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Quand Luis Fernandez voulait faire signer Zinédine Zidane au PSG, l'ancien agent du champion du monde raconte
©Reuters

Bonnes feuilles

Les agents des joueurs de football sont leurs conseillers, parfois leurs amis, ils côtoient le gotha, ils brassent des millions, ce sont des faiseurs de rois pour certains, des mafieux, des voyous pour d’autres… Autant d’images accrochées au revers de leur veste. Tout le monde sait qu’ils existent et qu’ils sont incontournables dans le "milieu" du foot. Mais que font-ils vraiment ? Pour la première fois, l’un d’eux dévoile ce qu’est le métier d’agent, entre négociations serrées, ruses diverses, caprices de stars et coups de stress à gérer… Un quotidien trépidant, une pléiade d’anecdotes, un témoignage dérangeant… Extrait de "Transferts" de Marc Roger, publié aux éditions L'Archipel 2/2

Marc Roger

Marc Roger

Marc Roger est né en 1963 à Alès, dans le Gard, où il réside actuellement. Il a lancé une société de création de vêtements de sport avec le danseur étoile Patrick Dupond, avant de devenir gestionnaire de patrimoine. En affaires avec une société ayant pour client le PSG, il découvre les coulisses du foot et devient proche de plusieurs joueurs. En 1989, il franchit le pas et devient agent. Dix ans plus tard, après s’être associé à Dominique Rocheteau, puis à Jean-François Larios, il est l’un des agents français les plus influents. 

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L’opération PSG est enclenchée. Rendez-vous est pris au domicile de Luis Fernandez, rue de Prony, dans le XVIIe arrondissement de la capitale. Après avoir récupéré Zidane et Dugarry à l’aéroport de Roissy, je me perds dans Paris avec ma vieille BMW 525 turbo diesel et je mettrai près de deux heures à trouver l’appartement de Luis. Hilare, Dugarry me lance : « Tu sais vraiment où c’est ? » Et il me chambre : « Je voulais absolument rencontrer l’agent qui a réussi à placer un jour au PSG Oumar Dieng (un défenseur de bon niveau, mais qui n’est pas resté dans l’histoire du football). Cet agent-là doit forcément avoir un truc à part… »

Nous finissons par arriver à destination. Face aux joueurs, dans l’année de leurs vingt-trois ans, Luis explique : « Je vous veux. Vous êtes deux joueurs promis à un grand avenir. Paris peut vous ouvrir de nouvelles perspectives. » Luis connaît particulièrement Zizou, qui fut son coéquipier pendant deux saisons à Cannes, entre 1990 et 1992, avant le départ du jeune prodige à Bordeaux. La discussion est détendue. Et très concrète. Les joueurs sont sensibles à l’intérêt que leur porte l’entraîneur du PSG. Zizou n’a pas encore reçu une offre de la Juventus, pas plus que Duga du Milan. Sans compter que le PSG de Canal+, qui vient de participer aux demi-finales de la Ligue des champions, est en train de devenir un club majeur du continent. Alors, ils parlent de leur envie de découvrir un nouvel univers. Celui de Paris ? Pourquoi pas ? répondent-ils à Fernandez.

Les dirigeants bordelais ont donné leur consentement à ce rendez-vous au domicile de l’entraîneur du PSG. Mais Michel Denisot, le président délégué du club parisien, ne semble pas enchanté par cette démarche secrète de Luis, qu’il découvre peu après à la suite d’une fuite dans L’Équipe. Denisot a des relations compliquées avec Fernandez, dont l’avenir au club semble déjà s’écrire en pointillés. Peut-être sent-il son autorité bafouée par l’initiative de Luis Fernandez. Le PSG va alors tarder à concrétiser la venue des deux amis. Puis Denisot prendra une double décision qui viendra anéantir de facto l’hypothèse de voir les deux Bordelais débarquer à Paris. Il décide de prolonger Raí, le meneur de jeu brésilien, au poste qu’aurait occupé Zizou. Et il accélère les discussions pour recruter l’attaquant Patrice Loko, dans un rôle que Fernandez aurait pu confier à Duga. Avec des rapports plus fluides entre le président et l’entraîneur, sans doute Zinédine Zidane, l’enfant de Marseille, aurait-il porté le maillot rouge et bleu du PSG…

