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Vaccination record au Portugal : les secrets d’un formidable succès
©©Reuters

Un véritable exemple

Le Portugal affiche un taux de vaccination qui pourrait faire pâlir d'envie de nombreux gouvernements. Face à un tel succès, le pays, érigé en exemple, a même décidé d'alléger ses restrictions en rouvrant bars et discothèques.

Barbara Serrano

Barbara Serrano

Barbara Serrano est consultante, spécialiste en conseil stratégique et maîtresse de conférences associée.

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Atlantico : Le Portugal affiche l’un des taux de vaccination les plus élevés au monde. Selon des données fournies par Google, il serait le 5ème pays au monde en pourcentage d’habitants intégralement vaccinés (après des pays comme le Palau et Brunei) et 1er pays en Europe selon Our World in Data. Comment expliquer un tel taux de vaccination ? Les politiques sanitaires ont-elles été différentes par rapport aux autres pays européens ?

Barbara Serrano : Les politiques sanitaires en elles-mêmes n’ont pas été très différentes des politiques françaises pour ce qui concerne la vaccination. Le Portugal a reçu des doses en même temps que la France, au prorata de sa population. Ils ont, comme nous, organisé leurs prises de rendez-vous principalement via Internet. Il n’y a pas de différence majeure avec la France, mis à part le fait qu’ils ont ouvert, dans un second temps, des centres de vaccination sans rendez-vous afin de faciliter l’accès des personnes âgées aux centres de vaccination. Mais même pour la prise de rendez-vous en ligne, la solidarité intergénérationnelle a bien marché. 

Peut-on attribuer ce taux de vaccination très élevé à des facteurs sociétaux ou historiques ? La société portugaise est-elle plus à même d’accepter la vaccination ?

Votre question est déjà très orientée. Pourquoi faudrait-il « accepter » ce qui est perçu comme une opportunité et une chance ? C’est plutôt ainsi que les Portugais perçoivent le vaccin et il est possible qu’ils ne comprennent pas la question telle que vous la posez. 

Je pense en effet que les facteurs historiques, sociétaux et politiques sont déterminants pour comprendre la différence d’adhésion à la vaccination entre le Portugal et la France. 

Les Portugais ont vécu 48 ans de salazarisme où l’État était tout sauf un État social, et qui a laissé une population très pauvre, sans instruction, ainsi qu’un service de santé très défaillant. L’État social a été absent, il est aujourd’hui beaucoup plus présent : 4 tests gratuits par mois, distribution de masques, d’ordinateurs pour les élèves afin de faire l’école en distanciel… Et les Portugais l’apprécient. Le vaccin qui leur est offert est perçu de la même manière : une opportunité d’accéder à ce que la recherche mondiale produit de meilleur.

Surtout, comparés aux Français, les Portugais ont une moindre confiance dans leur propre système de santé qui reste plus fragile que le nôtre. Cette défiance génère un sentiment de vulnérabilité plus important face à la maladie. C’est de l’histoire ancienne, mais aussi de l’histoire très récente : en janvier 2021, le Portugal a connu une vague très importante qui a saturé le système hospitalier, et cela a fortement marqué la population. Se vacciner est le moyen le plus sûr d’éviter d’avoir besoin d’aller à l’hôpital. 

Cette moindre confiance dans le système de santé national est corrélée avec, à l’opposé, une confiance forte dans l’exécutif. Le gouvernement portugais a très bien géré la crise en termes de communication. Le Président et le Premier Ministre ont été très clairs depuis le départ et ils n’ont pas essayé de cacher les faiblesses de l’État. Le Premier ministre a dit d’entrée de jeu que, compte tenu de l’austérité qu’a subie le pays par le passé, il n’y aura pas de respirateurs pour tout le monde et qu’il fallait éviter de se contaminer. Cet argument et ce franc-parler ont justifié des mesures de restrictions très fortes, plus fortes que chez nous, et qui ont été peu discutées. 

Le gouvernement a depuis lors continué d’avancer de manière claire et transparente et l’ensemble du process a été bien conduit : des décisions éclairées par la science, toujours expliquées, des choix justifiés par des données objectivables... Ainsi, de la même manière que la population a accepté les mesures de restriction, elle a cru son gouvernement lorsque celui-ci lui a conseillé la vaccination. Il faut savoir que la France est championne toutes catégories en termes de défiance envers les institutions et envers les gouvernants, et ce depuis plusieurs décennies. Cette défiance s’est fortement accrue pendant ce dernier quinquennat. Le Portugal ne connaît pas ce problème à la hauteur de ce que nous connaissons. Le gouvernement est donc parti d’un niveau de confiance élevé de son peuple et n’a pas trahi sa confiance. 

Autre élément clé de la confiance : une grande cohérence entre le gouvernement et le monde scientifique en général, et les médecins en particulier. Tous les jeudis, un point est fait par l’exécutif et les médecins prennent ensuite le relais dans les médias pour expliquer les mesures, sans les critiquer. Il n’y a pas cette cacophonie que nous connaissons ici. D’abord parce que les médecins sont en phase avec les décisions prises par le gouvernement, parce que ces dernières sont guidées par la science, ensuite parce que les médias n’ont jamais traité le sujet comme une affaire d'opinion, mais comme une affaire scientifique. Que ce soit pour confiner ou pour se vacciner, tout s’est déroulé dans cette continuité.

Autre facteur sociétal important qui peut expliquer la forte adhésion des Portugais à la vaccination : la solidarité y est moins déléguée à l’État et reste très familiale. C’est une spécificité de l’Europe du Sud. Le Portugal a une population âgée plus importante que la nôtre en proportion et les relations entre générations y sont aussi plus intenses. Nombreux sont les grands-parents qui s’occupent de leurs petits-enfants après l’école, et nombreux sont les enfants qui s’occupent de leurs parents âgés. Protéger les personnes âgées est sans doute un élément important, et cela peut expliquer aussi en partie le grand succès de la vaccination des enfants. Pour rappel, le Portugal a reçu les vaccins en même temps que la France et a aujourd’hui vacciné 48% de ses 5-11 ans (contre 2% pour la France). Ce n’est certainement pas le seul facteur, mais cette idée de solidarité intergénérationnelle en est un.

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