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La primaire PS peut-elle être piratée par des militants de droite ?
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Qui est In, qui est out ?

Le premier tour de la primaire socialiste a lieu ce dimanche. Seule condition pour y voter, payer un euro et signer une déclaration d'adhésion à des valeurs très générale. Pour Christophe Prochasson, ce système marque avant tout la fin d'un système où "le peuple de gauche vivait passablement à l’écart du peuple de droite, chacun campé dans ses certitudes".

Christophe Prochasson

Christophe Prochasson

Christophe Prochasson est historien et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Derniers ouvrages parus : L’empire des émotions. Les historiens dans la mêlée (Demopolis, 2008), 14-18. Retours d’ expérience  (Tallandier, 2008) et La gauche est-elle morale ? (Flammarion, 2010).

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A gauche, malgré leur succès, à cause de leur succès, les primaires ne plaisent pas à tout le monde. Il est vrai que le processus n’est pas encore achevé et qu’on ne peut encore évaluer tout à fait correctement un processus dont il est vrai on pouvait craindre le pire, à commencer par les petits meurtres entre amis.

Parmi les argumentaires nourrissant l’hostilité aux primaires socialistes, il en est un qui mérite tout particulièrement l’attention. A l’encontre d’une gauche modernisatrice, soucieuse d’adapter le Parti socialiste à de nouvelles coordonnées politiques, une fraction traditionnaliste continue de rejeter l’entreprise. Aux yeux de ses tenants, c’est à la pureté même du socialisme français que l’on s’en prendrait. En rompant avec un passé enchanté, les modernisateurs ne seraient rien d’autres que des liquidateurs d’une histoire sanctifiée.

Trois objections, trois inquiétudes se dégagent chez certains adversaires des primaires.

La première est la plus folklorique. Elle s’adosse à ce vieux fonds de culture complotiste qui comprend la politique comme l’espace où s’agitent des forces cachées et diaboliques. Ainsi certains expriment-ils la crainte de voir le vote des primaires socialistes perturbé par la mobilisation sournoise de militants sarkozystes votant « pour le plus bête », comme le disait Clemenceau.

Qui peut croire sérieusement à un tel scénario qui pour être efficace supposerait une mobilisation de moyens difficilement compatible avec la discrétion qu’impose toujours le complot ? Les révolutionnaires, même sous l’aspect très dégradé qu’ils ont pris aujourd’hui, ont toujours eu besoin de mystères et de rumeurs pour alimenter le feu de leur action.

La seconde inquiétude repose sur la crainte de voir le parti se dissoudre dans l’opinion. Comme si le parti pyramidal était la forme première et définitive de l’encadrement démocratique des populations. La démocratie a longtemps vécu, et plutôt bien, en l’absence du parti moderne telle que la tradition léniniste l’a légué à la gauche, et peut-être même aussi, par contrecoup à la droite.

Comment ne pas s’apercevoir, que les formes de l’engagement militant, telles qu’elles se sont forgées au début du siècle dernier, ont atteint leur date de péremption. Le parti ancien style n’a plus grand-chose de démocratique. De fins sociologues comme Roberto Michels en avaient d’ailleurs faire la remarque dès les premières décennies du XXe siècle. Revitaliser la démocratie implique d’inventer de nouvelles formules de participation citoyenne. Les primaires peuvent peut-être relever de cette réanimation.

Mais l’objection la plus sérieuse est celle qui s’inquiète de la fin de l’entre-soi dont le régime des partis était l’expression. Chacun faisant sa petite soupe dans sa petite soupière était à l’abri des chahuts extérieurs. Ainsi le « peuple de gauche » vivait-il passablement tranquille à l’écart du « peuple de droite », chacun campé dans ses certitudes, fervent partisan de son champion. Dans Le Nouvel Observateur, les tests d’été rassuraient les lecteurs en leur démontrant que leur goût pour le « jambon beurre » les distinguait naturellement de celui de ceux d’en face pour le saumon fumé.

Mais les temps ont passé, les distinctions alimentaires n’ont plus la clarté d’autrefois et les papiers d’identité idéologique sont fâcheusement chiffonnés. Le « peuple de gauche » n’a plus sa belle unité, si tant est d’ailleurs que l’expression vaille encore. C’est précisément cette évolution démocratique que les primaires ont voulu prendre en considération. Reste à voir si le résultat final sera probant.

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