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Réponse drastique face au Coronavirus : pouvons-nous vraiment nous dispenser de la méthode asiatique ? L’exemple sud-coréen
©YONHAP / AFP

Covid-19

Alors que la Chine est parvenue à lutter efficacement contre l'épidémie de coronavirus (le nombre de contaminations par jour est plus important à l'extérieur qu'à l'intérieur du pays), la Corée du Sud poursuit la même voie. Quelles leçons devrions-nous en tirer ?

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Atlantico.fr : Beaucoup ont estimé que si la Chine était parvenue à maîtriser relativement rapidement l'épidémie de coronavirus c'était à cause de mesures certes efficaces mais qui ne pourraient fonctionner dans un état démocratique. Or semble bien moins exacte puisque la Corée du Sud suit le même chemin.  Les stratégie de lutte contre le virus étaient-elles similaires dans les deux pays ?  Quelles sont les différences notables ? 

Dr Guy-André Pelouze : Avant de parler politique, ou structure de l’État et de l’économie il faut reconnaître un fait incontestable : la Chine et les chinois ont été placés devant un virus nouveau et dangereux. Il leur a fallu identifier cette nouvelle épidémie au milieu des informations qui arrivaient de différents hôpitaux de Wuhan et il est toujours très difficile de se rendre compte d’un événement singulier. Force est de constater que dans ces conditions la réaction du gouvernement provincial, du gouvernement central et de la communauté scientifique chinoises ont été rapides. Il sera nécessaire d’analyser plus précisément ce point mais au vu de ce que nous voyons ailleurs dans la pandémie il est sûr que la comparaison reste favorable aux chinois.

En Corée-du-Sud au contraire l’épidémie est survenue alors que la société était en toute connaissance de la cause, y compris du génome du virus, y compris de son origine très probable à partir d’une zoonose d’animaux sauvages présents sur le marché de Wuhan. Mais surtout la Corée-du-Sud disposait du modèle établi par Imperial College dès le 17 janvier et du tableau de bord mise en place très rapidement par l’université John Hopkins. La Corée-du-Sud disposait donc d’informations cruciales pour approcher la gestion de l’épidémie. Enfin, dernier point qui n’est pas le moindre, le test PCR était disponible dès le début de la percée épidémique en Corée du Sud. Il s’agissait d’un test produit par les Coréens pour lequel ils allèguent une précision de 99 %.

Quels ont été spécifiquement les moyens employés par la Corée du Sud pour maîtriser l'épidémie ? 

Ainsi la Corée-du-Sud a pu modéliser son épidémie, tester massivement pour casser la transmission et ainsi éviter en tout cas pour l’instant un pic épidémique massif dans le temps et dans l’espace. 

1/ Les autorités de Corée du Sud ont cherché à tester toute personne susceptible d'avoir été exposée au virus, y compris de nombreux patients asymptomatiques ainsi que ceux présentant des symptômes mineurs. Plus de 210 000 tests ont été effectués et jusqu'à 10 000 nouveaux tests ont été effectués chaque jour. Le taux de mortalité est resté inférieur à 1%. Ce qui s’explique Très simplement par un dénominateur plus important que celui appliqué dans le calcul de la létalité en Chine ou en Italie par exemple.

2/ En Chine, il a fallu mettre au point un test pour le SARS-CoV-19 et le produire. Ce fut un défi immense. Les premiers tests étaient semble-t-il beaucoup moins performants que les plus récents. Ils étaient aussi en nombre réduit ce qui a conduit les autorités chinoises à ne pas tester massivement mais à réserver les tests aux patients graves. C’était une décision appropriée compte-tenu des contraintes de mise au point et de production inhérentes à un nouveau test. Ce n’est plus une décision basée sur les mêmes motivations. Aujourd’hui on peut produire des tests de façon à tester massivement.

Quelles leçons devrions-nous en tirer en Europe ? De quelles méthodes coréennes devrions-nous nous inspirer ?

Nous avons un avantage dans cette pandémie c’est que l’expérience de Wuhan et de la Chine, celle des autres pays notamment la Corée-du-Sud doivent nous inspirer. Il faut tout à la fois agir avec une très grande fermeté et une très grande rapidité mais aussi faire un benchmark permanent des expériences étrangères. Une × deux plus les médecins chinois des scientifiques chinois ont contribué par leurs publications de très grande qualité à aider les autres pays à faire face.

1/ Il faut le répéter, les mesures de confinement, l’arrêt de toutes les activités non indispensables ou existent des interactions physiques inter-individuelles, le sursaut civique auquel tous les gouvernements doivent appeler pour respecter les mesures d’hygiène et casser toute forme de transmission sont les mesures qui marchent. Plusieurs analyses y compris de cette épidémie montre que la précocité des mesures qui entravent la transmission conduisent à moins de contamination. Il y a une explication majeure c’est la contagiosité élevée de ce virus et ce par l’intermédiaire de porteurs asymptomatiques ou paucisymptomatiques non détectés.

2/ c’est pourquoi la question des tests à la recherche de ses porteurs non suffisamment malade pour être détecté est cruciale. Le gouvernement français a choisi de réserver les tests aux patients très symptomatiques. Cette décision n’a pas été à ma connaissance publiée avec suffisamment d’évidence scientifique. Il faut donc en évaluer la pertinence régulièrement et porter à la connaissance du public français les bases rationnelles de cette décision et en particulier les articles scientifiques qui la motivent. De surcroît il est important que le gouvernement français communique sur le nombre de tests effectués en toute transparence (Figure N°1).

3/ le gouvernement français a par ailleurs établi une politique de mesures de confinement et d’actions dites « barrière » qu’il qualifie de différenciées . Il faut les réévaluer. Cette évaluation doit tenir compte des modélisations les plus probables et conduire si cela est nécessaire à des mesures non différenciées pour casser la transmission de manière plus efficace. Le risque avec des mesures différencier c’est d’être dans la réaction plutôt que dans l’anticipation. Dans une épidémie aussi fulgurante ce risque s’accompagne d’une surmortalité. Ces mesures différenciées sont aussi en contradiction avec l’impératif absolu de prévenir un pic épidémique supérieur à nos capacités de réanimation dans l’espace ou dans le temps.

Il n’y a pas de réponse plus légitime que celle de mettre en œuvre tous les moyens dans cette situation d’urgence pour prévenir des décès évitables. Chacun a une responsabilité individuelle pour respecter les mesures visant à casser la transmission. Toutefois le débat autour des meilleurs choix en matière de dispositions générales et coercitives doit être ouvert. Il ne s’agit pas de savoir si nous devons rassurer les Français, leitmotiv trop souvent entendu,  il s’agit de savoir si nous serons d’une efficacité maximale compte-tenu des moyens d’un pays très développé.

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