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Présidentielle 2022 : trompe-l’oeil et faux semblants
©Richard BOUHET / AFP

Analyse fine

Décryptage du vote utile et des nouveaux rapports de force politique post premier-tour.

Xavier Dupuy

Xavier Dupuy

Xavier Dupuy est politologue, spécialiste de l'opinion. Il s'exprime sous pseudonyme.

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Atlantico : Quels sont les principaux enseignements de la carte électorale de ce premier tour ?

Xavier Dupuy : D’abord, le taux de participation est légèrement supérieur à ce qu’anticipait les instituts de sondages (soit seulement à 2 à 3 points en dessous de 2017). La différence notable est que les grands centres urbains : Lyon, Paris, Toulouse, se sont beaucoup plus fortement mobilisés qu’on aurait pu l’attendre. A Paris et Lyon, on dépasse les 80% de votants. Dans certaines villes résidentielles à proximité de ces centres urbains, c’est le même constat (Neuilly, Boulogne Billancourt, Issy-les-Moulineaux, en région parisienne ou Tassin, Charbonnières près de Lyon). Donc l’électorat des grandes villes a fortement participé. Cela a pour incidence une poussée très forte de Jean-Luc Mélenchon dans les grandes villes et des bons résultats pour Emmanuel Macron. Pour le premier, c’est une simple mobilisation des électeurs en sa faveur et une mobilisation des électeurs de gauche sur son nom. Emmanuel Macron lui a aspiré une partie de l’électorat LR dès le premier tour. 

Par rapport à 2017, Emmanuel Macron progresse sur une partie de l’Ouest de la France : de l’Ille-et-Vilaine au Maine et Loire, à la Mayenne, en descendant jusqu’à la Loire-Atlantique. Il baisse plutôt dans les zones centrales : Creuse, Corrèze, Cantal, etc.

Marine Le Pen, elle, bien que concurrencée par Éric Zemmour, progresse au niveau national. Elle continue de progresser dans les Hauts-de-France. Elle est fortement concurrencée par Éric Zemmour dans les zones résidentielles, les grands centres urbains ainsi qu’en PACA. Même en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, l’addition Le Pen Zemmour la place bien largement au-dessus de son niveau de 2017. Elle fait son meilleur score dans le département de l’Aisne. 

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Atlantico : Comment analyse-t-on les résultats de Jean-Luc Mélenchon ?

Xavier Dupuy : La mobilisation qu’a réussi à susciter Jean-Luc Mélenchon fait que l’ensemble de la gauche approche les 32%, ce qu’aucun sondage ne prédisait. Il y a un vrai effet de mobilisation en sa faveur. A noter aussi que dans 14 départements, Jean Lassalle dépasse 7% des voix. Les Pyrénées, Pyrénées Atlantiques et Landes évidemment, mais également sur la Creuse, l’Aveyron, la Lozère, la Corrèze, le Lot. C’est un vote qui s’apparente assez à l’ancien vote Chasse, pêche, nature et traditions.  Jean-Luc Mélenchon fait 40 % à Montpellier, à Toulouse 32,5 %. Il fait aussi des scores très importants à Rennes et à Nantes, qui sont des villes universitaires. A Lyon, il est deuxième juste derrière Emmanuel Macron, à plus de 30%. De même à Paris.

Mélenchon fait 21,7% au national. Dans certaines zones, il agglomère la gauche entre 15 et 17%. Mais dans les grands centres urbains, il caracole entre 30 et 40%. Dans les banlieues, autour de Lyon ou de Paris, il fait des scores importants et surtout capte quasiment 90% des voix de gauche, contre 70% au niveau national. On peut y voir un effet d'entraînement sur le vote utile Mélenchon mais aussi un vote communautarisé. Il faut toutefois se rappeler que même à Paris Anne Hidalgo fait moins de 3%. A Lyon, il y a une inversion des résultats au sein de la gauche par rapport aux municipales. Les écologistes étaient à environ 30% et LFI à 7%. Aujourd’hui, LFI est à 31% et les Verts à 7%.

Atlantico : Peut-on séparer la France selon une ligne Nord-Ouest, Sud-Est entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron ? Qu’est ce que cela laisse présager pour le second tour ? 

Xavier Dupuy : C’est globalement ça. Sur tout un grand flanc ouest, Emmanuel Macron arrive en tête. Marine Le Pen arrive en tête sur le pourtour méditerranéen, dans le couloir rhodanien et ensuite le Grand-Est et les Hauts de France. En Ile-de-France les résultats sont très scindés entre la Seine Saint-Denis d’un côté, l’ouest parisien de l’autre.  Mais il y a un trompe-l’œil, on ne parle que des candidats arrivés en tête, mais Marine Le Pen avait la concurrence d’Éric Zemmour donc il y a probablement bien d’autres départements où elle sera en tête au second tour. A mon sens, le Grand-Est, les Hauts de France, la Bourgogne Franche Comté et PACA sont probablement les régions qui devraient mettre Marine Le Pen en tête au second tour. A l’inverse la Bretagne, les Pays de la Loire, La Nouvelle Aquitaine devraient être pour Emmanuel Macron. Il aura aussi probablement un très net avantage en Ile-de-France et un avantage confortable en Auvergne Rhône-Alpes. La région Occitanie risque d’être très partagée, la Normandie également, ainsi que le Centre Val de Loire. 

Atlantico : Cette analyse de la carte électorale peut-elle nous donner des enseignements sur ce qui peut arriver aux législatives ? 

Xavier Dupuy : Tout dépend de l’offre politique qui sera faite. Si la gauche part unie, elle pourra se qualifier et éventuellement gagner le second tour. S’ils ne se qualifient pas, tout dépendra du profil du second tour. La notoriété du candidat sera aussi un élément très important. Ce qu’il faut noter c’est que le vote d’adhésion pour Jean Luc Mélenchon et pour Emmanuel Macron n’est pas forcément très fort. Donc aux législatives, les personnes très implantées peuvent faire des scores importants quelle que soit leur étiquette. 

Il est vrai que dans les grandes villes, manifestement, la gauche peut être en mesure de regagner des circonscriptions : à Paris, à Lyon, à Montpellier, etc. Tout dépendra si elle fait l’union ou si chacun part seul. 

Atlantico : Y-a-t-il des endroits ou le PS et LR ont eu des bons scores relatifs malgré leurs résultats ?

Xavier Dupuy : Pour Valérie Pécresse, en métropole, les départements qui sont les meilleurs pour elle sont les Yvelines (sa terre d’élection, environ 9%), la Corrèze (où elle a des attaches), le Cantal, la Haute-Loire. En Outre-mer, elle est arrivée deuxième, avec 14%, à Wallis-et-Futuna. Pour Anne Hidalgo, c’est très compliqué. En région Occitanie, elle fait 2,40 % contre 1,8 au niveau national. 

Atlantico : Ces résultats en faveur d’Emmanuel Macron ou de Marine Le Pen traduisent-ils un vote par défaut ? 

Xavier Dupuy : C’est compliqué à dire. Nous avons vu qu’un courant qui se dessinait dans les sondages ces derniers jours s’est confirmé : un vote utile, voire un vote stratégique de ses électeurs. Quand un électeur change au dernier moment, c’est souvent qu’il y voit un intérêt stratégique. Avec ces stratégies, le vote d’adhésion baisse mathématiquement. Le comportement des derniers jours qui a fait monter trois candidats au détriment des autres a probablement réduit la part du vote d’adhésion.

Atlantico : Y-a-t-il une vraie adhésion au projet de Marine Le Pen ou est-ce la contestation du système qui prime ? 

Xavier Dupuy : Manifestement, Marine Le Pen, avec les scores qu’elle fait dans certains territoires, obtient un vote d’adhésion. Sans vote d’adhésion, il y aurait probablement eu une percée d’Éric Zemmour. Or cette percée, on ne la voit que dans les grandes villes diplômées. 

Atlantico : Est-ce que l’on peut considérer qu’il y a une France Marine Le Pen, une France Emmanuel Macron et une France Mélenchon ?

Xavier Dupuy : Oui, parce que ce sont trois courants porteurs. Mais sans doute pas au niveau qu’ils ont atteint hier. Ces trois candidats ont bénéficié de votes d’électeurs qui auparavant pensaient voter ailleurs. 

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