Voilà pourquoi nous serions bien inspirés d’adopter la même paranoïa constructive que la Finlande <!-- --> | Atlantico.fr
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Des soldats et d'autres personnels militaires s'alignent pour un défilé national sur la place du Sénat (Senaatintori) à Helsinki, le 4 juin 2022, alors que le pays célèbre le Jour du drapeau des forces de défense finlandaises.
Des soldats et d'autres personnels militaires s'alignent pour un défilé national sur la place du Sénat (Senaatintori) à Helsinki, le 4 juin 2022, alors que le pays célèbre le Jour du drapeau des forces de défense finlandaises.
©Alessandro RAMPAZZO / AFP

Scénarios du pire

Pour paraphraser la loi de Murphy, s'il y a une probabilité que quelque chose échoue ou se passe mal, alors ça se passera mal. Et les Finlandais ont adopté ce principe au fondement de toutes leurs politiques publiques.

Charly Salonius-Pasternak

Charly Salonius-Pasternak

Charly Salonius-Pasternak est chercheur à l'Institut finlandais des affaires internationales. Ses travaux portent notamment sur les questions de défense et sur les Etats-Unis.

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Atlantico : Dans le New York Times, Jared Diamond explique que la Finlande a une stratégie politique consistant à toujours se préparer au pire et à imaginer que tout pourrait mal tourner. Est-ce bien une stratégie établie en Finlande ?

Charly Salonius-Pasternak : Ce n'est pas seulement une stratégie, c'est à un certain degré, beaucoup plus profond que cela. Pas nécessairement lié à l'identité nationale, mais à la culture. C'est sans doute dû au climat de notre pays, à la rareté de nos ressources pendant des milliers d'années. Pendant l'hiver, les villages pouvaient être isolés et devaient se préparer à toutes les éventualités. C'est une demi-blague de dire que le Finlandais moyen prendrait quand même un imperméable un jour de soleil, parce qu'il y a de la place dans le sac et qui sait ce qui peut arriver. Vous pourriez tout aussi bien l'avoir.

Quelle est exactement cette stratégie ? Comment se manifeste-t-elle ?

Officiellement, c'est la stratégie globale de la société. Ce qui inclut les préparatifs littéraux. L'agence nationale d'approvisionnement en sécurité détient le blé, les carburants, etc. Elle exige que les pharmacies aient des médicaments supplémentaires par rapport à ce qui serait économiquement nécessaire et aussi des médicaments spécifiques.

Cela change-t-il quelque chose à la vie quotidienne des Finlandais ?

C'est devenu plus saillant au cours des dernières décennies, pas seulement ces dernières années. Les interrogations sur les chaînes d'approvisionnement, surtout après la crise sanitaire, sont importantes. Nous avons appris que si quelque chose ne va pas de l'autre côté de la planète, vous pouvez avoir des problèmes. Cela incite les Finlandais à s'assurer qu'ils ont différents fournisseurs et à garder à l'esprit que les choses peuvent mal tourner et que la mondialisation vous rend vulnérable jusqu'à un certain point. Cela renforce également la culture de la coopération entre les gens. Et lorsqu'ils sont confrontés à un nouveau type de problème, ils ont confiance et sont capables de travailler ensemble. Mais dans la vie quotidienne, c'est complètement transparent. De temps en temps, il peut y avoir des exercices. Ils impliquent toutes les structures de l'État mais aussi les entreprises privées. Les écoles sont impliquées car si les travailleurs essentiels doivent être mobilisés, ils doivent savoir que leurs enfants seront pris en charge.

Est-ce que cela a aidé la Finlande à traverser des moments difficiles dans des occasions spécifiques ? Quels en sont les exemples ?

La crise sanitaire a probablement frappé durement les habitants des villes qui étaient habitués à avoir tout ce dont ils avaient besoin à proximité, mais les personnes vivant assez loin sont habituées à ce genre de situation. D'après ce que j'ai compris, beaucoup plus de personnes en Finlande ont fait en sorte d'avoir de la nourriture pour plusieurs jours, par rapport à d'autres pays.

Dans les temps incertains que nous vivons, géopolitiquement, avec le changement climatique, les pandémies, les catastrophes naturelles. Devons-nous nous préparer collectivement au pire, et prendre exemple sur les Finlandais, pour être plus résilients ?

Je pense que la réponse est oui. Bien sûr, il y a des limites à ce que l'on peut préparer en termes de catastrophes et de problèmes. C'est vrai pour toute question de gestion des risques. Ce n'est pas une équation facile. Si nous prenons l'exemple de notre stratégie de défense totale, on m'a souvent demandé : vous préparez-vous à la troisième guerre mondiale ? La réponse est non, mais il y a un grand nombre de choses naturelles qui pourraient se produire, comme des tempêtes énormes, des accidents industriels, des empoisonnements, etc. Et finalement, il y a la guerre. Mais nous avons besoin d'une préparation pour toutes ces choses : des préparations pratiques, ainsi que la construction d'une culture de la coopération et des réseaux pour le faire. La recherche psychologique montre que la préparation change la façon dont vous réagissez aux choses, elle crée un état d'esprit différent parce que vous avez été proactif à ce sujet.

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