Trump/Biden, le match retour dont ne voulaient pas les électeurs américains ? Plongée dans les résultats passionnants d’une enquête sur les entrailles de l’opinion outre-Atlantique <!-- --> | Atlantico.fr
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Joe Biden et Donald Trump.
Joe Biden et Donald Trump.
©ANDREW CABALLERO-REYNOLDS and JOSEPH PREZIOSO / AFP

La revanche ?

À plus de six mois de l'élection, un nouveau sondage du Pew Research Center révèle que la course à la présidence est très serrée : 49 % des électeurs inscrits favorisent Donald Trump tandis que 48 % soutiennent Joe Biden.

André Kaspi

André Kaspi

André Kaspi, est agrégé d'histoire, spécialiste de l'histoire des États-Unis. Il a été professeur d'histoire de l'Amérique du Nord à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et directeur du Centre de recherches d'histoire nord-américaine (CRHNA). Il a présidé notamment le comité pour l'histoire du CNRS.

 

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Atlantico : Reflétant leur insatisfaction à l'égard de la confrontation Biden-Trump, près de la moitié des électeurs inscrits (49%) déclarent que, s'ils avaient la possibilité de choisir les candidats des principaux partis pour l'élection de 2024, ils remplaceraient à la fois Joe Biden et Donald Trump sur le bulletin de vote. Comment l’analysez-vous ? 

André Kaspi : Depuis plusieurs mois, nous savons que Joe Biden et Donald Trump seront selon toute vraisemblance les principaux candidats aux élections présidentielles et cela donne satisfaction à peu d’électeurs américains. Autrement dit, une grande majorité des électeurs regrette que la querelle qui constitue le débat des élections présidentielles se limite à ces deux principaux candidats. Ils auraient voulu un choix plus large, plus novateur. 

Si les électeurs sont sceptiques ou déçus d'avoir à choisir entre Donald Trump et Joe Biden, c'est surtout en raison de l'âge des deux protagonistes. Joe Biden a déjà 81 ans et il aurait 86 ans à la fin de son second mandat s'il était réélu. Donald Trump, qui aura 78 ans en juin, aurait quant à lui 83 ans en 2026.

Les Américains ont beaucoup de mal à accepter cela parce que le plus vieux des présidents jusqu'à maintenant, c'était Ronald Reagan, élu en 1981. Il avait 69 ans et déjà à cette époque, on considérait que c'était trop vieux pour devenir président des États-Unis. Sans doute d'ailleurs les électeurs de cette époque se souviennent que John Kennedy, en 1960, avait été élu à 43 ans. Cette bataille des octogénaires gêne considérablement les électeurs américains.

Dans le cas de Joe Biden, c'est son affaiblissement physique et ses approximations dans ses propos qui inquiètent. Les Américains ont le sentiment qu’il n’est pas en mesure d’affronter la tâche particulièrement lourde qui est celle d’un président des États-Unis. Quant à Donald Trump, les électeurs ont des doutes sur sa conception de la vie politique, ils acceptent mal son acharnement à vouloir démontrer depuis 2020 qu’il n’a pas perdu les élections présidentielles, qu’on les lui a volées et que par conséquent, il faut qu’il retrouve ce que ce qu’on lui a pris.

Mais qui aurait pu les remplacer ?

Les électeurs ne disent pas de nom. Si vous prenez par exemple les démocrates dans les élections primaires qui ont eu lieu jusqu’à maintenant, aucun candidat ne s'est déclaré contre Joe Biden. Pourquoi ? Parce qu'il est extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, d'être candidat dans un parti dont le principal représentant est déjà à la Maison Blanche. Ce serait comme un crime de lèse-majesté, une attaque insupportable contre le bilan du sortant, une division de l'électorat démocrate qui, inévitablement, entraînerait la défaite. Dans le cas de Donald Trump, il y a eu des candidats qui se sont opposés à lui, notamment le gouverneur de la Floride, Ron deSantis, et l’ancienne gouverneure de Caroline du Sud, Nikki Haley. Or ils ont été battus très sèchement pendant les primaires du parti républicain. 

Selon le même sondage, près des trois quarts des électeurs noirs (77 %) soutiennent Biden, tandis que 18 % soutiennent Trump. Les électeurs hispaniques sont plus également divisés : 52 % d'entre eux soutiennent Biden, tandis que 44 % soutiennent Trump. Un résultat étonnant quand on se souvient des propos de ce dernier en 2016 sur les Mexicains. Que doit-on en retenir ?

Donald Trump est surtout très agressif à l'encontre des migrants illégaux. De toute évidence, parmi ces migrants illégaux, certains Mexicains peuvent aujourd'hui voter. Mais ce qui attire du côté de Donald Trump, c'est qu’au fond, il représente une Amérique profonde, une Amérique qui s'en prend aux élites intellectuelles, une Amérique également qui reste encore marquée par le racisme à l’encontre des Noirs.

Dans la mesure où les Noirs votent très majoritairement pour les démocrates, il est évident que ceux qui craignent la concurrence des Noirs sur le plan économique ou tout simplement dans la vie sociale ont plutôt tendance à se rallier à Donald Trump. Tout comme il peut compter sur le vote d'une minorité grandissante des Latino-Américains, sur l'appui indéfectible des chrétiens évangéliques et de cette Amérique profonde qui redoute les bouleversements de la société, qui dénonce l'immigration illégale et qui supporte de plus en plus mal l'insécurité dans les villes et combat l'avortement.

De manière générale, il est évident que le problème de l'immigration illégale est un problème extrêmement important aujourd'hui dans la campagne électorale, étant donné que la frontière avec le Mexique est largement perméable. Ce sujet pousse beaucoup d’Américains dans les bras de Donald Trump. A contrario, l’ancien président n’a pas été clair sur l’avortement. Il se vante d'avoir nommé à la Cour suprême des États-Unis trois des neuf juges actuels. Or c'est la Cour suprême d'aujourd'hui qui, en 2022, a annulé l'arrêt de 1973 qui faisait que l'avortement était légal dans l'ensemble des États-Unis. La Cour suprême a rendu un arrêt suivant lequel chacun des États décidera de ce que sera ou non l'avortement dans ses limites. Sa clientèle électorale, si je puis dire, aurait certainement préféré qu'il maintienne son hostilité à l’avortement décidée pour l’ensemble de la nation ; or là on ne sait pas vraiment s’il se contente de la décision, celle qui permet aux États de décider en dernier ressort.

42 % des électeurs estiment que Trump a été un bon ou un grand président, tandis qu’ils ne sont que 28 % à estimer que Joe Biden est un bon ou un grand président. Est-ce étonnant ?

Joe Biden a l'inconvénient, si l'on peut dire, d'être l'actuel président et par conséquent, toutes les décisions qui sont prises par la Maison Blanche aujourd'hui sont à mettre au passif de Joe Biden, tandis que Donald Trump n'est plus président depuis janvier 2021. Les électeurs ont parfois la mémoire courte.

Joe Biden a aussi cet obstacle devant lui que constitue la politique étrangère, un bon tiers des électeurs démocrates lui reproche plus ou moins vivement sa politique au Moyen-Orient. Donald Trump n'étant pas au pouvoir, les électeurs ne lui reprochent pas aujourd'hui de prendre des décisions que son adversaire démocrate est obligé de prendre.

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