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Quand la novlangue de la Mairie de Paris se traduit en réalité cauchemardesque
©BERTRAND GUAY / AFP

Sale temps pour Paris

Un langage dont il va falloir s'habituer car il y en a encore pour six ans.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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En 2018, deux ans avant l’élection municipale, Florence Berthout, maire du 5è arrondissement, avait publié un drôle et bienvenu dictionnaire de la novlangue hidalguesque. Il a d’autant moins perdu de son actualité qu’Anne Hidalgo vient d’être réélue. Nous voici à l’orée de six longues années, dont il n’est pas sûr que Paris se remettra. Nous allons continuer à entendre parler de « mobilités douces » pour la marche à pied ou le vélo, de « phénomènes de dérégulation de certains quartiers » pour parler d’insécurité, ou de « vision ouverte des espaces publics parisiens » pour la promotion du naturisme. La Mairie va continuer à installer des boulevards à cyclistes qui sont la plupart du temps vides tandis que les voitures s’entassent sur une seule file et leurs embouteillages se répercutent à l’ensemble de la banlieue parisienne. Libre de s’adonner à ses pulsions de maîtresse d’école sadique, Madame Hidalgo va non seulement continuer à raconter que la propreté de Paris est question d’éducation mais, pour joindre l’acte aux paroles, supprimer, nous dit-on, les poubelles de rue. Ce qui fut la Ville Lumière continuera à s’enfoncer dans la crasse et les odeurs répugnantes, la pollution de l’air artificiellement causée par un aménagement des rues digne d’Ubu maire. La criminalité va continuer à augmenter, les familles vont, toujours plus, quitter Paris, ne laissant face à face, dans un phénomène de « bruxellisation », que des quartiers gouvernementaux et d’affaires, d’une part, et des quartiers d’immigration non assimilée, d’autre part. 

On a beaucoup parlé de la bêtise de la droite des catégories aisées, à Marseille, refusant de s’allier à la droite populaire pour mettre un coup d’arrêt à une coalition des gauches en fait minoritaire. Mais Paris est un autre cas d’école. Où est passé le bon sens politique qui aurait voulu une coalition des réalistes pour empêcher Anne Hidalgo et ses alliés écologistes, minoritaires, de prolonger leur squat de l’Hôtel de Ville? Enlisée durant des mois dans les querelles dérisoires internes à LR, Rachida Dati a émergé trop tard avec un début de programme alternatif pour Paris. Et encore, ce programme était bien timide, trop hésitant pour créer l’électrochoc proposé. Paris est sans doute la seule ville où une alliance entre LR et LREM aurait fait du sens: mais le parti d’un président qui a oublié que Jupiter, sa référence, est un dieu fondamentalement faible dans la mythologie gréco-latine, s’est déchiré en querelles de personnes et étiolé en surenchères écolo-bobos, impuissantes face à l’organisation de la campagne de Madame Hidalgo et s’obstinant à croire qu’il n’avait besoin de personne pour gagner. Personne n’a eu l’idée de créer un mouvement d’opinion à travers l’Ile-de-France pour dénoncer les conséquences funestes sur toutes la région capitale de la politique de circulation parisienne. Du coup, Anne Hidalgo va continuer à utiliser une discipline qu’elle ne maîtrise pas, l’aménagement urbain, en y picorant des concepts - tels « la ville du quart d’heure » - pour assouvir son autoritarisme. 

Lorsque l’on a commencé à dénoncer la « novlangue » hidalguesque, beaucoup ont souri et apprécié. Mais qui en a vraiment tiré les conséquences? Il ne suffisait pas d’opposer des mots aux mots. Car la novlangue devient vite réalité. Elle est comme les mauvaises herbes, elle pousse plus vite que la végétation utile. Nous en sommes arrivés à une situation où c’est l’abstention massive qui a permis à Madame Hidalgo de repasser.  Et la novlangue va continuer à se transformer en réalité cauchemardesque. Nous sommes dans une sorte de réalisation du « Discours de la Servitude Volontaire ». Le pouvoir de Madame Hidalgo est faible mais personne n’ose le remettre en cause. Une majorité est hostile à ce qu’elle fait mais personne ne prend les moyens de coaliser la majorité des opposants. La réalité parisienne fera-t-elle prendre conscience de ce qui menace notre pays: des gouvernements minoritaires sociologiquement mais qui sont d’autant plus virulents idéologiquement et qui ne cessent pas de détruire. Il y a quatre ans, tout le monde se gaussait des Britanniques qui avaient voté pour le Brexit et on s’apitoyait sur Londres, qui allait tomber de son statut de première métropole européenne. On promettait le plus beau des avenirs à Paris. La réélection de Madame Hidalgo nous fait définitivement prendre conscience que les Britanniques étaient dans le réel et que les Français risquent de sombrer de plus en plus dans la dystopie. 

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