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Redressement des finances publiques : voilà à quoi pourrait ressembler une stratégie de droite (vraiment) efficace
©Philippe HUGUEN / AFP

Corpus idéologique

Les LR entendent se poser en gardiens de la bonne gestion des finances publiques mais au-delà de la posture politique, quelle méthode adopter et en se référant à quel corpus idéologique et pragmatique ?

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Que peut-on dire de la pensée de droite en matière d’équilibre budgétaire si on regarde les dernières grandes échéances électorales ? Quel corpus idéologique ?

Don Diego De La Vega : Justement, le problème, c’est qu’on ne peut pas la définir. Il n’y a aucun moyen de la définir, puisqu’il n’y a pas eu de continuité ni de cohérence analytique, ce qui me fait penser qu'il n'y a aucun économiste sérieux à ma connaissance qui a vraiment travaillé pour guider le parti LR afin de dégager un programme en matière économique, ou alors ils ne sont pas entendus.

On y voit de très bons technocrates, comme Emmanuelle Mignon pour les études au sein du parti, mais qui ne sont pas économistes. Pourquoi je dis ça ? Parce que je ne vois pas de message cohérent. Je ne vois pas quelque chose qui relèverait de l'analyse originale, d'une analyse approfondie par un professionnel. Je vois des petits trucs, des petites choses, des petits éléments de différenciation, comme un peu plus de recours au langage de sérieux budgétaire, mais rien de très nouveau sous le soleil. 

Ce qu’il faut attendre des LR, c'est qu'ils nous parlent d'une redéfinition du périmètre d'intervention de la politique publique. Avant de parler de budget, il faut savoir ce que l'État fait, ce que l'État doit faire, ce que l'État ne doit pas faire, ce que l'État doit déléguer. La seule façon de remettre à plat l'action en termes de finances publiques, c'est d'abord de savoir ce qu'on doit faire, ce qu'on ne doit pas faire. Ça, ce n'est pas d'une clarté biblique chez les LR qui alternent toujours entre du libéralisme et de l'interventionnisme. Il faut comprendre qu'il y a différentes chapelles au sein du parti. Et puis, deuxièmement, il faudrait un audit, mais celui-ci ferait mal à tout le monde, y compris à un certain nombre de monde au sein de LR, puisqu'il y a quand même des LR au gouvernement, des LR dans les collectivités locales, tout un héritage LR avant 2012. On pourrait demander un audit, notamment par rapport à tout ce qui est fait par la Caisse des Dépôts et Consignations, la Banque Publique d’Investissement, etc., afin de repartir sur des bases nouvelles. Troisièmement, il faudrait un changement dans la carte territoriale, parce qu'on ne pourra pas faire de réforme de l'État à carte territoriale constante. Mais cela risque de bousculer les LR qui sont souvent des élus locaux et qui aiment bien le statu quo en la matière. Et donc, par rapport à tous ces éléments, j'ai bien peur qu’on n’ait pas de pensée LR très élaborée en matière de finances publiques. 

Quelques exemples de ces changements au sein de la droite de gouvernement : François Fillon, qui est passé par les séguinistes, nous expliquait alors que le déficit n'était pas trop important, puis quelques années plus tard, il nous dit qu’il faut absolument rembourser la dette française, sinon la France allait être dégradée par les agences de notation. Ou encore Jacques Chirac, qui est passé du travaillisme à la française, au libéralisme en 1986, puis à la fracture sociale. Tout ce beau monde a changé beaucoup de fois d'avis. En somme, il n’y a pas de pensée économique cohérente depuis bien longtemps. Et face à la Macronie, c’est dommage car c’est là où il faudrait insister, attaquer le caractère extrêmement improvisé et finalement très amateur du gouvernement, dont la philosophie est : « On verra, au petit bonheur la chance ».

Quant aux LR actuellement au gouvernement, ce n’est plus la droite. À partir du moment où on rejoint Macron, on n'est plus de droite. Être macroniste, c'est passer la moitié de sa journée avec des directeurs de cabinet qui viennent de la Hollandie, pour ne pas dire de la Jospinie. C'est particulier. C'est une voie qu'on appellera une voix techno-branchouille voire techno-branchée ou techno-communicationnelle. Ce n'est pas la droite telle que je la définis, et a fortiori, la droite libérale. Bruno Le Maire prend des accents de droite libérale, mais je pense qu'un débat avec Alain Madelin, la vraie pensée libérale, ce n'est pas possible pour lui. Ce ne sont pas les mêmes références, ce ne serait pas équilibré en plus.

Il y a actuellement, au sein du gouvernement, un travestissement de la pensée libérale, et chez les LR, ce n’est pas clair du tout. Il y a des gens qui appartiennent encore au camp libéral, d’autres à une sorte de camp conservateur. C'est un parti composite dont le cœur s'est maintenant beaucoup rétréci. Par conséquent, au lieu de pouvoir avaler une partie du centre et une partie de la droite radicale, LR va se faire en quelque sorte happer ou mettre dans l'orbite d'un côté de la droite nationaliste populiste ou de l'autre côté de la Macronie.

La droite a parlé de protectionnisme en matière agricole récemment. Est-ce que justement, c'est parce qu'elle veut se distinguer du macronisme depuis sept ans, qu'elle est obligée d'aller sur des terres un peu inconnues pour elle auparavant ?

Tous les partis français ont flirté avec le protectionnisme, et notamment avec le protectionnisme agricole, au cours de leur développement. Depuis les tarifs Méline, je ne connais pas un seul parti en France qui, à un moment, n'a pas été partisan du protectionnisme agricole. Après, ce protectionnisme, il était plus ou moins européen, sous couvert de PAC. Il était plus ou moins favorable à des accords avec le Mercosur, l'Australie ou d'autres. Il était plus ou moins marqué, il était plus ou moins accompagné de subventions. Il semble bien que le protectionnisme agricole est à un point quasiment permanent dans l'univers politique français. On n'a jamais vraiment accepté le libre-échange agricole inconditionnel, ni à gauche, ni à droite, ni aux extrêmes.

Les LR se préparent à la nuit de l'économie ce mardi soir. Quelles inspirations pourraient être utiles aux Républicains ?

Je pense que c'est toujours utile de revenir aux fondamentaux. Les fondamentaux, pour un économiste en France qui se dit un peu de droite, mais tout en étant raisonnable, c'est Jacques Rueff. Revenir à Jacques Rueff, c'est utile. C'est ce qu'avait fait Poincaré, c'est ce qu'avait fait le général de Gaulle et c'est ce que devrait probablement faire quelqu'un de droite, de raisonnable aujourd'hui. Il y a une dimension qui est celle de l'offre productive (rapport Rueff-Armand de 1960). À côté de ça, on ne peut pas développer une politique budgétaire restrictive si on n'a pas un accompagnement favorable sur un plan monétaire. Ça, c'est l'expérience aussi de dévaluation de 1926 ou de celle de 1959. Et puis, toujours dans l'héritage de Rueff, ou plutôt de l'héritage gaullisme, c'est cette idée de distributisme, de participation. C'est-à-dire qu'il faut peut-être aussi traiter les choses au niveau de l'entreprise pour que le peu de croissance qu'on reste ne soit pas uniquement un sport de spectateurs, pour que les gens se sentent impliqués, pour relancer peut-être la productivité du travail.

Et ça, c'est tout le travail sur la participation, mais non pas une participation réservée aux cadres supérieurs sous forme d'intéressement dans les entreprises du CAC 40. Je parle d’une vraie participation. Il faut pour cela trouver les moyens de la financer, trouver les moyens de lui donner du sens. Ça, ce serait un vrai programme de droite, d’une droite populaire, libérale, cohérente.

Il faut également « challenger » la BCE (la France est actionnaire à hauteur de 15% environ, elle a de quoi mettre la pression sur l’institution), essayer de développer effectivement l'offre reproductive, mais pas en tapant toujours sur les mêmes. Or ça c’est le cas de la Macronie, quand par exemple ils réduisent les indemnisations du chômage.

