Sabotage Nord Stream : le grand dérapage incontrôlé vient-il de s’enclencher ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une photo de la fuite d'un gazoduc Nord Stream prise par les gardes-côtes suédois, le 27 septembre 2022 dans la mer Baltique.
Une photo de la fuite d'un gazoduc Nord Stream prise par les gardes-côtes suédois, le 27 septembre 2022 dans la mer Baltique.
©SWEDISH COAST GUARD / AFP

Game changer

Si les circonstances entourant le sabotage des gazoducs Nord Stream sont encore très floues, cet acte pourrait bien changer complètement le cours du conflit en Ukraine mais aussi nos stratégies d'approvisionnement en matière d'énergie

Michael Lambert

Michael Lambert

Michael Eric Lambert est analyste renseignement pour l’agence Pinkerton à Dublin et titulaire d’un doctorat en Histoire des relations internationales à Sorbonne Université en partenariat avec l’INSEAD.

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Atlantico : Les Etats-Unis ont demandé à leurs citoyens binationaux de quitter la Russie au plus vite. Est-ce le signe d'une peur accrue de la situation ?

Michael  Lambert : C'est en effet le prélude à une détérioration des relations entre les États-Unis et la Russie, et laisse entrevoir des actions militaires plus conséquentes de la part du Kremlin et un renforcement des sanctions de la part des États-Unis.

Ce communiqué semble cohérent dans le sens où les binationaux (Russo-Américains) peuvent être mobilisés au front, ce qui oblige Washington à leur demander de quitter le pays. De plus, la défaite russe en Ukraine laisse présager une radicalisation des opinions en Russie, et les Occidentaux pourraient être soumis à diverses formes de répression, allant du simple racisme de rue aux arrestations et à la surveillance par les autorités.

Pour les binationaux comme pour les citoyens russes ordinaires, la mobilisation partielle invite à quitter la Russie au plus vite, ne sachant pas si les fronitieres vont rester ouvertes encore longtemps.

Les circonstances entourant le sabotage des gazoducs Nord Stream sont encore très floues, mais elles semblent agiter toutes les parties impliquées, directement ou non, dans ce conflit. Pourrait-il s'agir de l'acte déclencheur d'un point de basculement vers la guerre ? Pourrait-il s'agir d'une escalade ou d'un effet boule de neige d'événements ?

On ignore encore les raisons de cet événement tout à fait singulier. Il n'était pas dans l'intérêt du Kremlin de saboter un gazoduc qui ne servait pas, et même qui aurait pu permettre d'exercer des pressions sur l'Europe pendant l'hiver.

Ce qui est certain, c'est que cela montre l'importance de la marine dans notre quotidien. À ce jour, nos approvisionnements énergétiques, mais aussi nos communications internet, passent par la mer, et assurer la protection de ces infrastructures est une priorité absolue, au risque de se retrouver isolé du reste du monde. Sans les câbles sous-marins pour internet, ce ne sont pas seulement nos outils de communication qui en pâtiront, mais aussi notre système financier.

Ce qui vient de se passer en mer Baltique, un espace strategique qui évolue avec l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'OTAN, témoigne également de la tragédie environnementale de la guerre. Cet aspect, souvent relégué au second plan, est pourtant fondamental, car la guerre en Ukraine aura des répercussions sur les éco-systèmes et la santé des riverains des mer Baltique et la mer Noire pendant plusieurs décennies.

Jusqu'à quel point la position russe risque-t-elle de se durcir ?

On s'attend à ce que la Russie renforce très prochainement ses contrôles aux frontières, afin d'éviter un afflux massif de citoyens russes fuyant une mobalisation partielle. Les postes-frontières avec le Kazakhstan et la Géorgie sont déjà saturés.

Le Kremlin va également intensifier les bombardements de cibles non militaires en Ukraine, combinés à l'annexion de territoires ukrainiens à la Fédération de Russie, ce qui pourrait légitimer une mobilisation totale et le recours à la force de frappe nucléaire si jamais Kyiv souhaite les reprendre.

La position russe risque donc de se durcir en Ukraine, mais aussi et surtout envers la population russe, qui est mobilisée contre sa volonté.

Le Kremlin raffermit également sa position auprès de ses alliés, hier le président biélorusse etait en Abkhazie, ce qui laisse à penser qu'il subit de fortes pressions pour reconnaître diplomatiquement les territoires que Moscou qualifie de pays (Abkhazie, Ossétie du Sud, Crimée, Ukraine orientale).

Pour l'instant, on ne sait pas si c'est la population russe qui se soulèvera contre le Kremlin, les principaux alliés de la Russie (Kazhakstan, Biélorussie, Arménie), ou les deux. Ce qui est certain, c'est que Moscou ne peut à présent que radicaliser sa position pour éviter un changement de gouvernement.


Quels pourraient être les prochains développements de la situation, dans ce contexte de tensions accrues ?

Suite aux éventuels referendums qui annonceront le rattachement des territoires de l'Est de l'Ukraine à la Russie, il est très probable que Moscou annonce une mobilisation encore plus importante sous prétexte que son territoire est attaqué par l'Ukraine. Aux yeux de la loi russe, cela légitimerait l'utilisation de la force de frappe nucléaire pour défendre le territoire national. Cette usage de la force nucleaire se limiterait au territoire ukrainien et a une ou des villes de taille(s) moyenne(s), ce qui mettrait fin au conflit et constituerait un point de basculement dans les relations internationales.

Outre cette option militaire, il y a la possibilité d'un soulèvement populaire en Russie et d'un effondrement du système, voire la simple disparition du président russe qui serait trahi par son entourage qui ne partage pas la vision pan-slaviste de Poutine.

Le peuple russe, comme ce fut le cas lors de l'effondrement du régime soviétique après l'invasion de l'Afghanistan, est celui qui déterminera l'avenir du monde dans lequel nous vivons, c'est pourquoi l'Occident doit soutenir les dissidents et surtout la résistance russe face au pouvoir de Moscou.

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