Quand le féminisme finit par se transformer en chasse au masculin<!-- --> | Atlantico.fr
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©DOMINIQUE FAGET / AFP

Bonnes feuilles

Noémie Halioua publie « La terreur jusque sous nos draps » aux éditions Plon. Un nouvel ordre moral s'abat sur nos vies privées. Les aspirations romantiques, les discours amoureux et les récits de couples mythiques sont passés au peigne fin. Politisation de l'intime, pathologisation du sentiment, diabolisation du masculin, victimisation du féminin, tout est fait pour en finir avec la liberté d'aimer. Extrait 2/2.

Noémie Halioua

Noémie Halioua

Noémie Halioua est essayiste et journaliste, cheffe du service international chez Factuel. Elle est l'auteure de L'affaire Sarah Halimi (Cerf), de Les uns contre les autres (Cerf) et coauteure de l'ouvrage collectif Le nouvel antisémitisme en France (Albin Michel). Elle publie également des chroniques dans différentes revues ( Front populaire, Revue des Deux Mondes, etc.).

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Le rejet du masculin figure parmi les discriminations les plus tolérables et les plus autorisées, parce qu’il trouve chaque jour de nouvelles légitimations. Comme le terrorisme ou la criminalité peuvent faire l’objet d’explications socioculturelles, être présentés comme une réponse à la ghettoïsation, la discrimination et la pauvreté, la misandrie trouve sa justification dans la misogynie et bénéficie d’une exceptionnelle culture de l’excuse qui permet un déchaînement d’accusations invraisemblables sans le moindre risque. Ces Amazones veulent criminaliser le masculin dans son essence, accabler son identité sexuelle profonde, jusque dans ses hormones. Il est question de le tordre, de le nier dans ses aspirations primaires, de le dénaturer pour en faire autre chose, de plus lisse et politiquement correct. Une appréhension des événements purement holistique, qui ne questionne jamais la singularité des parcours et le poids de la liberté individuelle. Comme si un cœur masculin n’avait jamais abrité la moindre douceur, comme s’il était incapable d’aimer et qu’il ne méritait pas de l’être. Comme s’il n’était pas aussi capable des plus grandes qualités, de générosité, de compréhension ou d’empathie. Essentialisé à son sexe, l’homme moderne est appelé à se flageller toujours davantage pour espérer gagner son droit d’exister; il est appelé, selon le terme issu de la sociologie popularisé par Jacques Derrida, à se «déconstruire», comme un meuble IKEA monté à l’envers. Tels une chaise, une table ou un canapé, l’homme devrait être démonté de l’intérieur puis remonté selon un autre ordre, une autre logique, pour gagner son droit à exister librement. Or l’obsolescence de l’homme ne signifie pas une quelconque victoire de la justice des temps, mais le début de nouvelles problématiques éminemment métaphysiques. Par exemple: à qui demandera-t-on de porter les valises lors des départs en vacances? Qui nous protégera des cambrioleurs et des angoisses existentielles?

Stigmatiser les hommes n’est pas un problème pour certaines instances féministes reconnues par l’État, comme si la défense de la femme pouvait justifier la haine des hommes. «Un homme sur deux ou trois est un agresseur», affirmait fièrement Caroline De Hass, cofondatrice du mouvement Osez le féminisme, ancienne conseillère de la ministre Najat Vallaud-Belkacem. Affirmer que 50% dentre eux sont violents est factuellement faux, mais cela ne mange pas de pain: personne nosera dire le contraire, de peur d’être assimilé aux meurtriers. Viols, agressions, harcèlement ne seraient pas des comportements individuels, l’expression de choix condamnables d’un petit groupe de criminels, mais des mouvements de fond inhérents au sexe masculin. Pour preuve, l’existence supposée de la «culture du viol», concept à la mode aux allures darme militante, qui entend identifier dans une culture donnée un continuum entre les formes «subtiles» et «concrètes» de la domination masculine, entre les comportements ordinaires et la violence physique, entre un brin de galanterie et un viol. Dans le même esprit de nuance et modération a été publié en grande pompe Moi les hommes je les déteste, opuscule d’une certaine Pauline Harmange, jusqu’alors inconnue au bataillon, rapidement traduit en plusieurs langues. «Il y a eu des articles dans le Guardian, dans la presse chinoise, au Brésil. Et chaque jour arrivent des demandes d’éditeurs et journalistes étrangers pour lire le livre!», se réjouissaient les éditeurs au moment de la sortie. Avec la finesse d’une sulfateuse, l’auteure accuse les hommes d’être des ordures, d’être «médiocres» et «violents», de croire «tout savoir» en plus de «couper la parole». Sans scrupule, celle qui affiche fièrement dans ses photos une broussaille de poils sous les bras se réjouit de cogner sur le sexe opposé. «Je vois dans la misandrie une porte de sortie. Une manière d’exister en dehors du passage clouté, une manière de dire non à chaque respiration. Détester les hommes, en tant que groupe social et souvent en tant qu’individus aussi, m’apporte beaucoup de joie – et pas seulement parce que je suis une vieille sorcière folle à chats», assure lauteure. La violence du verbe est telle qu’un fonctionnaire zélé du secrétariat à l’Égalité hommes-femmes demande à la maison d’édition le retrait du livre qu’il qualifie d’«appel à la haine», sous peine de poursuite judiciaire. Menace qui, de façon prévisible, donne un coup de projecteur inédit à l’opuscule selon la logique de l’effet Streisand, du nom de la chanteuse et actrice américaine, qui veut qu’une tentative avortée de cacher une information peut, au contraire, lui garantir une large exposition médiatique. Dans la même veine, Alice Coffin, identifiée aussi comme féministe et écologiste, appelait à tirer à boulets rouges sur l’autre sexe dans un pamphletanti-homme sous couvert de solidarité féminine. «Il ne suffit pas de nous entraider, il faut, à notre tour, les éliminer. Les éliminer de nos esprits, de nos images, de nos représentations, martelait-elle, confiant boycotter toutes les œuvres créées par les hommes. Je ne lis plus les livres des hommes, je ne regarde plus leurs films, je n’écoute plus leurs musiques.» Adieu Zola, Hugo et Dostoïevski, coupables de porter un pénis et de sécréter de la testostérone, bonjour Valérie Solanas, auteure d’une tentative de meurtre et présentée comme une sainte pour son appel révolutionnaire à éradiquer le sexe opposé!

