Renouvelables : éolien et solaire, la France est-elle un cancre de l’UE ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La France n’atteindra pas ses objectifs d’électricité renouvelable en 2030, entérinés par l’UE.
La France n’atteindra pas ses objectifs d’électricité renouvelable en 2030, entérinés par l’UE.
©GEORGES GOBET / AFP

Transition énergétique

Faut-il accélérer la construction de capacités renouvelables intermittentes ?

Bernard Kasriel

Bernard Kasriel

Bernard Kasriel est un ancien élève de l’Ecole Polytechnique, ex-directeur général de Lafarge et ex-administrateur de sociétés du CAC 40 et du NYSE

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Gérard Buffière

Gérard Buffière

Gérard Buffière est ex-directeur général d'Imérys, ancien élève de l'Ecole polytechnique, titulaire d'un master of sciences de l'université de Stanford et diplômé de la Harvard Business School. 

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Deux arguments sont invoqués par Mme Pannier Runacher et par le président de RTE pour justifier le besoin impératif de cette accélération, montrant que l’utopie du renouvelable, qui sous-tendait Futurs énergétiques 2050, produit par RTE en 2021, est toujours à l’œuvre :

-La France est très en retard par rapport à l’Allemagne, en particulier, pour la part de renouvelables dans son mix électrique.

-La France va manquer d’électricité d’ici la mise en service des deux nouveaux EPR2 prévue en 2035

Quelques données d’abord :

Émissions de de CO2 par kWh d’électricité produit :

France 60g en 2022, Allemagne 434g (7,2x plus), moyenne UE 320g (5,3X plus)

Pas vraiment les résultats d’un cancre !

Ou encore : Émissions de GES (en équivalent CO2) totales par habitant :

France 6,2 T/an, Allemagne 9,4 T/an (50% de plus), moyenne UE 7,9 T/an (30% de plus)

Là encore pas de bonnet d’âne !

Et pourtant la France n’atteindra pas ses objectifs d’électricité renouvelable en 2030, entérinés par l’UE.

La Cour des comptes a calculé que la France aurait à payer une amende d’environ 1 milliard d’euros, essentiellement en achetant de l’électricité renouvelable à des pays voisins.
L’Allemagne, en dépit de ses mauvais niveaux d’émissions, devrait tenir ses « engagements » sans avoir de pénalité.

Alors cancre ou tête de classe ?

La cause de cette confusion est bien connue et devrait faire honte à l’UE comme à nos gouvernements successifs.

Rappelons d’abord que , sans aucune équivoque, les objectifs du Green Deal européen, comme ceux de l’étape en 2030 , Fit for 55, auxquels a souscrit la France, sont des objectifs de réduction de GES (gaz à effet de serre), et non des objectifs d’énergies renouvelables.

Pour la production d’électricité, lorsqu’elle provient essentiellement de centrales thermiques ( au gaz, au charbon ou au lignite), fortement émettrices de CO2, comme c’est le cas de la plupart des pays européens et, en particulier de l’Allemagne après sa sortie totale du nucléaire, la construction de capacités éoliennes et solaire, en remplacement partiel du thermique, est un moyen de réduire les émissions de CO2.
Pour tous ces pays, un engagement de réduction des émissions de GES peut effectivement se traduire en engagement sur la construction de capacités d’éolien et de solaire.

En revanche la production d’électricité en France était et reste singulière dans l’UE, du fait de notre héritage nucléaire.
Avant la construction de toute source éolienne ou solaire, notre production était déjà décarbonée à plus de 90%. Le rôle du thermique se limitait à un appoint pour quelques jours de pointes de consommation l’hiver et à un rôle technique, peu compressible, d’ajustement fin de la production à la demande.

Demander à la France de construire des capacité éoliennes et solaires pour décarboner une production électrique qui l’est déjà est donc absurde.
Il faut donc que notre gouvernement remplace un objectif de croissance des renouvelables intermittents par un objectif de décarbonation, ce à quoi l’UE, malgré le lobby allemand, ne saurait s’opposer puisque c’est là l’objectif affiché par les programmes européens.

Alors, deuxième argument, faut-il accélérer la constructions de capacités renouvelables intermittentes pour satisfaire nos besoins d’électricité d’ici l’arrivée en production des nouveaux EPR2 à partir de 2035 ?

Rappelons que pour assurer la sécurité à tout moment de notre fourniture d’électricité (sans dépendre structurellement d’incertaines importations), il faut que la capacité totale de production garantie et « pilotable » puisse satisfaire les besoins de pointe de la demande.

