Quelques réflexions sur le « découpling »<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
La Chine a l’économie la plus avancée, la plus puissante d’une zone plus vaste qui pourrait, l’Amérique l’a bien compris, devenir le centre économique du monde : l’Asie du Sud Est.
La Chine a l’économie la plus avancée, la plus puissante d’une zone plus vaste qui pourrait, l’Amérique l’a bien compris, devenir le centre économique du monde : l’Asie du Sud Est.
©WANG ZHAO / AFP

Rivalité

Il est une tendance dont la probabilité d’occurrence fait l’objet d’un consensus qu’il peut être utile de la considérer : le découplage entre la Chine et l’Occident.

Bruno Alomar

Bruno Alomar

Bruno Alomar, économiste, auteur de La Réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed.Ecole de Guerre – 2018).

 
Voir la bio »

Avec la nouvelle année, les prévisions économiques fleurissent. Art difficile, tant l’ampleur des bouleversements économiques et géopolitiques récents a achevé de nous rappeler combien l’économie était susceptible de nous réserver des surprises. Il est à cet égard plus sage de se pencher non pas sur la conjoncture, mais d’essayer, en particulier comme investisseur, de tenter d’identifier des grandes tendances. 

A cette aune, il est une tendance dont la probabilité d’occurrence fait l’objet d’un tel consensus qu’il peut être utile de la considérer : le découplage entre la Chine et l’Occident, ou, pour le dire de manière plus simple, l’inversion du mouvement commencé sous Deng Xiao Ping, puissamment accéléré avec son entrée dans l’OMC en décembre 2001, d’intégration toujours plus grande de la Chine dans l’économie monde.

Disons-le clairement : il n’est pas ici question – le moins possible en tout cas – de s’interroger sur la dimension politique du découplage. Sous cet angle, certains esprits chagrins s’étonneraient du revirement intellectuel puissant opéré par les occidentaux, qui après avoir poussé à son intégration dans la mondialisation, voudraient désormais contenir une Chine dont la rapidité et l’ampleur des succès économiques- assez uniques dans l’Histoire – les exaspère. A contrario, la façon dont les autorités chinoises, qui avaient clairement endossé une vision multilatéraliste alors que l’Amérique de Donald Trump assumait l’ « America first » et que l’Europe endossait sans complexe un souverainisme économique qui n’est rien moins que du protectionnisme, ont multiplié les signes de repli, interroge également.

Si l’on tente de se concentrer sur la dimension économique du sujet, il est quelques réalités qu’il est important de conserver à l’esprit.

Première réalité :  la profondeur des liens entre l’économie chinoise et les économies occidentales. Si la formule écrite sur ce produit iconique qu’est l’Iphone « designed by Apple in California, and assembled in China » a la notoriété que l’on sait, l’on se méprend souvent sur l’ampleur de l’imbrication des économies.  Prenons l’exemple d’un domaine particulièrement à l’ordre du jour : les batteries. La Chine fabrique 70% des cathodes qui représentent la moitié de la valeur des batteries ; elle raffine 60% du lithium, 68% du nickel, 40% du cuivre, 80% du cobalt et 70% du graphite mondial, qui sont autant d’éléments indispensables à la fabrication des batteries de haute capacité. Ces simples données attestent d’une réalité essentielle : pas de transition mondiale vers la voiture électrique sans la Chine. Si l’on adoptait un point de vue plus franco-centré, que dire de l’importance du débouché chinois pour nos fleurons dans le domaine du luxe ? On pourrait continuer.

Deuxième réalité : la Chine n’est pas une île. Elle a l’économie la plus avancée, la plus puissante d’une zone plus vaste qui pourrait, l’Amérique l’a bien compris, devenir le centre économique du monde : l’Asie du Sud Est. Investisseurs et entreprises en ont d’ailleurs clairement conscience. Le réaménagement des chaînes de valeur, la volonté de limiter – à tort ou à raison – l’exposition à la Chine, a conduit beaucoup d’acteurs à développer des stratégies multi-pays dans la zone. Un pays commence d’ailleurs à bénéficier à plein de cette stratégie parfois qualifiée de « China + 1 » : l’Inde. Mais il faut aussi s’arrêter sur des pays comme le Vietnam, et ses près de 100 millions d’habitants, dont le développement économique n’est pas sans rappeler, dans son ampleur, les meilleures années de la Chine, et qui, la nature ayant horreur du vide, bénéficiera de la volonté de beaucoup de moins dépendre de l’économie chinoise.

Troisième réalité : si la tentation du découplage avec l’économie chinoise est forte en Occident, l’on assiste parallèlement à un rapprochement de plus en plus fort d’acteurs issus des pays émergents. Car à parler d’un possible découplage entre l’Occident et la Chine, il est un autre mouvement que l’on perçoit de plus en plus clairement dans tout une partie du monde : la volonté de moins dépendre des Etats-Unis, et en particulier de la gestion purement domestique du dollar qui est assumée depuis la fin de l’étalon-or par les autorités américaines. C’est bien ce qui explique que tandis que certains investisseurs occidentaux hésitent, l’on voit désormais des investisseurs moyen-orientaux acquérir des positions significatives en Chine. Plus largement, les dirigeants de beaucoup de pays déguisent de moins en moins leur méfiance à l’égard d’un ordre économique et juridique internationale dont ils pensent – avec la Chine – qu’il fait la part trop belle aux intérêts occidentaux.

En définitive, il ne faut pas se méprendre sur la réalité du découplage. L’imbrication économique, dont le monde entier a bénéficié au cours des dernières décennies, est très forte. Surtout, à brandir sans nuances de part et d’autre la déconstruction des chaînes de valeurs et l’isolement de la Chine, l’on perd de vue la volonté de beaucoup d’acteurs – y compris en Europe – de rechercher des alternatives à la puissance américaine et au dollar.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !