Scott Kelly, l’astronaute qui rentrera d’un an dans l’espace à la fois plus jeune et plus vieux que son frère jumeau resté sur terre<!-- --> | Atlantico.fr
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Mark (à gauche) et Scott Kelly
Mark (à gauche) et Scott Kelly
©NASA

Jumeaux de l'espace

Les conséquence de la gravité ont des effets étonnants sur le corps humain. Les équipes scientifiques pourront ainsi comparer l'évolution physiologique des deux frères, séparés de 400 kilomètres d'altitude.

C'est une expérience scientifique unique qui a commencé vendredi 27 mars. Installés dans la fusée Soyouz, Mikhaïl Kornienko, le Russe, et Scott Kelly, l'Américain, s'apprêtent à rester 342 jours au bord de la Station Spatiale Internationale (ISS), qui vole en orbite autour de la terre, à 400 kilomètres d'altitude. Si le record actuel est détenu par le russe Valeri Poliakov, installé pendant 14 mois dans la station Mir entre 1994 et 1995, cette nouvelle mission de longévité sera riche en enseignements. D'ailleurs, le but du programme est justement d'étudier de façon approfondie les effets de l'espace sur l'homme, en prévision des voyages futurs vers Mars qui dureront au moins 8 mois. "La mission de Scott Kelly est essentielle pour faire avancer l'objectif des Etats-Unis d'envoyer des astronautes sur Mars", a d'ailleurs insisté le patron de la Nasa, l'agence spatiale américaine, dans un communiqué, alors que la fusée venait de s'arrimer sur ISS, samedi dans la nuit.

Scott Kelly pourra d'ailleurs compter sur le soutien de son frère jumeau, Mark, qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau, à l'exception d'une moustache qu'arbore le frère resté sur Terre. Ce dernier est lui aussi astronaute, à la retraite, et il va servir de troisième cobaye pour cette expérience. Car leur ressemblance n'est pas que physique, elle est aussi biologique puisque leur ADN reste proche.


Scott Kelly et son compagnon de voyage Mikhaïl Kornienko

La Nasa a d'ailleurs débuté en amont une étude sur les effets du voyage dans l'espace sur les deux jumeaux. Car le principal obstacle de l'exploration spatiale, c'est le corps humain, qui n'est définitivement pas fait pour quitter la terre ferme. En altitude, la gravité diminue drastiquement et les astronautes peuvent, par exemple, perdre leur sens de l'orientation. Bien plus grave, des problèmes osseux peuvent aussi apparaître car la pression ne permet plus de maintenir le squelette en place, faute de poids suffisant.

Mais un autre critère intéresse particulièrement les scientifiques : Scott Kelly sera-t-il toujours aussi similaire à  son frère, lorsqu'il rentrera sur Terre ? La réponse est en fait déjà connue. Non. Peut-être aurait-il changé de personnalité, mais surtout, il n'aura plus le même âge.

Les frères Kelly auraient presque pu répondre à un paradoxe, vieux de cent ans, et lié à la théorie de la relativité d'Albert Einstein. En 1911, le physicien français Paul Langevin affirmait que si un jumeau partait voyager dans l'espace à la vitesse de la lumière, le temps passerait bien plus lentement pour lui que pour son frère resté sur Terre. C'est la fameuse dilatation des durées dont le film Interstellar reprend la thématique. "Quand on voyage très vite, le temps passe moins vite" résume François Forget, directeur de recherche au CNRS. Or, paradoxalement, le jumeau voyageur n'a pas passé moins de temps que son frère, selon les conditions terrestres.

En partant un an sur la Station spatiale, Scott Kelly reviendra donc plus jeune que son frère. "C'est vrai, mais il ne voyagera pas à la vitesse de la lumière" rappelle François Forget. L'ISS voyage à 7,7 km/s tandis que la vitesse de la lumière est de 300 000 km/s… "Au mieux, il sera plus jeune d'une seconde" affirme le scientifique. Le site Quartz a même calculé que ce sera moins que ça : à peine 1/100ème de seconde. C'est peu, mais c'est déjà ça de gagné sur Mark.


Le décollage de la fusée Soyouz vendredi 27 mars

Mais l'astronaute a peut-être plus à perdre dans cette course à la jeunesse, en partant dans l'espace. Car ce départ a aussi des effets surprenants sur l'ADN des voyageurs, notamment en raison des radiations qui vont impacter sur leurs télomères. "Ce sont des morceaux d’ADN situés en bout du filament du chromosome de la cellule" expliquait pour Atlantico le scientifique Joël de Rosnay. "Chaque fois que la cellule se divise, un morceau de cette mèche est coupé par une enzyme. Quand il n’en reste plus, le processus s’arrête : la cellule ne se divise plus." En d'autres termes, plus les télomères sont réduits, plus le patient serait "biologiquement" âgé. Ceux de Scott, affectés par l'espace et les radiations, pourraient donc se réduire plus vite que ceux de son frère, pendant le voyage. "Nous savons que les télomères sont des marqueurs de l'âge mais nous ignorons si leur réduction provoque le vieillissement ou bien si c'est l'inverse" note Fabrice Papillon, journaliste scientifique.

De plus, l'espace n'est pas l'unique facteur qui joue sur leur réduction. La nutrition ou l'activité sportive sont aussi impliquées et l'étude sur les deux jumeaux permettra peut-être de voir l'impact véritable de l'espace sur le vieillissement des cellules. "Ce sera toutefois difficile à déterminer" prévient Fabrice Papillon. "On sait que, même chez les vrais jumeaux, des variations peuvent avoir lieu naturellement au sein des gènes. Il faudra étudier très finement les résultats."

En revenant sur Terre, Scott sera donc plus jeune "physiquement" et probablement plus vieux "biologiquement." S'il est difficile de juger quel impact aura l'espace sur les télomères, il est fort à parier que Scott Kelly perdra un peu plus de temps de vie que son jumeau. C'est le prix à payer pour entrer dans l'histoire.


Vue de la Station spatiale internationale

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