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Valérie Pécresse ou la libérale en roues « Libres ! »
©MEHDI FEDOUACH / AFP

Portraits 2022

On ne sait pas encore sous quelle forme exacte sera désigné le candidat des Républicains (LR) en vue de l’élection présidentielle de l’an prochain, mais une chose est d’ores et déjà certaine : que ce soit dans ou hors primaire, les candidatures s’accumulent follement – à tel point que l’on se demande si dans bien des cas, il ne s’agirait pas plutôt de marchander plus ou moins habilement un futur poste ministériel, y compris auprès des deux candidats de tête Macron et Le Pen. Après tout, il y a le précédent Le Maire…

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Si Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau ont fait savoir ces jours-ci qu’ils renonçaient à se présenter, ils ont été immédiatement remplacés dans la liste des prétendants par Michel Barnier et Éric Ciotti qui viennent donc s’ajouter aux candidatures déclarées de Philippe Juvin et de la présidente de la Région Île-de-France Valérie Pécresse (Libres!). Quant au maire de Cannes David Lisnard, il a laissé entendre cet été qu’il pourrait participer à une primaire de droite si elle avait lieu, mais comme il est également le candidat adoubé par le sortant François Baroin pour prendre la tête de l’Association des maires de France (AMF) en novembre, sa candidature présidentielle semble perdre en actualité.(*)

Et puis nous avons Xavier Bertrand (droite sans étiquette) qui se présente hors primaire, qui en parle depuis des siècles et qui l’a confirmé officiellement dès le mois de mars dernier. Comment Les Républicains vont-ils parvenir à se dégager du piège dans lequel l’actuel président de la région Hauts-de-France les a enfermés grâce à sa candidature présidentielle précoce, il est encore trop tôt pour le dire. Mais une seconde chose est absolument certaine : mettez deux candidats significatifs de droite face à Macron et Le Pen et c’est l’échec assuré à droite.

Comme l’indique le dernier baromètre Harris Interactive pour le magazine Challenges (25 août 2021), si tel était le cas, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse émargeraient respectivement à 11 % et 8 % des voix (colonne de droite dans le tableau ci-dessous) :

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À vrai dire, la situation n’est guère plus brillante si la droite ne présente qu’un seul candidat (16 % dans l’hypothèse Bertrand et 13 % dans l’hypothèse Pécresse quand Macron et Le Pen caracolent l’un et l’autre entre 24 et 26 %). Quoi qu’il en soit, on imagine mal Juvin, Ciotti ou Barnier bouleverser la donne. Ni Lisnard non plus, s’il part effectivement à l’AMF.

Peut-être Éric Zemmour ? On le dit très occupé à rassembler des parrainages de maires et une centaine de jeunes LR en manque d’idole s’est fendue vendredi d’une tribuneappelant leur parti à se ranger derrière lui. Début juillet, cependant, un sondage ne lui accordait guère plus que 5 % des voix, grappillées chez Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen et Xavier Bertrand, sans véritablement bousculer les scores des deux derniers. 

Force est donc de constater que dans l’immédiat, le bras de fer entre LR et Xavier Bertrand va se jouer avec Valérie Pécresse, sachant que ni l’un ni l’autre ne sont plus encartés chez Les Républicains. C’est dire à quel point ce parti n’est plus que l’ombre de lui-même. Le premier a claqué la porte dès 2017 pour manifester son opposition à la droitisation enclenchée par le nouveau président Laurent Wauquiez et la seconde, peu ou prou sur la même longueur d’onde, a attendu 2019, non sans avoir préalablement créé son propre mouvement « Libres ! » 

Libres ! Serait-elle donc libérale, contrairement à la vaste majorité des personnalités de droite, Bertrand compris, qui ne cessent de pourfendre, qui le néolibéralisme qui détruit les services publics, et qui le mondialisme qui démolit la souveraineté des peuples ? 

Interrogée cet été dans l’hebdomadaire Le Point sur ce qui la différenciait de ses concurrents de droite, Bertrand notamment, Valérie Pécresse a expliqué qu’elle était « sans doute plus libérale » et plus consciente de « la radicalité et de l’ampleur des réformes à accomplir », ajoutant :

« La décentralisation, la création de richesses, la liberté d’entreprendre, la liberté tout court sont pour moi essentielles. »

Quelques lignes plus haut, elle se définissait comme étant plutôt « 2/3 Merkel et 1/3 Thatcher », histoire de prendre de la distance avec l’époque (1976) où Jacques Chirac, celui qui l’a fait entrer en politique après la dissolution ratée de 1997, voulait transformer le parti gaulliste en une force politique social-démocrate sur le mode d’un travaillisme à la française.

Libéralisme, Thatcher, Merkel ? Voilà qui n’est pas sans exciter la curiosité des libéraux. Et qui ne manque pas d’un certain courage dans le contexte politique, économique et social français qui ne jure que par l’État providence et la supériorité supposée des services publics sur la liberté d’entreprendre et les initiatives individuelles – à un point de plus en plus exorbitant puisqu’avec le « quoi qu’il en coûte » consécutif à la pandémie de Covid, on en est arrivé à un taux de dépenses publiques sur PIB de 62 % en 2020 ! Xavier Bertrand, prudent, patelin, a de beaucoup préféré s’annoncer comme le candidat d’une droite sociale et populaire.