Hélas, cette chasse à l’homme n’est pas menée uniquement dans des ouvrages obscurs, par une poignée d’«ultras» invitée sur les plateaux de télévision pour exciter les foules, elle se mène aussi dans le vocabulaire courant avec la vulgarisation de concepts brouillons qui se donnent des airs scientifiques, pour mieux empêcher toute critique de bon sens. Ainsi advint celui de «masculinité toxique», qui se répand comme une traînée de poudre dans les articles de psychologie de comptoir, mais pas seulement. Ce concept renvoie à certains comportements que les hommes auraient acquis par conditionnement et dont ils devraient s’émanciper. Le terme «toxique» insiste sur sa nocivité sur lorganisme, qui pourrait même, à partir d’une certaine quantité, devenir une menace vitale. Pour s’en défaire, il faudrait que l’homme se «dévirilise», quil se débarrasse de ses instincts, ses pulsions, son désir. La plupart des auteurs des tueries de masse sont des hommes, donc le sexe fort peut être raisonnablement associé aux tueurs et aux psychopathes, ce qui justifie une reprogrammation collective. Bien entendu, les héros, les sauveurs, les résistants, les gentils maladroits, les généreux et les protecteurs, tous ceux qui s’opposent à la barbarie du monde, sont invisibilisés dans cette logique propre à l’idéologie, qui ne met en lumière, sous couvert de neutralité, que ce qui permet d’asseoir leur idéologie. Pas un mot de la part de nos misandres en chef, si promptes à scruter les comportements masculins, le 8 juin 2023 par exemple, lorsque Henri d’Anselme, jeune homme de 24ans, sinterpose au risque de sa vie lors de l’attaque au couteau d’Annecy. Ce jour-là, un demandeur d’asile syrien s’attaque à des enfants dans les fameux jardins de l’Europe, avant que celui que l’on surnomme «lhomme au sac à dos» laffronte et permette son arrestation. Pas un mot, non plus, lorsque le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame sacrifie sa vie en mars 2018 en sauvant une femme lors d’une prise d’otage terroriste. Lui s’était proposé comme otage en échange de la libération de l’hôtesse de caisse dans le Super U de Trèbes, avant que le terroriste ne le tue en lui tranchant la gorge.

Pour nos inquisitrices, le sacrifice des hommes ne vaut pas la peine d’être reconnu, ni les inégalités et la pénibilité qu’ils subissent dans le monde du travail pourtant bien documentées. «Si les hommes occupent en majorité les postes de direction, ils exercent aussi l’ensemble des métiers pénibles. Ils représentent 97% des conducteurs de poids lourds, 98,5% des ouvriers du bâtiment, et 97% des ripeurs, 92% des livreurs de plateformes, 87% des opérateurs de grue, 98% des pêcheurs en haute mer…», rapporte Aziliz Le Corre dans Le Figaro. Ils portent, conduisent, prennent des risques physiques, bien davantage que les femmes, ils meurent aussi plus tôt, mais qu’importe, ils demeurent considérés comme des dominateurs privilégiés.

Extrait du livre de Noémie Halioua, « La terreur jusque sous nos draps », publié aux éditions Plon

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