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Voilà pourquoi il est hautement probable qu’aucun pays occidental ne pourra préserver son système de retraite sans refonte majeure dans les 20 ans à venir
©AFP/Joël Saget

Retraites, la réforme sans fin

Selon une étude, la plupart des pays passés à la loupe (11 pays européens et les États-Unis) auront besoin de réformes dans les 10 à 20 prochaines années pour que leurs systèmes de retraite soient viables.

Vito Polito

Vito Polito

Vito Polito est Maître de conférences en économie à l'Université de Sheffield. Ses principaux intérêts de recherche sont dans les domaines de la macroéconomie appliquée et de l'économétrie. Il a obtenu son doctorat de l'Université de York en 2009.

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Atlantico : Depuis plusieurs années, les économies avancées s'interrogent sur la viabilité de leurs systèmes publics de retraite sans capitalisation. Ces inquiétudes sont-elles justifiées ? Justifiées à quel point ?

Vito Polito : Pleinement justifiées. Par rapport aux générations précédentes, nous avons aujourd'hui une espérance de vie plus longue mais moins d'enfants. Par conséquent, nous vivons dans des sociétés où le nombre d'individus nécessitant des pensions publiques augmente au fil du temps, tandis que la proportion de travailleurs actifs qui contribuent au financement de ces pensions diminue. Les statistiques dressent un tableau clair, en particulier si l'on prend l'exemple de l'Europe. En 1950, on comptait environ 14 personnes âgées de 65 ans et plus pour 100 travailleurs (âgés de 20 à 64 ans) en moyenne. Aujourd'hui, ce ratio a presque doublé, avec 28 retraités pour 100 travailleurs. Selon les projections démographiques des Nations unies, d'ici 2050, cette proportion augmentera encore pour atteindre 53 personnes âgées pour 100 travailleurs.

Quelles sont les principales menaces qui pèsent sur les systèmes de pension ?

Il existe deux défis fondamentaux : le vieillissement des populations et la faiblesse de la croissance économique. Lorsque ces facteurs se combinent, les nations sont confrontées à des pressions croissantes pour allouer des fonds publics au paiement des pensions sans générer de ressources à un rythme comparable. Pour compliquer les choses, en moins de trois ans, nous avons été confrontés à deux événements sans précédent : la pandémie et ses conséquences persistantes, ainsi que la crise du coût de la vie déclenchée par la hausse des prix de l'énergie. Ces événements (catastrophiques) ont intensifié la pression sur les finances publiques et contribué à accroître l'incertitude non seulement quant à l'ampleur et au calendrier des futures dépenses de retraite, mais aussi quant à la capacité des décideurs politiques à remplir ces obligations.

Comment la France se situe-t-elle par rapport aux autres pays sur ces questions ?

Malheureusement, la situation n'est pas favorable. Prenons, par exemple, les évaluations les plus récentes de l'espace des retraites, une mesure simple de la capacité d'un pays à financer les dépenses publiques de retraite uniquement par le biais de l'imposition des revenus du travail. D'après nos calculs, l'espace retraite de la France était de 5,24 % en 2020. Cela signifie que près de 95 % de la capacité du pays à financer les retraites publiques par l'impôt sur le revenu du travail a été épuisée. Par rapport à douze économies avancées, l'espace de retraite de la France n'est supérieur qu'à celui de l'Italie (4,7 %). Elle se situe loin derrière d'autres grandes économies avancées comme les États-Unis (57 %), le Royaume-Uni (46 %) et l'Allemagne (22 %).

Quelles sont les solutions à ce problème et quelles sont les "échéances" pour les pays concernés ?

Plusieurs solutions sont envisageables pour financer les pensions publiques :
1) Relever l'âge de la retraite. Cela signifie évidemment que les gens resteraient plus longtemps sur le marché du travail et contribueraient au système.
2) Financer partiellement les dépenses publiques de retraite par le biais de la fiscalité indirecte. Cela permet d'alléger la charge fiscale pesant sur le travail, qui est déjà très importante dans de nombreux pays.
3) Accroître la participation au marché du travail. Grâce à des politiques qui promeuvent l'apprentissage tout au long de la vie, favorisent le développement des compétences, encouragent les formules de travail flexibles et réduisent les obstacles à l'emploi pour les travailleurs âgés.
4) Introduire des réformes qui réduisent les prestations de retraite pour les personnes à hauts revenus, mettre en place des conditions de ressources pour cibler les ressources limitées vers ceux qui en ont le plus besoin et passer à un système de financement basé sur des cotisations progressives versées par les travailleurs et les employeurs.
5) Favoriser la croissance économique. En encourageant l'investissement, l'innovation et l'esprit d'entreprise, les pays peuvent accroître leur productivité économique globale, ce qui se traduit par des recettes fiscales plus élevées et une base financière plus solide pour les systèmes de pension.
Il est important de noter que l'adéquation et la faisabilité de ces solutions peuvent varier en fonction du contexte spécifique et des facteurs socio-économiques de chaque pays. Dans la pratique, une approche globale combinant plusieurs stratégies peut s'avérer nécessaire.
Il est difficile de visualiser les délais. Dans notre étude, nous abordons cette question en évaluant la probabilité d'épuiser l'espace de pension à l'avenir. D'après nos résultats, les perspectives sont assez inquiétantes, car cette probabilité d'épuisement devrait augmenter et devenir positive pour neuf des douze pays inclus dans notre étude d'ici à 2050. Les pays dont l'espace de retraite est plus réduit et dont la population vieillit plus rapidement sont plus susceptibles d'épuiser leurs réserves plus tôt. Par conséquent, l'Italie et la France font partie des pays où la nécessité de réformer les pensions est particulièrement urgente.

Comment faire en sorte que la volonté politique suive la réalité économique des systèmes de pension que vous présentez ?

Selon moi, il existe trois approches principales pour aligner la volonté politique de réformer les pensions publiques sur la réalité économique des systèmes de pension non viables. Premièrement, il est nécessaire de sensibiliser le public aux défis de la viabilité à long terme des systèmes de pension publics et aux conséquences potentielles de leur négligence, telles que l'augmentation des impôts, la réduction des services publics ou l'insolvabilité. Deuxièmement, au lieu d'être soudaines et inattendues, les réformes des retraites devraient être élaborées sous la forme de plans stratégiques à long terme. Ces plans devraient être annoncés longtemps à l'avance, mis en œuvre progressivement et guidés par des principes socialement acceptables. Il s'agit de garantir un soutien à ceux qui en ont le plus besoin tout en exigeant des contributions plus importantes de la part de ceux qui ont plus de moyens. Enfin, il est essentiel d'établir des coalitions à large assise qui englobent des acteurs de divers secteurs, des partis politiques, des syndicats, des chefs d'entreprise et des groupes de défense. Ce n'est qu'ainsi que nos hommes politiques pourront cultiver des solutions consensuelles qui équilibrent les intérêts (souvent contradictoires) des différentes parties prenantes, répondent aux réalités économiques du moment et ont plus de chances d'être acceptées par le grand public.

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