Pilotable signifie que l’on peut la faire tourner ou l’arrêter selon les besoins ; garantie veut dire que cette capacité est effectivement disponible à tout moment, si on en a besoin.

L’éolien terrestre, l’éolien en mer et le solaire sont des sources variables et intermittentes.
Elles ne sont ni pilotables ni garanties ; elles ne produisent pas lorsqu’on en a besoin mais lorsque le vent souffle ou que le soleil brille.

(par exemple, une analyse au pas de la demi-heure des pointes des 3 derniers hivers confirme que l’éolien n’a pu fournir qu’une faible part de sa capacité nominale installée, avec en outre une très forte variabilité d’une heure à l’autre)

La non-pilotabilité de l’éolien et du solaire est intrinsèque à leur nature, sauf à disposer de stockage d’électricité de très grande capacité, inenvisageable à horizon prévisible comme en convient RTE.
Ces sources renouvelables doivent donc être appuyées sur des capacité pilotables, qui les remplacent dès qu’elles ne peuvent satisfaire la demande.

Construire de nouvelles capacités éoliennes ou solaires n’apportera donc pas de réponse garantie à un manque éventuel de capacité de notre dispositif d’ici 2035 ; il est nécessaire de les compléter par la construction simultanée de nouvelles centrales thermiques.

Un comble !

Il parait à l’évidence peu acceptable d’ajouter des sources carbonées alors que le programme nucléaire annoncé va conforter la décarbonation de notre électricité.

L’Allemagne a cherché à faire illusion sur sa transition énergétique en laissant croire qu’elle évoluait, certes à un coût ruineux, vers un approvisionnement totalement renouvelable.

Mais le Gouvernement allemandvient d’annoncer le 1er aoûtla construction de 24 GW decentrales au gaz (l’équivalent de la puissance de 15 EPR2 !), deux grands consultants prévoyant même des besoins de 30 à  40GW.

 Dans la déclaration du Gouvernement allemand, il est prévu que ces centrales fonctionneront à l’hydrogène vert (mais nul ne sait d’où viendront, dans des conditions acceptables, de telles quantités d’hydrogène vert) ; en attendant ces centrales fonctionneront « transitoirement »….au gaz naturel.

La construction massive de nouvelles capacités solaires est particulièrement inutile du fait de notre mixélectrique

Sous nos climats, le solaire produit en moyenne sur l’année 11% de sa capacité nominale.
9% de cette production annuelle soit environ 1% de la capacité nominale est produit l’hiver de décembre à février, période qui compte pour 30% de notre consommation électrique annuelle. Autant dire que le solaire est un investissement ruineux et inutile en hiver.

Pour le reste de l’année la consommation électrique française moyenne est inférieure de 25% à celle d’hiver ; et même de plus de 30% les 3 mois d’été. La capacité pilotable totale de notre dispositif doit assurer la couverture des besoins de l’hiver ; elle est donc très largement excédentaire pour le reste de l’année, même en tenant compte des arrêts pour entretien.


La capacité solaire ne peut alors être utilisée qu’en arrêtant de la capacité nucléaire déjà décarbonée donc avec un coût très élevé et sans aucun impact sur nos émissions.


Ainsi continuer des investissements massifs en éolien et en solaire relève d’un mimétisme vis-à-vis de l’Allemagne, de la poursuite de la mise en œuvre de l’idéologie du renouvelable très présente dans les documents précédents de RTE ; cela ne répond ni à un besoin, ni à une voie économique de réduction de nos émissions.

Alors que de plus en plus de voix s’élèvent en Allemagne contre l’échec déjà patent de leur transition énergétique (Energiewende) la France doit continuer dans sa voie originale.


En 2025/2026 le grand carénage d’EDF et les réparations identifiées des réacteurs seront terminés. Nous disposerons d’un parc totalement rénové et de l’EPR de Flamanville, donc très performants. Il faut bien entendu accélérer la construction des nouveaux EPR2.

Nous aurons ainsi une forte souveraineté électrique et des prix de revient très compétitifs.

Au contraire la poursuite d’investissements massifs dans l’éolien et le solaire utilisera inutilement des subventions et des capitaux publics, alors qu’il faut financer les futurs EPR

Elle conduira, comme c’est déjà visible en Allemagne ou au Danemark, à une envolée des coûts et donc des prix de notre électricité, synonyme de perte de pouvoir d‘achat pour les Français et de perte de compétitivité pour notre industrie.

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