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Sensation de déjà-vu : faites-vous partie de ceux que leur cerveau trompe plus que les autres ?
©Allociné

Inception

Une nouvelle étude de l'université de Northumbrie a permis d'établir que des facteurs psychologiques, comme le stress ou la croyance au paranormal, expliqueraient l'intensité, la fréquence ou la durée du phénomène de "déjà-vu". Ressenti par 6 personnes sur 10, il serait expliqué par la complexité du processus de mémorisation.

Hervé Platel

Hervé Platel

Hervé Platel est professeur de neuropsychologie à l’université de Caen. Il fait également partie d’une unité de recherche Inserm sur les effets de la musique sur notre cerveau.

Internationalement reconnu pour ses travaux sur la neuropsychologie de la perception musicale, il a montré les réseaux cérébraux impliqués dans la perception et la mémorisation de la musique. Ses travaux permettent également de développer des méthodes musico-thérapeutiques de prise en charge chez les patients déments Alzheimer.

Il a notamment co-écrit Le cerveau musicien (De Boeck Université, 2010).

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Atlantico : Une nouvelle étude de l'université de Northumbrie a permis d'identifier un certain nombre de facteurs psychologiques provoquant ce qu'on appelle une impression de "déjà-vu". Quels sont-ils ? En quoi cette étude a-t-elle consisté et que nous apprend-elle précisément ?

Hervé Platel : Cette étude est dans la continuité de ce qui a été fait à propos de ce phénomène de déjà-vu. Elle essaye d’expliquer la manière dont il fonctionne, ainsi que les facteurs de personnalité, psychologiques et sociaux-psychologiques, qui font que certains individus en sont plus sujets que d’autres. Au niveau de la personnalité, on retrouve des schémas assez similaires. Des individus imaginatifs, plus sujets au stress ou très croyants (religion ou surnaturel), sont en effet plus enclins à éprouver ce phénomène. Comment expliquer que ce phénomène est lié à des profils de personnalité ? On va trouver à peu près la même chose concernant les profils de personnalité dans les études sur la mémoire, par rapport aux “faux souvenirs”. C’est en fait un souvenir que les gens croient avoir vécu mais qui est en réalité déformé ou qui n’a pas existé. C’est, comme la sensation de déjà vu : quelque chose de tout à fait normal, à moins d’en être victime tout le temps, et dans ce cas, cela peut résulter d’une pathologie.

Y a-t-il différents types de "déjà-vu" (reconnaître une personne, une situation etc...) ? Quelles causes avaient déjà été identifiées par la recherche sur le cerveau ?

Un sentiment de déjà-vu est un sentiment de familiarité qui s'exprime généralement par rapport à un lieu, à des personnes ou à une situation. Mais il y a différents types de déjà-vu dont certains totalement vraisemblables, dans le sens ou on mémorise certaines informations, mais que pour des raisons diverses, l’encodage de celles-ci a été fait de telle manière que nous n’avons pas prêté attention à tel ou tel détail. En revivant une autre situation, en admirant un environnement particulier comme une maison ou un visage, d’un seul coup on réassocie ces informations. On peut prendre comme exemple un débat à la télévision : imaginons que vous vous concentrez sur les visages des personnes en train de débattre et qu’il y a du public derrière. Une des personnes du public a pu avoir un visage particulier qui vous a marqué inconsciemment car vous étiez concentré sur autre chose, et dans la rue, vous croisez une personne ressemblant beaucoup à celle que vous avez vu dans le public. Le cerveau peut générer un sentiment de familiarité ou de déjà-vu car on s’imagine reconnaître cette personne. Une partie de l’information se réactive dans le cerveau.

Concernant les causes de ce phénomène, on met en avant le dysfonctionnement des circuits internes de la mémoire, notamment des régions de l’hippocampe, qui sont le carrefour d’entrée des informations sensorielles et qui nous permettent de mémoriser et réassocier les informations perceptives dans un ensemble cohérent pour retenir une scène du vécu. C’est un travail complexe car, quand on vit une situation, on subit beaucoup d’informations visuelles, sensorielles ou auditives. Et cette complexité amène souvent à des phénomènes de "faux souvenirs", de souvenirs partiels ou de sensations de déjà-vu.

Ces phénomènes de "déjà-vu" doivent-ils être assimilés à une pathologie ? Peuvent-ils être handicapants pour les personnes qui y sont sujettes ? Faut-il s'inquiéter de ressentir plus ou moins régulièrement une impression de "déjà-vu" ?

Il est tout à fait normal d’éprouver ce sentiment de déjà-vu car c’est un résultat logique de la complexité de notre cerveau du point de vue de la mémoire. A peu près 70 à 80% des individus interrogés, suivant leur âge, avouent avoir déjà éprouvé cette sensation. Bien sûr, si celle-ci revient de manière perpétuelle, cela peut être lié à la création d'hallucinations. Cette sensation peut être associée à une maladie du cerveau, dans le cas de l’épilepsie ou de la schizophrénie. Des personnes épileptiques avouent qu’après une crise, elles ont un sentiment de déjà-vu, de revivre à l’identique une situation qui vient de se produire. Des travaux ont pu montrer que l'explication se trouvait dans la partie du cerveau qui gère la mémoire et la perception de la nouveauté. Chez ces personnes, il y a des dysfonctionnements significatifs au niveau d’une région très importante de la mémoire, l’hippocampe. Ce sont des structures qui ont pour but de trier et d’associer les informations sensorielles.

Propos recueillis par Thomas Gorriz

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