Présence française en Afrique : vers un scénario à la malienne au Burkina Faso<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Burkina Faso a ordonné il y a quelques jours le départ de l’ambassadeur français, Luc Hallade.
Le Burkina Faso a ordonné il y a quelques jours le départ de l’ambassadeur français, Luc Hallade.
©OLYMPIA DE MAISMONT / AFP

La France et le Burkina Faso

Fin décembre, le ministère des Affaires étrangères du Burkina a demandé à son homologue français le remplacement de l’ambassadeur à Ouagadougou, Luc Hallade, en place depuis 2019.

Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy est enseignant en géopolitique à l'Université Catholique de Lille, à l'Institut Supérieur de gestion de Paris, à l'école des Hautes Études Internationales et Politiques. Il est également président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). 

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Atlantico : Pourquoi le Burkina Faso a ordonné il y a quelques jours le départ de l’ambassadeur français, Luc Hallade ?

Emmanuel Dupuy : C’est une vieille affaire. Depuis une audition parlementaire datant de juillet dernier, il est considéré comme persona non grata. Il avait expliqué que l’aggravation de la situation était davantage liée à des facteurs « endogènes », après les différents putschs – et l’idée sous-jacente d’une guerre civile – qu’aux agissements des groupes armés, ce qui avait provoqué l’ire des anciens putschistes, avant d’être pris en grippe par le nouveau putsch le 30 septembre 2022. Des manifestations anti-françaises avaient eu lieu après cette prise de pouvoir.

Les autorités burkinabé ont également demandé le départ de la Task Force Sabre, dispositif des forces spéciales françaises au Sahel.

Quelles conséquences à moyen terme pour les relations de la France avec le Burkina Faso ?

Je crains un scénario à la malienne. Les autorités envoient les mêmes signaux comminatoires et d’hostilité à l’égard de la France. Le Mali avait expulsé le porte-parole de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma), Olivier Salgado, il  y a quelques mois, et le 12 décembre dernier, le Burkina Faso en a fait de même avec la coordinatrice de l'ONU à Ouagadougou, l'Italienne Barbara Manzi. 

Puis la volonté des troupes burkinabé de ne pas retenir la Task Force Sabre, après le départ des troupes françaises dans le cadre de l’opération Barkhane au Mali, me fait dire que nous sommes dans un processus de mimétisme. Par ailleurs, la fermeture de RFI par les autorités burkinabé ressemble aux actions menées par la junte militaire malienne contre les médias français, notamment France 24.

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Quels sont les intérêts de la France au Burkina Faso ?

Les intérêts de la France sont faibles. Aucune concession minière n’est par exemple détenue par la France.

La France souhaitait aider un pays qui est la victime collatérale des groupes armés djihadistes du Mali en direction des pays du Sahel, avec une forte propagation vers le sud. Ces groupes terroristes avaient profité d’une révolution citoyenne en octobre 2014, qui a vu le départ du président Blaise Compaoré, puis qui a vu le départ en 2022 d’un autre chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré.

Le Burkina Faso est un pays enclavé : il faut traverser la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Bénin ou le Togo pour accéder au golfe de Guinée et ses ports en eau profonde, notamment Lomé. Ce qui en fait un pays très dépendant de la stabilité ou de l’instabilité de ses voisins. C’est la raison pour laquelle la France ne pouvait pas se départir de son soutien, étant donné sa présence au Mali depuis 2013. Ouagadougou avait d’ailleurs été choisie comme siège de la Task Force Sabre en 2009.

Enfin, le Burkina Faso permet de sanctuariser les pays du golfe de Guinée, et si ce verrou tombe, les intérêts économiques de la France peuvent être touchés en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Ghana et au Togo.

Le groupe Wagner est-il implanté au Burkina Faso ?

Il n’y a que des faisceaux de présomption au sujet de l’installation du groupe Wagner au Burkina Faso. Même si le Mali et Wagner sont en train de négocier une extension du contrat pour une plus large implantation du groupe russe. Au Burkina Faso, la présence de Wagner viserait moins à être un supplétif militaire qu’à protéger économiquement les investissements russes.

Le Burkina Faso, comme le Mali, la Mauritanie, la Guinée ou encore le Cameroun, a des accords de défense avec la Russie. Le Premier ministre de transition, Appolinaire Joachim Kyelem de Tembela, s’est rendu à Moscou début décembre 2022 dans le cadre de la coopération militaire entre les deux pays pour obtenir des armes légères. Cette coopération s’intensifie sur la base du refus d’aider le Burkina Faso depuis les deux coups d'Etat de l'année dernière.

Quant à la Task Force, elle va se déplacer vers le Niger ou encore la Côte d’Ivoire. La France pressent qu’il faut protéger ceux qui pourraient tomber dans les prochains mois ou les prochaines années. 

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