Vérités qui fâchent et débats publics : ces biais cognitifs qu’oublient trop souvent de prendre en compte les décideurs<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron était à Rungis le 21 février 2023.
Emmanuel Macron était à Rungis le 21 février 2023.
©BENOIT TESSIER / POOL / AFP

Discours pénétrants

Emmanuel Macron en déplacement à Rungis parlait des vérités qui fâchent. Thomas Graeber, Christopher Roth et Florian Zimmermann ont travaillé sur ce qui fait qu’un discours pénètre les esprits et y demeure.

Florian Zimmermann

Florian Zimmermann

Florian Zimmermann travaille en tant que professeur à l'Université de Bonn et à l'Institut sur le comportement et l'inégalité. Il mène des recherches en économie comportementale, expérimentale et du travail. Avant de rejoindre briq, Florian a passé quatre ans à l'Université de Zurich en tant que chercheur postdoctoral. Il a obtenu un doctorat en économie de l'Université de Bonn après avoir étudié l'économie à l'Université de Mannheim et à l'Université de Californie, Los Angeles. Pour ses recherches, Florian a reçu le prix CESifo en économie comportementale et a été finaliste pour le prix Hillel-Einhorn de la Society for Judgment and Decision Making.

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Thomas Graeber

Thomas Graeber

Thomas Graeber a rejoint la Harvard Business School en 2020. Auparavant, il était chercheur post-doctoral au département d'économie de l'université de Harvard. Il a obtenu son doctorat en économie à l'université de Bonn en 2018 et son diplôme de premier cycle à l'université de Cambridge. Les principaux domaines de recherche de Thomas Graeber sont l'économie comportementale et expérimentale. Ses recherches étudient les fondements cognitifs de la prise de décision économique. Il travaille sur ce qui rend les décisions complexes et sur la façon dont la complexité, l'attention limitée et la mémoire sélective conduisent à des croyances et des comportements systématiquement biaisés des individus et des groupes.

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Christopher Roth

Christopher Roth

Christopher Roth est professeur adjoint d'économie à l'Université de Warwick.

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Atlantico : Dans votre récente étude intitulée "Histoires, statistiques et mémoire", vous vous demandez pourquoi certaines distorsions de croyance sont plus durables que d'autres. Vous avez essayé de déterminer si les histoires ou les statistiques sont les plus efficaces sur la mémoire. Vous trouvez que les histoires fonctionnent mieux. Comment avez-vous mesuré cela ?

Auteurs de l'étude : Nous avons mis en œuvre une expérience d'enquête, un outil standard dans les sciences sociales, où nous avons demandé aux participants à l'enquête de donner leur avis sur différents produits hypothétiques. Pour certains produits, avant de répondre, ils ont obtenu des informations. Ces informations se présentaient soit sous la forme d'une statistique, soit sous la forme d'une histoire. Nous avons ensuite mesuré l'impact de ces informations sur les réponses des répondants. Plus important encore, nous l'avons fait deux fois, une fois juste après avoir obtenu l'information, et une fois avec un délai d'un jour. Nous avons constaté que les statistiques ont un impact immédiat plus prononcé sur les réponses, par rapport aux histoires. Cependant, et nous pensons que c'est frappant, après un jour, cela change, et les histoires ont un impact plus fort. Nous montrons que cette tendance est due à un meilleur rappel des histoires par rapport aux statistiques.

Les histoires sont-elles plus efficaces que les statistiques ?

Dans notre contexte, la vitesse à laquelle l'impact de l'information s'estompe est plus de deux fois supérieure pour les statistiques, par rapport aux histoires. En d'autres termes, les histoires sont sensiblement plus collantes.

Qu'est-ce qui peut expliquer que les histoires sont meilleures que les statistiques pour vous faire retenir quelque chose ?

Il y a certainement de nombreuses raisons. Mais nous pensons qu'une explication importante est que les histoires ont tendance à être très uniques, par rapport aux statistiques, qui ne sont que des chiffres naturellement similaires à d'autres chiffres. C'est important, car la façon dont notre mémoire fonctionne est que différents souvenirs se font concurrence pour être récupérés, où seulement quelques unes de ces traces sont pertinentes alors que d'autres ne le sont pas. Il est donc crucial de récupérer les "bonnes" traces de mémoire. Plus les traces mnésiques pertinentes sont uniques, plus il est facile de les retrouver.

Cela signifie-t-il que l'opposition de "faits" à un récit, par exemple dans une affaire de théorie du complot ou autre, sera inefficace ?

Pas nécessairement. Nos résultats indiquent que le fait d'opposer une statistique à un récit puissant peut ne pas être efficace. Cependant, les histoires peuvent être factuelles et représentatives de la réalité, et de telles histoires pourraient être un moyen puissant de contrer les faux récits.

Quelles sont les implications politiques de votre travail ? Comment les institutions et les médias devraient-ils s'adapter ?

Nos résultats suggèrent que si les décideurs politiques souhaitent transmettre efficacement des informations statistiques, ils devraient essayer de les enrichir avec des informations contextuelles ou anecdotiques pour s'assurer que l'information reste dans l'esprit du public. Par exemple, les informations statistiques sur les quantités économiques peuvent être associées à des informations anecdotiques qui sont cohérentes avec les informations statistiques. Nos résultats soulignent également que les décideurs politiques doivent tenir compte de la structure temporelle lorsqu'ils choisissent leur mode de communication : si le message est diffusé peu de temps avant l'action prévue du public, les statistiques et les faits quantitatifs peuvent être plus puissants que les histoires ; cependant, dès qu'il y a un délai, les histoires l'emportent sur les statistiques.

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