent l'accent sur la nécessité pour la Chine d'éviter tout incident, notamment en Ukraine, qui pourrait affecter les relations.

Alors que tous les regards sont tournés vers le Moyen-Orient, quel sera l'impact sur la guerre en Ukraine ?

Cyrille Bret : Pour le moment, il ne peut qu’être limité. La République Populaire de Chine est peu engagée dans le conflit Russie-Ukraine. Sa proposition de plan de paix n’a rallié personne dans la région. Son soutien à la Russie est réel mais mesuré et discret. Quant à la ligne américaine sur l’Ukraine, elle est pour le moment constante : l’administration Biden soutien fortement et constamment la résistance ukrainienne aux offensives russes. Le statu quo stratégique ne pourrait être bousculé que par un changement de politique de la part de la prochaine administration présidentielle américaine.

Jean-Vincent Brisset : Actuellement, les États-Unis semblent hésiter dans leur engagement en Ukraine, remettant en question la quantité et la valeur de l'aide fournie. Il reste à voir si cet engagement va s'intensifier ou si d'autres priorités, telles que l'aide à Israël, vont prendre le dessus. En pratique, les ressources limitées des États-Unis obligent à faire des choix, et jusqu'à présent, l'aide à Israël semble prévaloir sur celle à l'Ukraine. Ainsi, pour le moment les obus 155 partent plutôt en Israël, pas en Ukraine.

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