Alors que Zizou était devenu un proche, mes tracas avec la Fédération vont profiter à Alain Migliaccio. En 1996, cet agent ne jouera pourtant aucun rôle majeur dans le transfert du joueur à la Juventus. Cela peut sembler difficile à croire avec le recul, mais la Juve ne voulait pas de Zidane. Et il faudra tout l’art de persuasion de Rolland Courbis pour convaincre les dirigeants italiens de recruter Zidane, au cours d’une semaine à Cortina d’Ampezzo, la station de ski au coeur des Dolomites. À son retour en France, Rolland était allé trouver Zizou pour lui dire qu’un avenir l’attendait désormais à Turin. C’est alors que ce dernier lui apprit qu’il venait de confi er ses intérêts à Alain Migliaccio. Comment cet agent l’a-t-il attiré dans ses filets ? Par l’entremise d’un joueur alors en fin de carrière, un Marseillais comme Zidane : Marcel Dib.

À cette époque, ce milieu de terrain combatif s’apprêtait à quitter Bordeaux quand Zizou, lui, y débarquait en provenance de Cannes. Dib était allé dire au jeune Zinédine, âgé de vingt-deux ans : « Ton ami, Marc Roger, il arrête. Il n’a pas de licence. Alain, lui, c’est le meilleur des agents. Il connaît tout le monde dans ce milieu… » Voilà comment une future idole des stades a atterri chez Migliaccio, cet agent qui demandera 3 millions de francs de commission à la Juve, au printemps 1996. Et dire que des années plus tard je sympathiserais avec Marcel, un sacré boute-en-train qui m’avouera : « Je suis sûr que tu es plus généreux qu’Alain Migliaccio ! »

Pourquoi Zidane n’a-t-il pas signé au Real Madrid dès l’été 2000, dans les semaines qui suivirent le sacre des Bleus à l’Euro ? Migliaccio aurait-il fait traîner le transfert, puisque n’ayant pas encore touché de la Juventus la totalité d’une commission importante ? Cette somme découlait de la prolongation de contrat signée par le meneur de jeu en janvier 1998, qui le liait dès lors au club turinois jusqu'en 2004. Pour ne rien arranger, Migliaccio entretenait une relation compliquée avec Luciano Moggi, l’homme fort de la Juventus. En 2000, le club italien s’est visiblement servi de ce litige financier pour glisser un message à Migliaccio : « Si vous voulez voir la couleur de cet argent, on ne laisse pas partir Zidane cette année. » De mon côté, en septembre 2000, je vais commettre une erreur monumentale. Le mois précédent, le transfert de Zizou au Real vient de capoter. Je me trouve alors à Palma de Majorque avec Florentino Pérez, sur le yacht que possède le président du Real Madrid, le Pitina II, en référence au petit nom de son épouse, Maria Angeles Sandovol, qui décédera en 2012. Pérez avait le sentiment, à juste titre, que Migliaccio n’avait pas vraiment sué pour faciliter le transfert à Madrid de sa pépite :

— Marc, organise un rendez-vous avec Zidane.

— Florentino, j’ai peur que cela mette encore le bordel.

Par l’intermédiaire de Mustapha Mazouz, un ami de Zizou, qui avait travaillé pendant deux ans dans ma société, je savais que le joueur avait confié, fin août : « Si je ne pars pas cette année au Real Madrid, Alain ne sera plus mon agent. » Autant dire que j’aurais pu récupérer Zidane. Si je l’avais appelé, de surcroît sur demande de Florentino Pérez, peut-être serait-il venu me confier sa carrière. De quoi ai-je eu peur ? Sans doute de mettre Zidane en porte-à-faux vis-à-vis de son agent. J’ai trop respecté Zizou. Mais je pensais que Migliaccio savait beaucoup de choses sur lui, qu’il serait peut-être l’objet de chantages connaissant ce milieu où tous les coups sont permis.

Extrait de "Transferts - Dans les coulisses du foot business" de Marc Roger, publié aux éditions L'Archipel, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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