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Régionales : quel risque de choc politique ?
©FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Victoires RN en vue ?

Du côté de LREM, on s’inquiète d’une situation qui mettrait au soir du 1er tour le parti macronien en position de « chat noir », celui qui arrive en 3 ou 4e position et qui aide de facto à la bascule de certaines régions vers des présidences RN.

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart est le Directeur Général adjoint de l'institut de sondage Opinionway. Il est l'auteur de "La Présidence anormale – Aux racines de l’élection d’Emmanuel Macron", mars 2018, éditions Cent Mille Milliards / Descartes & Cie.

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Atlantico : A l’approche des Régionales, les ténors du parti présidentiel ne sont pas tranquilles. “La soirée du 20 juin (le premier tour) va être apocalyptique” a même confié un ministre à Politico. Quel est l’état des forces de LREM à l’échelle régionale ? Le parti a-t-il raison d’être inquiet ? 

Bruno Jeanbart : La question est effectivement de savoir si LREM existe réellement au niveau régional et plus généralement au niveau local. Les municipales l’an dernier ont plutôt confirmé que non, mais le contexte du scrutin, en pleine pandémie, et la spécificité de cette élection, historiquement très favorable aux sortants, méritent que l’on attende les élections départementales et régionales de juin pour apporter une réponse définitive à cette interrogation. Concernant les départementales, l’offre électorale et le nombre de candidats LREM apportera une première réponse mais il semble que peu de candidats issus de ce mouvement se présenteront en juin. Pour les Régionales, si l’on s’en fie au Régiotrack que nous réalisons depuis janvier pour Les Echos et Radio Classique, LREM obtiendrait nationalement un score de 15%, soit très loin derrière les listes de droite (LR et divers droite = 24%) ou le Rassemblement National. C’est un score a peine plus élevé que celui du Parti Socialiste, en dépit de la désunion quasi-totale de la gauche dans cette élection. Il y a bien un ancrage local dans la majorité, mais c’est plutôt celui issu du Modem que du parti présidentiel. LREM va donc être confronté à un affichage problématiques au soir du 20 juin : là où Emmanuel Macron fait tout pour installer son duel avec Marine Le Pen dans la perspective de 2022, la réalité électorale du jour sera plutôt celle d’un parti majoritaire qui figure loin du duo de tête. Qui plus est, nos modélisations (et nos enquêtes dans les régions) n’indiquent à ce jour aucune région dans laquelle LREM pourrait être en situation de l’emporter au soir du premier tour, posant clairement la question de son attitude dans l’entre deux tours. Ce sont toutes ces raisons qui expliquent l’inquiétude des leaders de la majorité dans la perspective de ce scrutin : comment réagiront les Français face à ce résultat si la situation ne s’améliore pas pour LREM ? Et tout cela sera-t-il réellement sans impact sur la campagne présidentielle à venir comme semble le penser Emmanuel Macron ? rien n’est moins sûr…

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Cette année, le Rassemblement national compte bien rafler au moins une présidence régionale. Quelles régions sont les plus à surveiller ? Quelle place pour LREM et le RN dans ces régions ? (l’Occitanie, les Hauts-de-France, le Grand Est, PACA, la Bourgogne-Franche-Comté ?)

La situation du rassemblement National dans cette élection est paradoxale : pour le moment nettement en retrait de ses 28% de 2015 au premier tour (22% dans notre dernière enquête), il bénéficie dans le même temps de l’affaiblissement de ses concurrents, droite et gauche, et de la dispersion électorale engendrée par l’émergence de LREM. Résultat, il est potentiellement plus encore qu’en 2015 en situation de l’emporter dans au moins une région. La plus favorable demeure PACA : jusqu’à aujourd’hui, en situation de quadrangulaire le RN dans notre modélisation était légèrement favori pour arriver en tête au second tour. L’annonce du vrai/faux retrait de LREM dès le premier tour pour soutenir le Président sortant et le psychodrame de l’alliance entre la majorité et Renaud Muselier semble loin de rebattre les cartes dans cette région au vu des premiers sondages réalisés et rendre impossible une victoire de Thierry Mariani. Tout d’abord parce qu’il ne suffit pas de s’allier pour que les électeurs additionnent totalement leurs voix. Dans les enquêtes que nous avons réalisé en testant cette hypothèse, un quart des électeurs d’une liste LREM autonome et un quart des électeurs d’une liste Muselier si LREM se présentait ne voteraient pas pour une liste d’union entre les deux, tant au premier qu’au second tour. Ensuite parce que le refus de cette alliance par la direction de LR incitera encore moins les électeurs de ces deux listes à mêler leur voir s’ils fusionnent au second tour. Enfin parce que dans cette région très « à droite », un candidat du RN issu de LR comme Thierry Mariani peut réussir à capter un électorat réticent à voter pour le RN, à savoir les séniors, dont un soutien minimum est indispensable pour l’emporter dans une telle région. C’est ce qu’indique là aussi toutes nos enquêtes : en PACA, contrairement à ce que l’on observe partout ailleurs, la liste RN fait jeu égal avec celle de LR auprès des 65 ans et plus, rendant une victoire de Thierry Mariani tout à fait envisageable le 27 juin.  