L’allusion à la radicalité et à l’ampleur des réformes à entreprendre ainsi que la mention de Margaret Thatcher fait immanquablement penser à ce que disait François Fillon en 2017. Et Dieu sait que cela lui a valu l’animosité hystérique de pratiquement toute la planète politico-médiatique. Du reste, à l’époque, Valérie Pécresse avait préféré soutenir Alain Juppé…

Peut-être est-ce la raison pour laquelle elle inclut une bonne dose de Merkel dans son auto-description, retenant avant tout de la chancelière allemande non pas tant le souci de bien gérer les comptes publics que le mode de gouvernance en coalition, ce « dépassement des clivages » qui a fait les beaux jours d’Emmanuel Macron et qu’elle dit avoir toujours privilégié dans sa région. L’exemple qu’elle cite est cependant assez mal choisi puisque son « bouclier sécurité » a été voté alors que les membres du groupe PS ont quitté le lieu des débats.

De plus, malgré la « radicalité et l’ampleur dans les réformes à accomplir », ses propositions concrètes restent pour l’instant assez pointillistes. Bien sûr, comme tous les candidats, elle n’est pas avare en circonlocutions générales qui promettent de redonner à la France sa grandeur, sa fierté, sa place dans le monde et que sais-je encore, via la débureaucratisation de la France (bonne idée, mais comment ?), la restauration de l’autorité régalienne de l’État, un sursaut national pour l’éducation et la fin des dérives d’une immigration incontrôlée.

Mais en pratique, il est surtout question d’encourager les services à la personne en les défiscalisant plus, d’obliger les entreprises cotées à atteindre une part de 10 % de leur capital détenue par les salariés et de mettre fin aux tarifs réduits dans les transports publics pour les personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

Une bonne proposition, cependant : l’exercice du pouvoir étant trop souvent voire toujours déconnecté de la conquête du pouvoir, elle se propose de préparer ses textes de loi à l’avance afin que les Français en prennent connaissance avant l’élection et qu’ils soient votés et appliqués dans les premiers mois du quinquennat. Elle s’inscrit en cela dans la méthode Sarkozy dont, en tant que ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de 2007 à 2011, elle avait porté le projet d’autonomie des universités voté dès le mois d’août 2007.

C’est du reste un point que je porte à son crédit (même si beaucoup reste à faire pour donner toute l’agilité voulue à nos universités). Il semblerait également que lors de son passage à Bercy de 2011 à 2012 comme ministre du budget et des comptes publics, elle ait réussi à obtenir en 2011 « le meilleur résultat en matière de maîtrise de la dépense publique » depuis 20 ans (selon Didier Migaud, premier président de la Cour des Comptes en 2014). Précisons toutefois qu’il ne s’agissait que d’une pause dans une dégradation constante depuis la crise financière de 2008 :

Autres points qui témoignent d’un certain bon sens pratique, elle a toujours dénoncé le principe de la gratuité des transports publics en Île-de-France que souhaitait Anne Hidalgo et n’a pas ménagé ses critiques sur la fermeture des voies sur berge parisiennes.

Comme diplômée d’HEC et de l’ENA, comme ancienne députée des Yvelines, comme membre du Conseil d’État (qu’elle a quitté définitivement en 2015 pour se consacrer exclusivement à son mandat à la tête de la région Île-de-France) et comme ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, nul doute qu’elle soit en mesure de maîtriser parfaitement tous les discours et tous les rouages des fonctions gouvernementales.

Peut-être même trop, ce qui tend inévitablement à l’écarter d’un chemin authentiquement libéral.

Comme la plupart de ses collègues en politique, elle a du mal à ne pas se montrer dirigiste, attitude réputée guidée par le sens de l’intérêt général qui consiste à vouloir imposer ce qui semble bien et interdire ce qui semble mal. C’est ainsi qu’elle a soutenu la loi Copé-Zimmerman de 2011 qui impose un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises (disposition encore renforcée et sur-pénalisée par Bruno Le Maire dans sa loi Pacte pour les entreprises). Une évidente entorse à la liberté d’entreprendre qu’elle juge pourtant essentielle.

C’est ainsi également qu’elle s’est montrée favorable à l’introduction par Emmanuel Macron d’une part obligatoire dans le congé paternité, mesure visant à réduire les écarts résiduels de salaire entre les hommes et les femmes par complication de la carrière des hommes. Une évidente entorse à la liberté tout court qu’elle juge pourtant essentielle.

D’autre part, il semblerait que son souci de relever le pouvoir d’achat des catégories les plus modestes la conduise à revaloriser substantiellement le SMIC. Du moins l’idée est-elle à l’étude (mais pas encore tranchée) afin de rendre le travail systématiquement plus rémunérateur que les aides sociales, ainsi que Florence Portelli, ancienne porte-parole du candidat Fillon et actuelle vice-présidente du Conseil régional d’Île-de-France proche de la candidate, l’a expliqué au magazine Capital.

Autrement dit, on garderait le « pognon de dingue » des aides sociales tout en augmentant le nombre de personnes exclues du marché du travail en raison d’un niveau minimum de rémunération trop élevé par rapport à leur expérience et/ou qualification. C’est proprement aberrant. Et certainement pas libéral. Une évidente entorse à la création de richesse qu’elle juge pourtant essentielle.

De là à penser que Valérie Pécresse n’a mentionné son petit 1/3 thatchérien que pour mieux s’inscrire dans une sorte de filiation avec le vainqueur de la primaire de 2016 aux yeux des électeurs de droite, mais une filiation profondément édulcorée pour s’adapter aux marottes social-démocrates de la France, il n’y a qu’un pas. Le pécressisme serait-il le new macronisme ?

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