Pourquoi les ventes de tablettes sont dans le rouge<!-- --> | Atlantico.fr
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Les ventes du désormais célèbre iPad n'ont pas été au beau fixe sur la fin de l'année 2013.
Les ventes du désormais célèbre iPad n'ont pas été au beau fixe sur la fin de l'année 2013.
©Reuters

I-flop

Les ventes du désormais célèbre iPad n'ont pas été au beau fixe sur la fin de l'année 2013, une tendance qui devrait se perpétrer plus largement sur l'ensemble du marché des tablettes comme le prévoyait une étude réalisée en décembre par le cabinet IDC. La marque à la pomme n'a ainsi vendu "que" 16,3 millions de son produit vedette, contre une prévision de 19,7.

David Fayon

David Fayon

David Fayon est responsable de projets innovation au sein d'un grand Groupe, consultant et mentor pour des possibles licornes en fécondation, membre de plusieurs think tank comme La Fabrique du Futur, Renaissance Numérique, PlayFrance.Digital. Il est l'auteur de Géopolitique d'Internet : Qui gouverne le monde ? (Economica, 2013), Made in Silicon Valley – Du numérique en Amérique (Pearson, 2017) et co-auteur de Web 2.0 15 ans déjà et après ? (Kawa, 2020). Il a publié avec Michaël Tartar La Transformation digitale pour tous ! (Pearson, 2022) et Pro en réseaux sociaux avec Christine Balagué (Vuibert, 2022). 

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Atlantico : Bien que les ventes d'Iphone continuent leurs progressions, celle de l'Ipad sont en chute libre sur le premier trimestre 2014 (-16% par rapport à 2013) Comment expliquer cette perte de vitesse ?

David Fayon : Il s'agit d'un marché qui, comme tous les autres, n'est pas extensible à l'infini alors que le taux d'équipement sur ce type de terminal est déjà des plus optimaux dans les pays développés. Les fabriquants de tablettes ne sont donc plus confrontés, au moins pour une part du marché, à une problématique d'accroissement de la clientèle mais plutôt à celle du renouvellement du "parc" de leurs produits. Si le pourcentage des utilisateurs de tablettes continue de progresser, on observe ainsi l'émergence d'un nouvel objectif pour les marques, à savoir celui de capter le consommateur par de nouvelles innovations (fonctionnalités, applications, concentration sur une niche...) pour l'inciter à acheter un outil plus performant que celui qu'il possède déjà. Or l'innovation en matière de tablettes est plutôt modéré actuellement. En 2013, il s'est pour la première fois vendu plus de tablettes (6.2 millions) que de PC (4.8 millions) en France d'après une étude du cabinet GfK. Il faut rester prudent, mais il semble que l'on observe à l'échelle des économies modernes un passage au stade avancé du renouvellement pour le marché des PC, tandis que celui des tablettes commence tout juste à expérimenter ces changements structurels. Elles conservent néanmoins un important potentiel de croissance dans plusieurs pays émergents (Inde, Afrique...) ou le taux d'équipement reste marginal.

Tim Cook, actuel PDG d'Apple, a commenté les résultats décevants de l'Ipad en rappelant qu'il avait eu la plus forte croissance en comparaison des autres produits de la marque, le plafonnement actuel n'étant en conséquence pas si surprenant. Qu'en penser ?

Il y a effectivement un effet "plafond de verre" mais aussi l'impact d'une concurrence qui réussit à proposer des prix plus attractifs, on pense notamment à Samsung Electronics qui est devenu un véritable géant dans le secteur grâce à ses "Galaxy Tab" sans bénéficier de "l'effet magique" généré par l'image d'Apple. La prochaine étape pour l'Ipad est désormais d'adopter un caractère plus "universel" en se développant dans différents types de services (entreprises, administration, transport...), ce qui va bientôt être rendu possible grâce à la toute récente arrivé de Microsoft Office sur Ipad. Reste maintenant à développer un maximum de "passerelles" de ce type entre PC et tablettes pour que leurs utilisation conjointe soit la plus fluide possible dans le monde professionnel.

Un autre facteur peut expliquer la stagnation des ventes, à savoir le processus de fabrication. Les Ipad, comme les Iphone, sont fabriqués par l'entreprise Foxconn (1 millions de salariés) à Shenzhen, poumon industriel de la Chine continentale. En dépit de la taille d'une telle compagnie, il y a eu plusieurs problèmes qui les ont empêché de suivre entièrement la forte demande pour les produits d'Apple. Des conflits sociaux nés des conditions de travail, mais aussi des déplacements de sites de production ont ainsi ralenti un rythme qui aurait du s'accroître. Enfin, on peut raisonnablement penser qu'Apple ne soit plus aujourd'hui tant dans une logique de volume des ventes que de pérennisation sur plusieurs années. Privilégier l'image et les marges (qui ont tendance à baisser lorsque l'on conquiert un marché, NDLR) est aussi une stratégie en soi.

Jean-Louis Gassée, ancien dirigeant d'Apple et fondateur de BeOs, affirme pour sa part que ce décrochage était prévisible, y voyant là la preuve que les tablettes ne remplacerait pas les PC. Qu'en penser ?

Effectivement, certains utilisateurs ayant besoin d'une interface très technique et précise (informaticiens) continueront de privilégier les PC, tandis qu'un usage plus mobile sera réservé aux tablettes. On semble donc évoluer, bien qu'un processus de "cannibalisation" entre les différents supports qui existent, vers une interaction complémentaire amenée à se populariser sur les prochaines années. Ce sera toutefois le rôle des opérateurs périphériques (techniciens, créateurs d'applications...) d'imaginer des moyens pour le PC de se différencier de la tablette en offrant des avantages d'utilisations que ne peut fournir une tablette. On devrait ainsi arriver à des usages très différenciés, tablettes et PC se répartissant les tâches pour lesquelles ces outils sont respectivement les plus adaptés.

On a souvent pu entendre l'idée que des supports mobiles remplaceraient bientôt totalement nos PC. Le plafonnement des ventes d'Ipad nous permet-il de reconsidérer ce point de vue ?

Le combat ne se joue pas en vérité qu'entre deux acteurs, mais quatre actuellement (PC, tablettes, smartphone et mini-tablettes), sans compter l'arrivée de l'Internet des objets qui va encore démultiplier les supports sur les prochaines années. Cela devrait logiquement aboutir à une hyper-segmentation des besoins de chacun, les marques se voyant contraintes de développer des gammes spécifiques capables de les faire exister et croître dans un secteur toujours plus concurrentiel. Cette guerre des formats va en parallèle multiplier nos usages individuels, avec une séparation entre les support mais aussi entre la vie professionnelle et la vie privée. Difficile donc d'imaginer pour l'instant un tel marché se voir saisir par un seul produit, aussi séduisant soit-il.

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