En Bourgogne-Franche-Comté, région dans laquelle le RN était au coude à coude pour la victoire en 2015, il reste un outsider fort cette année même si la sortante socialiste demeure favorite pour l’emporter. Là aussi, la question du maintien ou du retrait de la liste LREM au soir du premier tour peut se poser en fonction des rapports de force enregistrés. Dans le Grand Est et en Occitanie, les sortants semblent disposer d’une marge suffisante à ce jour, levant tout dilemme pour LREM dans le choix de se maintenir ou non au second tour. Reste une région qui pourrait s’avérer problématique le soir du premier tour : Centre-Val de Loire. Le RN peut espérer arriver en tête et devenir un potentiel vainqueur. Que fera alors la liste de la majorité, conduite par le Modem Marc Fesneau, qui figurait sur la liste LR en 2015 ?   

En arrivant en troisième ou en quatrième position, dans les Hauts-de-France par exemple, LREM pourrait-il de facto être tenu responsable d’une victoire du RN ?

Dans les Hauts-de-France, région dans laquelle le RN est très puissant électoralement, Xavier Bertrand semble suffisamment implanté pour conserver la région. Pour LREM, il sera difficile de se maintenir au second tour car sa liste, dans cette région à la sociologie très défavorable au parti présidentiel, sera largement décrochée, d’autant plus que la gauche présente là-bas une liste unique. N’excluons pas d’ailleurs qu’elle ne franchisse pas les 10%, comme l’indique actuellement nos modélisations. Si je devais faire un pronostic, je parierais sur l’absence de cette liste au second tour, à un an de la présidentielle. En effet, la majorité faisant du barrage au RN un fondamental, il semble impossible pour elle de prendre le moindre risque. Sauf si Xavier Bertrand était au soir du premier tour dans une situation si favorable que sa réélection apparaisse acquise.

Alors que le déconfinement progressif est déjà dans toutes les têtes, les Français auront-ils vraiment envie de se rendre aux urnes ? Pour quel camp la participation (ou l’abstention) peut-elle jouer ?

La participation au scrutin est la grande inconnue à 7 semaines du premier tour. La poursuite de l’apathie démocratique, renforcée par la crise sanitaire, telle que constatée lors du second tour des municipales, est une option qui non seulement ne peut être écartée mais est à ce jour l’hypothèse la plus probable. Les Français ont bien d’autres préoccupations que de voter dans un scrutin régional ou départemental, d’autant plus que les compétences de ces échelons leur échappe globalement. Nos enquêtes soulignent par ailleurs que l’inquiétude face à l’épidémie demeure forte (elle est exprimée par les 2/3 de la population) et que beaucoup ne sont pas rassurés à l’idée de se rendre dans un bureau de vote. Enfin, l’incapacité à faire campagne en raison des contraintes sanitaires n’aidera pas à soulever l’enthousiasme des électeurs et leur désir de se rendre aux urnes. Difficile cependant de pronostiquer l’impact qu’une abstention de même nature qu’aux municipales (60% ou plus) aurait sur le scrutin. Rappelons juste que plus la participation est faible, plus l’issue du scrutin peut-être surprenante et inattendue. La logique voudrait qu’elle pénalise comme souvent les mouvements à l’électorat plus populaire et / ou plus jeune, tel que le RN ou la France Insoumise. Pour le RN, ce risque peut-être contrebalancé par une sur mobilisation lié aux espoirs de remporter des régions, ce qui ne sera pas le cas pour l’électorat de LFI. A l’inverse, la droite, dont le cœur électoral, les 65 ans et plus, est bien plus vacciné que la moyenne de la population, peut espérer mobiliser ses soutiens. Concernant LREM, elle risque de souffrir de la difficulté à mobiliser son électorat dans une élection intermédiaire, phénomène que l’on observe pour tous les partis au pouvoir dans ce type de scrutin en France depuis maintenant 20 ans.

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