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#QuitTok : ces gens qui démissionnent en direct sur TikTok
©OLIVIER DOULIERY / AFP

Nouvelle tendance

Nathalie Nadaud-Albertini

Nathalie Nadaud-Albertini

Nathalie Nadaud-Albertini est docteure en sociologie de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et et actuellement chercheuse invitée permanente au CREM de l'université de Lorraine.

 

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Atlantico : Sur TikTok, de plus en plus de jeunes travailleurs diffusent leur démission en temps réel. C’est le phénomène du #Quittok, et ces vidéos récoltent des millions de vues. Qu'est-ce qui motive cette tendance ? 

Nathalie Nadaud-Albertini :Je pense que ce phénomène s’inscrit dans une tendance bien plus profonde qu’une simple mode sur les réseaux sociaux. Rappelez-vous des élèves de cette grande école parisienne, AgroParisTech, qui avaient refusé leur diplôme car ils n’étaient pas d’accord avec ce qu’on leur avait appris et les conditions du métier tel qu’on leur demandait de l’exercer. 

Pour moi, ce qui est intéressant, c’est de noter le questionnement sur la place du travail au sein de la société, sur ce qu’il est souhaitable faire ou non, mais aussi sur le fait de ne pas être défini uniquement par son métier mais par des convictions, par exemple. Je pense que nous sommes donc dans quelque chose de bien plus global, dans un phénomène de société. D’un côté, Quittok est donc un questionnement collectif qui consiste à ne pas se définir uniquement par le travail mais aussi par le rejet de certaines conditions, surtout quand elles ont des répercussions sur la santé, mentale notamment. Derrière cette tendance, il y a aussi la volonté de montrer qu’il est possible de démissionner. Pour les utilisateurs, c’est une manière de réfléchir ensemble sur la vision du travail, qui doit être en accord avec ce qu’on est, mais surtout ce qu’on accepte. 

Faut-il y voir un phénomène inquiétant ou est-ce simplement des pratiques qui tendent à se démocratiser chez les plus jeunes générations ? 

Il n’est jamais aisé de répondre à de telles questions. Je pense que ce phénomène inquiète certaines personnes, car il représente une certaine rupture au sein du monde auquel ils s’étaient habitués. D’autres personnes, au contraire, vont simplement y voir une nouvelle tendance, de nouvelles valeurs. Tout cela est propre à chaque individu, et ce n’est pas seulement une question d’âge : certaines personnes voient le verre à moitié plein, d’autres à moitié vide. Enfin, il est intéressant de noter qu’en général, quand on s’exprime sur un phénomène et qu’on adopte une posture très critique et qui véhicule un discours assez anxiogène vis-à-vis de celui-ci, on passe souvent pour une personne plus intelligente, car on à a l’air d’avoir conscience des enjeux du monde, de sa dureté, de la réalité des choses … À l’inverse, une personne qui dira qu’il s’agit simplement d’une nouvelle tendance et qu’il ne faut pas s’en inquiéter sera perçue comme rêveuse, déconnectée de la réalité … Selon moi, cette tendance démontre que, pour ceux qui participent à Quittok, il est aujourd’hui important de démissionner en ayant le soutien de sa communauté. Démissionner fait peur, c’est un pas vers l’inconnu. Quittok montre donc que l’un des lieux d'ancrage fort du soi devient le partage des expériences en ligne, dont la démission. 

Au final, cette tendance aurait-elle aussi des effets bénéfiques ? Pourrait-elle permettre d’encourager la transparence dans le monde de l’entreprise ou créer un environnement de travail plus favorable ?

Tout dépend de l’ampleur que prend cette tendance. Quittok est simplement une forme de contestation des conditions de travail, il faudra donc voir comment la tendance est perçue par les entreprises, qui se demanderont éventuellement comment retenir ces personnes qui démissionnent. Si cette nouvelle mode devient virale, alors on peut effectivement s’attendre à une remise en question d’un certain nombre de valeurs dans le monde du travail, mais uniquement si le phénomène prend une grande ampleur et qu’il dure dans le temps. 

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