Réforme du tiers-payant : une simplification pernicieuse ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Avec le projet de réforme du tiers payant, les pouvoirs publics cherchent à franchir une nouvelle étape dans l’étatisation du modèle de santé français.
Avec le projet de réforme du tiers payant, les pouvoirs publics cherchent à franchir une nouvelle étape dans l’étatisation du modèle de santé français.
©JEFF PACHOUD / AFP

Croisade idéologique

Une tribune de Didier Bazzocchi, vice-président du think tank « CRAPS ».

Didier Bazzocchi

Didier Bazzocchi

Didier Bazzocchi est vice-président du think tank Cercle de Recherche et d'Analyse sur la Protection Sociale (CRAPS).

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« Errare humanum est, perseverare diabolicum » : depuis 2014, on ne compte plus les tentatives ministérielles pour étatiser notre système de santé et marginaliser le rôle dévolu au secteur privé. Une croisade idéologique, qui fait fi des réalités économiques et sociales.

La dernière tentative en date fut évidemment le projet de « grande sécu » un temps envisagé par le ministre Olivier Véran en 2022, finalement sagement mis de côté… pour l’instant.

Pour l’instant, car chassé par la porte, il revient par la fenêtre, sous une nouvelle forme. Le projet de « tiers payant intégré » (ou « intégral » selon les versions) proposé envisage purement et simplement d’empêcher les organismes d’assurance complémentaire santé de jouer leur rôle dans le remboursement du ticket modérateur, pour confier celui-ci à la sécurité sociale.

Au prétexte de la simplification, ce projet conduirait, s’il était adopté, à un monopole public du remboursement des soins, ni plus ni moins. Mais les arguments mis en avant ne trompent personne.

D’abord, en accusant les organismes complémentaires de consacrer une part trop importante de leurs frais de gestion en marketing, et de ce fait, de peser trop lourd sur le budget des français, l’État « déplore des faits dont il chérit les causes » pour paraphraser Bossuet.

En effet, c’est précisément parce que l’État a trop encadré l’activité et le champ d’action des complémentaires que celles-ci ne peuvent faire jouer la concurrence qu’en misant sur leurs opérations commerciales, plutôt que sur les services d’accompagnement personnalisé des assurés, de prévention ou les actions de proximité, comme elles le firent pendant des décennies. La puissance publique déplore donc une situation dont elle est à l’origine, et qu’elle pourrait résoudre en assouplissant le cadre hyperadministré qui définit le champ d’actions des complémentaires de santé.

Second motif avancé pour justifier un projet de tiers-payant « intégré » : la « lutte contre les inégalités ». Un prétexte fallacieux à double titre : d’abord parce que les Français bénéficient de conditions de remboursement efficaces et que l’inégalité ne se situe pas dans l’accès au remboursement. Oui, il existe de considérables inégalités en matière de santé, ce sont des inégalités sociales et géographiques ; autrement dit, les déserts médicaux, ou l’accès au système de santé des personnes les moins favorisées, pour lesquels on attend une politique publique d’envergure. Rappelons que l’espérance de vie des employés et des ouvriers est inférieure de sept ans à celle des cadres. Ce n’est certainement pas en installant une machinerie bureaucratique de plus que l’on va résorber des telles inégalités !

Tiers-payant intégral : des risques… et un agenda

Une réforme qui risque de coûter cher aux français, peut-être bientôt dépossédés des services offerts par leur complémentaires santé.

En voulant que l’assurance-maladie obligatoire se substitue aux complémentaires santé pour acquitter le ticket modérateur, on menace le fragile équilibre du système de santé français, qui conjuguait justement l’universalité du système public et l’efficacité de solutions privées. Et ce, curieusement, au moment même où les organismes complémentaires et les professionnels de santé avancent de concert pour déployer des solutions de dispense d’avance de frais.

Qu’on ne s’y trompe pas : in fine, ce projet n’est qu’une resucée des multiples tentatives destinées à évincer le secteur privé. Les hiérarques savent bien qu’une étatisation du tiers payant conduira mécaniquement à une limitation des dépassements d’honoraires et à la disparitions progressives des complémentaires, privées d’activité.

Le modèle de « grande sécu » n’a pas été enterré, il a été camouflé. Alors même que la satisfaction de la demande de santé nécessite plus de moyens, plus d’innovation, plus d’initiatives, le privé et le public sont complémentaires. « l’Etat et le marché sont tous deux imparfaits, c’est pour cela qu’ils doivent coopérer », écrivait le prix Nobel Joseph Stiglitz. Et apparemment, ce n’est pas si simple ! 

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