Voiture bélier au carnaval de Volkmarsen : le silence risqué des autorités allemandes

Atlantico : Pourquoi un tel silence de la part de l'Etat ? La population peut-elle rejeter les explications à venir de la part du gouvernement étant donné le délai de réponse ?

Edouard Husson : Le fait que vous posiez la question en dit long sur le discrédit des gouvernements européens, en tout cas dans les deux pays historiquement moteurs de l’Union Européenne. Ma formation d’historien m’a appris à toujours repousser les explications par le complot. Il faut se rappeler qu’en Allemagne, la subsidiarité est ascendante. La police est compétente au niveau du Land. Le gouvernement fédéral ne serait impliqué que dans la mesure où un dossier lui serait transmis, parce que les compétences du Land seraient insuffisantes pour traiter le dossier. Par exemple dans le cas du terrorisme. Or rien ne vient, d’après le peu d’éléments disponibles, corroborer cette thèse.

Le gouvernement allemand ment-il par peur de représailles ? A-t-il des choses à cacher ?

Non. Le gouvernement de Rhénanie-du-Nord/Westphalie s’est tu, début 2016, sur les viols de Cologne. Le gouvernement fédéral n’a pas donné d’informations, récemment, sur l’avancée de l’enquête concernant l’attentat du marché de Noël de Berlin, Breitscheidplatz, de décembre 2016. Alors cela alimente les suspicions, d’autant plus que dès qu’il s’agit d ’un attentat d’extrême droite, les médias et le monde politique sont prompts à le révéler. Les membres ou sympathisants de l’AfD sur les réseaux sociaux ont commencé à répéter que l’on cachait quelque chose. En particulier parce qu’il y a eu une seconde interpellation dans le cadre de l’enquête. Mais ce n’est pas sérieux.

Est-ce une erreur stratégique de la part du gouvernement allemand ? Comment peut-il se faire entendre après cela ? 

Nous avons l'habitude de tout de suite poser les questions au niveau national. les Allemands ont la tendance inverse. Nous avons affaire, ici, à une communauté allemande, touchée et meurtrie au moment de la célébration du carnaval, qui reste bien plus fêté dans l’Allemagne catholique qu’il l’est dans d’autres pays. Et nous assistons à un réflexe courant dans l’histoire allemande: le replis sur soi, le deuil silencieux. C’est dans le cercle clos de la petite communauté, de la Heimat, que l’on va soigner les blessures de la petite ville meurtrie par le coup de folie d’un habitant du lieu, victime de l’hyperindividualisme occidental. Tel est le récit actuel. On verra bien si les prochains jours nous apportent une autre clé d’explication. Mais il est essentiel de voir qu’il n’y a pas besoin d’imaginer une motivation inavouée à Volksmaren pour passer sous silence, en tout cas dans les mainstream media, la violence régulière issue de la vague d’immigration de 2014-2016 et la vague montante, en réaction, de violence xénophobe, que le gouvernement allemand aura le plus grand mal à maîtriser.