Présidentielle américaine : pourquoi Donald Trump peut gagner en novembre<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Présidentielle américaine : pourquoi Donald Trump peut gagner en novembre
©Reuters

Trans-amérique Express

Comme à chaque élection présidentielle américaine ce sont les « swing states » (Etats indécis) qui feront la différence en novembre. Pour les emporter Trump est aussi bien placé qu’un autre…

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

Voir la bio »

Donald Trump vient d’écraser la concurrence républicaine, lors des primaires de  cinq Etats de la côte Atlantique (Connecticut, Delaware, Maryland, Pennsylvanie, Rhode Island). Cinq victoires avec des scores allant de 55% à 64% des voix. Sa nomination est de plus en plus inéluctable. Mais ses deux derniers adversaires, Ted Cruz, le sénateur du Texas, et John Kasich, le gouverneur de l’Ohio tentent désespérément de le priver de cette nomination. Au titre qu’il serait inévitablement battu en novembre par Hillary Clinton, et que le parti se doit de présenter quelqu’un d’autre. Argument repris par ceux qui au sein du parti républicain continuent à décrier sa victoire à venir.

A croire les sondages ils disent vrais. Mais à examiner le processus électoral américain ils se trompent. Il y a bel et bien un chemin, voire plusieurs, qui mènent à une victoire de Donald Trump en novembre. Ces chemins passent parce qu’on appelle aux Etats-Unis les « swing states », les Etats susceptibles de faire basculer le scrutin.

Rappelons d’abord que l’élection présidentielle américaine est une élection indirecte. Les électeurs votent bien pour l’un ou l’autre des candidats présidentiels, mais les votes sont comptabilisés par Etat. Chaque Etat dispose d’un nombre, proportionnel à sa population,  de sièges au sein du « Collège électoral ». Le nombre total de sièges au sein de ce collège est de 538. Il correspond au nombre total d’élus au Congrès – cent sénateurs et quatre cent trente-cinq représentants -  plus trois sièges pour le District of Columbia, c’est-à-dire la Capitale fédérale qui n’a pas le statut d’Etat etdonc pas de représentation au Congrès. La Californie dispose par exemple de cinquante-cinq sièges, l’Alaska de trois. Le candidat arrivé en tête dans un Etat se voit attribué l’ensemble de ces sièges. Il faut en réunir 270, soit la moitié de 538 + 1, pour être élu. Cela signifie qu’il n’est pas nécessaire d’emporter une majorité du vote populaire pour devenir président. C’est arrivé plusieurs fois dans l’histoire américaine, la dernière en l’an 2000 lors de l’élection de George W. Bush.  Al Gore avait rassemblé plus de suffrages - 51 millions contre 50,5- mais Bush avait obtenu 271 voix au sein du Collège électoral contre 266 pour Gore et une abstention.

Comprendre ce processus est essentiel pour évaluer correctement les chances des candidats et notamment celles de Donald Trump.

Pour l’heure les enquêtes d’opinions lui sont toutes défavorables. USA Today le donne perdant face à Clinton, 39% contre 50%.RealClearPolitics et le Huffington Post aussi, sur presque le même score 40% contre 49%. « 270-to-Win », un autre site politique, situe le rapport de force à  43% contre 46%  en faveur d’Hillary. Enfin Rasmussen Reports, site plutôt favorable aux idées conservatrices, donnait, fin mars, Hillary devant avec 41% des voix contre 36% seulement pour Trump et plus de 20% d’indécis…

Donald Trump est également le candidat qui rassemble le plus d’opinions négatives sur sa personne. 49% des Américains ne l’aiment pas. Mais le  deuxième nom sur cette liste  de personnes publiques malaimées est… Hillary Clinton ! 42% des Américains ne l’aiment pas non plus. Le magazine Salon s’étonnait d’ailleurs récemment sur la nature et la fonction d’un système politique aboutissant, pour son élection phare, à une bataille entre les deux personnalités les plus détestées du pays… (mais c’est un autre débat) !

Sondages et intentions ne font pas les élections. Seuls comptent les bulletinseffectivement exprimés dans chaque Etat. A regarder la carte électorale américaine on s’aperçoit que certains sont plus importants que d’autres. Ainsi le chemin qui peut mener Donald Trump au seuil des 270 voix et à la Maison Blanche passe en particulier par dix d’entre eux : la Caroline du Nord (15 voix au Collège électoral),  le Colorado (9), la Floride (29), l’Iowa (6),  le Nevada (6), le New Hampshire (4), l’Ohio (18),   la Pennsylvanie(20), la Virginie (13), et le Wisconsin(10).

Ce sont les fameux « swing states », les Etats dont on ne sait pas s’ils pencheront dans un sens ou dans l’autre, parce que les sondages laissent entrevoir un vote très serré. Ce qui n’est pas le cas ailleurs.

Ainsi, Donald Trump a récemment remporté un triomphe à New York. Mais c’était une primaire réservée aux Républicains. Il perdra cet Etat en novembre. Tout comme le perdrait aussi tout autre candidat républicain. Pourquoi ? Parce que cet Etat compte deux fois plus d’électeurs démocrates que d’électeurs républicains. Sur les listes électorales 49% des inscrits se déclarent « Démocrate ». Contre seulement 22% qui se déclarent « Républicain ». Les autres sont « Indépendants ». A supposer que ces électeurs votent pour le candidat de leur affiliation le démocrate l’emportera inévitablement.

Un cas de figure comparable existe dans d’autre Etats. Comme la Californie, le Washington, le Massachusetts,  l’Illinois, le  New Jersey, le Maryland, l’Oregon et quelques autres. Ce sont des bastions démocrates, où le rapport de force est tel que le candidat républicain a peu, ou carrément pas, de chances de l’emporter. Qui qu’il soit ! Ainsi la  dernière fois que la Californie a été remportée par le candidat présidentiel républicain, c’était en 1988 avec George Bush père. En 2012 Obama a battu Romney 61% contre 37% !

La situation inverse existe aussi. Ainsi, les électeurs républicains dominent au Texas, de même que dans les Etats du sud comme l’Alabama, le Mississippi, la Louisiane, le Tennessee. Ils sont aussi invincibles dans les Etats des montagnes rocheuses, comme le Montana, l’Utah, le Wyoming, et largement majoritaires dans certaines régions du Midwest comme au Missouri ou dans l’Indiana.

De sorte que l’on peut établir dès à présent une carte des Etats qui voteront « Démocrate » et de ceux qui voteront « Républicain » en novembre. Quel que soit le candidat. En fonction des voix dont ces Etats disposent au Collège électoral il est possible de projeter le résultat plancher des différents candidats. Hillary Clinton est quasiment assurée d’obtenir un minimum de 217 voix. Son adversaire républicain peut tabler sur 191, selon les estimations du site « 270 to win ».  Il restera 130 voix à attribuer dans les dix « swing states ».

La Floride, l’Ohio, la Pennsylvanie, la Caroline du nord et la Virginie sont les plus gros enjeux de cette bataille. Ils représentent à eux cinq, 95 voix au collège électoral. Plus qu’il n’en faudrait à l’un ou l’autre des candidats pour l’emporter.

Depuis 1976, la Caroline du Nord a toujours voté républicain, sauf en 2008. En 2012 elle fut un des rares « swing states » à être emporté par Mitt Romney. Trump a largement gagné la primaire républicaine dans cet Etat. Il peut gagner en novembre, en dépit de la capacité d’Hillary Clinton à mobiliser le vote noir.

L’Ohio dispose d’un gouverneur républicain John Kasich, lui-même candidat à la Maison Blanche. S’il soutient Donald Trump en novembre (ce qui n’est pas le cas pour l’instant) Trump passera.

Les Républicains sont très présents en Floride. Cet Etata fourni deux candidats aux primaires, Marco Rubio et Jeb Bush et il compte une importante population blanche âgée sensible au message de Donald Trump.  Si Trump a le soutien du parti et de ses cadres il remportera cet Etat.

Reste la Pennsylvanie. Logiquement cet Etat devrait revenir aux démocrates qui l’ont remporté au cours des six derniers scrutins présidentiels. Toutefois de par son économie et sa sociologie, la Pennsylvanie s’est montrée très réceptive au message de Donald Trump, notamment sur l’immigration, les délocalisations et  les méfaits du libre échangisme dans un contexte mondialisé. Beaucoup de ces électeurs démocrates ont également souffert de la crise, et se sentent incompris par l’élite de Washington. Ils pourraient être pour Donald  Trump en 2016 l’équivalent des « Reagan Democrats » de 1980.

Si Trump remporte ces quatre Etats il deviendra vraisemblablement président. Une simple addition le démontre. Floride + Pennsylvanie + Ohio + Caroline du nord = 29 + 20 + 18 + 15 = 82 !et191 + 82 = 273

Il existe d’autres façons pour Donald Trump de parvenir à 270. S’il perd en Pennsylvanie, il peut se compenser ce manque de voix par deux victoires en Virginie et dans le Colorado, par exemple.

Inversement, s’il perd plusieurs de ces Etats, notamment la Floride, la Pennsylvanie, ou l’Ohio, sa victoire sera compromise.

Ce qui est sûr est que la possibilité d’une élection de Donald Trump est parfaitement réelle. Le chemin qui le sépare de la Maison Blanche est plus court que certains le croient…

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !