Winner !
Sommet de l'OTAN : Donald Trump en passe de gagner son pari pour faire payer les Européens
Le sommet de l'OTAN s'ouvre aujourd'hui à Bruxelles. Au programme : renforcement du soutien de l'OTAN dans la lutte contre l'Etat Islamique, renégociation du "burden sharing" et inauguration du nouveau siège.
Jean-Sylvestre Mongrenier
Jean-Sylvestre Mongrenier est docteur en géopolitique, professeur agrégé d'Histoire-Géographie, et chercheur à l'Institut français de Géopolitique (Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis).
Il est membre de l'Institut Thomas More.
Jean-Sylvestre Mongrenier a co-écrit, avec Françoise Thom, Géopolitique de la Russie (Puf, 2016).
Le sommet de l'OTAN réunissant les 28 chefs d'Etat s'ouvre aujourd'hui à Bruxelles. Pour quelques chefs d'Etat, ce sera une première comme pour Donald Trump ou Emmanuel Macron. De quoi les chefs d'Etat vont-ils discuter selon vous, doit-on s'attendre (ou pas) à de grands changements en matière stratégique?
Jean-Sylvestre Mongrenier : Selon l’OTAN, il ne s’agit pas d’un sommet – le dernier sommet atlantique a été organisé en juillet 2016, à Varsovie -, mais d’une réunion (au sommet !). Ce point de sémantique indique que les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’OTAN ne prendront pas de grande décision. Le fait essentiel réside dans la venue de Donald Trump en Europe, un continent dont ses ancêtres sont originaires (Allemagne et Ecosse), mais qui semble jusqu’alors tenir une place réduite dans sa vue-du-monde. Et ce alors même qu’il n’est pas homme de la côte Ouest, en phase avec les évolutions du bassin « Asie-Pacifique », ni même un Texan, mais un New-Yorkais. Depuis la fin de sa campagne électorale, Donald Trump est revenu sur les critiques adressées à l’OTAN ou à l’Union européenne mais auparavant, il aura semé le doute. Quand bien même le secrétaire à la Défense, James Mattis, et le secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, sont précédemment venus apporter des garanties sur le niveau d’engagement diplomatique et militaire américain en Europe, un engagement concrétisé par le renforcement de la « présence avancée » de l’OTAN sur ses frontières orientales, on peut penser que les responsables européens seront très attentifs à la teneur des propos du président américain.
Quels sont les objectifs de Donald Trump en matière de "Burden Sharing"?
Donald Trump rencontrera pour la première fois Emmanuel Macron à cette occasion et les deux hommes vont partager un "long déjeuner". De quoi vont-ils parler selon vous ?
On peut penser que les débats internes à l’Alliance atlantique évoqués plus haut seront évoqués, dans leurs grandes lignes à tout le moins. Certains présentent en effet un haut niveau de technicité et ne se prêtent pas à une conversation au cours d’un repas. La lutte contre le terrorisme (la guerre pour être plus précis) sur le théâtre syro-irakien sera au menu. Au sein de la coalition emmenée par les Etats-Unis, la France est, avec le Royaume-Uni, le principal contributeur non-américain de l’opération Inherent Resolve (opération Chammal pour la partie française). Afin d’opérer sur ce théâtre, l’armée de l’Air a déployé des Rafale sur une base jordanienne ainsi que sur une autre localisée aux Emirats Arabes Unis. Lorsque le porte-avions Charles-de-Gaulle a été envoyé en Méditerranée orientale puis dans le golfe Arabo-Persique, à la suite d’attentats terroristes commis sur le territoire national, la contribution française a plus que doublé. Bref, la France est fortement engagée sur ce théâtre et les opérations menées à Mossoul (Irak) comme autour de Raqqa (Syrie), offrent matière à conversation.
Les questions opérationnelles ouvrent sur les perspectives de la Syrie, l’attitude vis-à-vis du régime de Damas, auteur de frappes chimiques, et la transition politique, abandonnée quelque part entre Genève et Astana. Le semblant de négociations menées sous l’égide de Moscou, processus qui assure à Bachar Al-Assad le temps nécessaire à la reconquête d’une partie du territoire, conduit tout naturellement à la Russie. Si les deux hommes devraient aborder la question du révisionnisme géopolitique russe, dûment dénoncé par l’actuelle administration, on peut penser que le thème de la cyberwar et de la « guerre de l’information » sera prudemment laissé de côté. Pas question d’importuner Donald Trump avec le Russiangate ! La mise en œuvre des accords de Minsk, de fait au point mort, constitue une autre manière de débattre de la Russie (Emmanuel Macron rencontrera Vladimir Poutine quatre jours plus tard). La Libye constitue un autre théâtre géopolitique d’importance qui appelle l’attention des Etats-Unis et de la France. On sait que les services spéciaux des principales puissances occidentales sont engagés sur le terrain et les Etats-Unis ont parfois bombardé les bases de groupes islamistes qui revendiquent leur affiliation à l’Etat islamique.
Enfin, il y a l’opération « Barkhane », conduite depuis plusieurs années dans la région Sahel-Sahara. A Washington, le fort engagement militaire français est apprécié à sa juste valeur, Paris y voyant l’exemple d’un type de « partage du fardeau » (« Burden sharing ») fondé sur la répartition des théâtres d’engagement. Du reste, Washington soutient activement l’opération française sur le plan de la logistique et en matière de partage du renseignement. En visite au Mali le 19 mai dernier, le président français, Emmanuel macron, l’a souligné : « Aujourd’hui, sans la coopération avec les Etats-Unis en particulier en matière de renseignement, nous ne pourrions pas opérer de manière efficace (au Sahel) comme dans beaucoup d’autres régions ». A ce sujet, une anecdote significative doit être rapportée. En mars 2015, lorsque le chef d’état-major des États-Unis, le général Dempsey, fû invité à bord du Charles-de-Gaulle par son homologue français, le général Villiers, ce dernier lui demanda de bien vouloir poursuivre l’aide technique américaine à l’opération Barkhane. Le général Dempsey, montrant le porte-avions français, lui répondit : « Sure, I will, because of that ! ».En raison d’une opération de maintenance et de modernisation, le Charles-de-Gaulle est à l’arrêt pour de long mois et Emmanuel Macron en dispose pas de ce remarquable outil de puissance dans les négociations franco-américaines. Nul doute pourtant que Donald Trump eût été sensible à cet argument du « donnant-donnant ». Au total, la décision de construire un nouveau porte-avions français est urgente et elle contribuerait à renforcer la position française. Peut-être Donald Trump pourrait-il en toucher un mot à Emmanuel Macron.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !