Pourquoi les manifestations anti passe sanitaire n’ont pas grand chose avoir avec les Gilets jaunes. Mais un vrai potentiel explosif<!-- --> | Atlantico.fr
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A Paris, quatre cortèges différents ont défilé.
A Paris, quatre cortèges différents ont défilé.
©Alain JOCARD / AFP

Mobilisation populaire

Plus de 200.000 personnes ont manifesté ce samedi 31 juillet contre le passe sanitaire et la vaccination. Les manifestants étaient deux fois plus nombreux que lors de la première journée de mobilisation, le 17 juillet.

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque est historien, spécialiste du communisme, de l'anarchisme, du syndicalisme et de l'extrême gauche. Il est l'auteur de Mensonges en gilet jaune : Quand les réseaux sociaux et les bobards d'État font l'histoire (Serge Safran éditeur) ou bien encore de La gauche radicale : liens, lieux et luttes (2012-2017), à la Fondapol (Fondation pour l'innovation politique). 

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Atlantico : La mobilisation contre la vaccination et le passe sanitaire de ce samedi a été marquée, pour la troisième semaine d'affilée, par une forte augmentation du nombre de manifestants. La mobilisation rappelle, dans son fonctionnement, celle des Gilets jaunes. Mais sur le fond, les deux mouvements sont-ils comparables ?

Sylvain Boulouque : Il y a des points communs. D'abord la manifestation du samedi, qui est devenue un rituel, mais aussi le fait que la mobilisation passe beaucoup par les réseaux sociaux. Le type de personnes qui manifestent n'est pas non plus très différent de ceux qui manifestaient lors de la mobilisation des Gilets jaunes. On retrouve des catégories sociales modestes, mais aussi beaucoup d'artisans et commerçants, même s'ils ne se répartissent pas forcément de la même façon dans les différentes manifestations de ces derniers samedis. L'autre point commun est l'opposition résolue et frontale à Emmanuel Macron. Dans le même temps, le gouvernement semble vouloir provoquer une montée des tensions, notamment du fait des termes utilisés pour décrire et qualifier les manifestants.

Mais il y a aussi des différences notables avec le mouvement des Gilets jaunes. La première est que les Gilets jaunes étaient avant tout un mouvement de revendications sociales et financières, alors que nous sommes actuellement dans un mouvement sociétale. Cela permet d'observer des différences assez nettes entre les manifestants présents dans les différents cortèges.

Justement, à Paris, la manifestation était divisée en quatre cortèges différents qui ne convergeaient pas, dont l'un mené par Florian Philippot et l'autre par des Gilets jaunes. Comment s'explique cette différence ? Les manifestants sont-ils irréconciliables ?

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Contrairement aux Gilets jaunes, le profil politique type du manifestant diffère. A Paris et dans les grandes villes, il y a eu deux cortèges au minimum. D'un côté, une manifestation de gauche axée surtout contre le passe sanitaire mais pas hostile au vaccin. Ces manifestants croient en la science et en le fait que le vaccin est une arme pour mettre fin à l'épidémie, mais refusent les mesures considérées comme liberticides du passe sanitaire. Et de l'autre côté, il y a une manifestation plus à droite avec une hostilité forte au vaccin. On a observé, dans certaines villes, des affrontements entre les uns et les autres. On pourrait donc y trouver un terreau commun, mais il y a en fait une opposition frontale entre les manifestants. A Paris, à Nantes ou à Montpellier, une partie des manifestants a dit clairement qu'ils ne manifesteraient pas avec l’extrême droite et que si Florian Philippot se présentait dans leur cortège, il serait éjecté manu militari.

On avait observé lors des Gilets jaunes un changement, au fur et à mesure des manifestations, dans les revendications, passant des baisses d'impôts dans un premier temps au RIC dans un second temps. Pourrait-on, cette fois, voir des manifestants plus radicaux, anti-vaccins, phagocytant complètement le mouvement ?

C'est possible, mais pour l'instant, c'est plutôt l'inverse. Dans la première manifestation, les anti-vaccinations étaient les plus nombreux. Depuis, les anti-passe sanitaire sont plus nombreux. La tendance est donc plutôt à une gauchisation de la manifestation, ce qui peut s'expliquer par le fait que ce public ait une plus grande tradition de mobilisation.

Mais cela dépendra aussi de la façon dont les outrances seront montées en épingle. Par exemple, les manifestants arborant des étoiles jaunes, il y en a eu, les assimilations antisémites existent il ne faut pas le nier, mais il ne faut pas exagérer le phénomène. L’effet de loupe des réseaux sociaux et des chaînes d’information constituent un élément déformant. Tous les manifestants ne sont pas favorables à ce genre de comparaison. Quelques centaines de graffitis sur 150.000 personnes, ça ne représente pas un mouvement.

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Le mouvement anti-passe sanitaire a donc un potentiel de mobilisation plus important, dans les semaines à venir, que celui anti-vaccins ?

Difficile de répondre pour le moment. Les deux mouvements s’inscrivent dans des histoires politiques différentes. Mais, dans la société française les arguments rationalistes n’ont eu jusqu’à maintenant davantage d’échos que les mouvements d’orientation religieuse.

Avant les Gilets jaunes, les précédentes mobilisations importantes remontaient à Jour de colère et à la Manif pour tous. Retrouve-t-on cette dimension religieuse dans les manifestations actuelles ?

On retrouve en effet un certain nombre de convergences entre la mouvance complotiste et les religieux très pratiquants, quelle que soit leur obédience. C'est ce que nous avions vu lors du Jour de colère des partisans de Dieudonné manifester auprès des intégristes de Civitas et, déjà, des anti-vaccins. On retrouve aussi dans le mouvement actuel des mouvances très à droite de la Manif pour tous, car dans une partie des univers religieux très pratiquants, il y a une hostilité très forte au vaccin et à la science en général. Cette dimension religieuse est importante car, justement, le mouvement actuel est lié à des questions sociétales et non à des questions sociales ou financières comme celui des Gilets jaunes.

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