Quels exemples récents à l'étranger de redressement réussi des finances publiques ? 

Il n'y en a pas. Il n'y en a quasiment pas. Il y a des budgets qui ont l'air bien gérés en Europe, comparativement à la France. Quand on gratte un peu, vous avez l'impression que ça a été quand même beaucoup aidé par la croissance. Si on note un excédent budgétaire en Irlande, ce n'est pas du tout la même croissance que nous. Avec la croissance que la France va avoir dans les années qui viennent, ce sera de toute façon difficile de rétablir les finances publiques. D’un point de vue comptable, d'un point de vue arithmétique, la partie est un peu serrée. C'est justement parce que la partie est très serrée, pour ne pas dire quasiment impossible, qu'il faut penser soit à une stratégie de dépenses monétaires ou de rachat des dettes par la BCE, et si on n'arrive pas à obtenir ça de la part de la BCE, alors il faut veiller à ce qu'on soit très, très prudent sur la dépense publique, vu que les recettes vont être de toute façon assez faibles ou assez décevantes, et en plus, on n'a pas beaucoup de marges pour les augmenter.

C’est pourquoi je reviens à ce que je disais précédemment. Il faut redéfinir les missions de l'État. Et n'ayant pas fait cette construction en amont, on se retrouve effectivement avec des coupes forfaitaires, avec des espèces de gel de crédit au fil de l'eau, tout ce qu'il ne faut pas faire. La Macronie n'a pas fait le tri entre les priorités. On a 15 priorités, ce qui fait que rien n'est prioritaire. Et du coup, on se retrouve effectivement avec des choix cornéliens, d’autant que la croissance n'est pas au rendez-vous.

Si vous prenez les collectivités locales, les organismes de sécurité sociale et l’État, on dépense chaque année 1 100 milliards d'euros en France. Qu'est-ce qui, dans ces 1 100 milliards, ne relève vraiment pas de la responsabilité de l'État ? Par exemple, un plan hydrogène à 7 milliards, est-ce que c'est vraiment à l'État français de de mener ?

Disraeli disait qu’il fallait assurer le bien-être social du peuple. C’est exactement ça. Il ne faut pas toucher aux filets de sécurité de base pour les plus pauvres. On n'a pas le droit moralement d'y toucher. Et ça, c'est important. C’est le système de la technocratie qui va toujours aller taper sur les faibles. En revanche, après, il faut dire que tout ne peut pas être prioritaire, implicitement, ça veut dire qu'il y a des domaines entiers où il faut se retirer. Par exemple, ce sont toutes ces espèces de dépenses hors bilan, qui ne sont même pas évaluées, qui ne sont même pas vraiment votées par les assemblées, c'est-à-dire toutes ces espèces de structures ad hoc, ces structures souvent indépendantes, souvent hors bilan.

Donc, je ferais le ménage là-dedans. Un ménage qui ne serait pas simplement un ménage en termes de casting, parce que j'ai peur que malheureusement, si la droite revient au pouvoir, elle va seulement changer de casting. Moi, ce que je veux, c'est que ces structures soient auditées, qu'il y ait un certain nombre de dossiers qui soient envoyés directement vers le juge et qu'on arrête cette culture-là. Je parle de la Caisse des dépôts ou encore de la Banque Publique d'Investissement qui répartit 30 milliards sans aucune transparence. 

Enfin, la droite ne doit pas subventionner les entreprises. Elle doit laisser tranquille les entreprises dans une sorte de nouveau pacte. On vous fout la paix, on organise une sorte de désarmement réglementaire dans plein de domaines comme l'urbanisme, le marché du travail, etc. Et en contrepartie, on arrête les subventions. On ne touche quasiment plus aux entreprises, ni en positif ni en négatif. On fout une paix royale avec une sorte de mandat où pendant 5 ans, on ne fait pas un nouveau texte sans enlever un ancien texte. Fin de l’inflation textuelle, législative qui vise le monde de l'entreprise.

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