journée des droits des femmes
Pourquoi les femmes ne sortent pas gagnantes d’une obsession égalitaire ayant écrasé le droit à la différence
Ce 8 mars était la Journée mondiale de la femme, appelée aussi Journée mondiale du droit des femmes. Si les inégalités entre hommes et femmes persistent, y compris dans nos sociétés occidentales, la tendance à l'indifférenciation entre les sexes peut aussi être problématique.
Chantal Delsol
Chantal Delsol est journaliste, philosophe, écrivain, et historienne des idées politiques.
Bertrand Vergely
Bertrand Vergely est philosophe et théologien.
Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).
Guy-André Pelouze
Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.
Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.
Bérénice Levet
Bérénice Levet est philosophe et essayiste, auteur entre autres de La Théorie du Genre ou le monde rêvé des anges (Livre de Poche, préface de Michel Onfray), le Crépuscule des idoles progressistes (Stock) et vient de paraître : Libérons-nous du féminisme ! (Editions de L’Observatoire)
Atlantico : Ce 8 mars est la Journée mondiale de la femme, appelée aussi Journée mondiale du droit des femmes. Cependant, on peut avoir l'impression qu'une telle journée n'a aujourd'hui pour but que de dénoncer les inégalités dont souffre la femme. Si celles-ci sont dans bien des cas et sociétés réelles, nos sociétés occidentales ne souffrent-elles pas plutôt d'une tendance à l'indifférenciation des sexes ? La femme moderne n'est-elle pas soumise à une injonction paradoxale, celle d'être pareille un homme, tout en devant assumer sa féminité ? Quelles sont les conséquences pour elle d'une telle situation ?
Bérénice Levet : Vous parlez d’un combat contre les inégalités entre les hommes et les femmes dans le monde qui serait en soi justifié, si je puis me permettre, vous vous laissez impressionner par le discours ambiant, ce combat est nécessaire et légitime dans une partie du monde assurément mais plus en Occident. L’égalité des droits est acquise – en 1945, les femmes obtiennent le droit de vote ; en 1965, elles accèdent à l’autonomie économique en gagnant la liberté d’exercer un travail et d’ouvrir un compte en banque sans que soit requis l’accord du mari ; en 1967, le vote de la loi Neuwirth autorise le recours à la
Bertrand Vergely : Il règne actuellement une réelle confusion au sein du féminisme. Pour comprendre celle-ci, il importe de revenir sir les trois moments intellectuels et moraux qui sont à la base de ce lui-ci.
Le premier moment est celui des suffragettes et renvoie au combat qui a été mené par les femmes pendant l’entre-deux guerres afin que celles-ci puissent avoir le droit de vote. Il s’agissait alors pour les femmes d’obtenir la reconnaissance d’une égalité politique entre les hommes et les femmes afin qu’elles puissent être considérées comme des citoyennes comme les autres.
Le second moment est celui du féminisme des années soixante lorsque, sous l’inspiration de Simone de Beauvoir et de Gisèle Halimi, les femmes ont lutté pour le droit à l’avortement. Il s’agissait alors pour les femmes d’affirmer leur droit à la liberté sexuelle ainsi qu’au plaisir sexuel. Revendication complexe, pas simplement politique, mais culturelle. Les femmes devant pouvoir choisir si elles avaient envie d’être enceinte ou pas, celles-ci devaient se libérer de la nature. Elles devaient cependant également se libérer d’une culture masculine, heureuse de profiter du plaisir sexuel offert par la femme, mais irresponsable à son égard en laissant la femme se débrouiller seule quand celle-ci tombait enceinte. De ce fait, el droit à l’avortement renvoyait à une libération à l‘égard e la nature mais également à l’égard de la culture, la femme choisissant d’être enceinte ou pas et ne subissant plus ce choix dans la honte et la clandestinité.
Le troisième moment du féminisme est en train de nous arriver. Il réside dans la disparition de la femme illustrée par cette formule de Monique Wittig « La femme n’existe pas ». Cette formule qu’il faut comprendre signifie que, si l’on veut vraiment libérer les femmes, il importe non pas qu’elles aient des droits politiques ou bien encore le droit à l’avortement, mais qu’on en finisse une fois pour toutes avec les stéréotypes qui, pèsent sur la femme, l’empêchent d’être ce qu’elle veut. Ainsi, arrêtons d’enfermer la femme dans l’idée qu’elle doit être féminine ou bien encore douce. Si la femme a envie d’être un « mec », il faut qu’elle puisse l’être sans complexes.
Ce féminisme qui prend de plus en plus d’ampleur avec notamment l’apparition du foot féminin, du rugby féminin et de la boxe féminine, n’est plus un féminisme politique ou bien encore moral. C’est un féminisme mental qui a l’intention de rentrer dans les consciences afin de les faire penser autrement.
Qu’il y ait une façon bête, pesante, étouffante d’enfermer les femmes dans des images toutes faites, est une évidence et on a raison de secouer une telle fermeture d’esprit. Reste que, étrangement, ce féminisme ne sert pas les intérêts de la femme.
Ainsi, le féminisme se trompe quand, voulant bousculer les stéréotypes, il remet en question le féminin, en l’assimilant purement et simplement à un stéréotype. Le féminin est un mystère. Il s’avère qu’émane de la femme, de son corps, de son sexe et de son être, une beauté absolument désirable et que cette beauté tout en étant forte est traversée par une indicible douceur. Ôtons à la femme cette puissance mystérieuse du féminin qui la traverse. Il ne reste plus rien de la femme. On la tue.
Le féminisme qui domine aujourd’hui devrait pouvoir l’entendre. Il s’avère qu’il ne l’entend pas. Ce n’est pas un hasard. La femme ne l’intéresse pas. Il n’aime pas les femmes ni la femme, la seule chose qui le préoccupe étant le pouvoir. En quoi il n’est pas le seul.
À la Renaissance, quand l’humanisme apparaît, à quoi assiste-t-on ? À la naissance d’une obsession du pouvoir. On pense que l’humanisme s’intéresse à l’Homme, à la vie, à la liberté. Erreur, l’humanisme s’intéresse au pouvoir de l’Homme et sur l’Homme, au pouvoir sur la vie et au pouvoir de la liberté.
Aujourd’hui, cette fascination pour le pouvoir est en train de triompher à travers le transhumanisme et l’idéologie trans qui va avec. Ainsi, lisons Judith Butler, la théoricienne de la théorie du genre et de l’ultra-féminisme, que voit-on ? Son idéal n’est pas que la femme soit femme. Son idéal est de faire advenir un individu désexualisé, au-delà de l’homme et de la femme, qui pourra choisir non seulement sa sexualité mais son sexe comme bon lui semble et ainsi ouvrir une ère nouvelle fondée sur la liberté totale ainsi que sur l’ouverture totale du champ des possibles. Ce fantasme qui est un fantasme de toute puissance est ce qui fait croire au féminisme actuel que, si l’on veut pouvoir libérer la femme, il faut opposer le féminisme au féminin en faisant la guerre au féminin. La conséquence en est simple : en interdisant aux femmes d’être féminines, c’est la guerre, la violence et le totalitarisme et, finalement, sous prétexte de libérer les femmes la haine de la femme et, derrière cette haine, la haine de la vie.
Actuellement, cette guerre est en train de naître et de se propager dans la culture, celle-ci étant fascinée par l’individu libéral libertaire choisissant d’être ce qu’il a envie d’être en allant au-delà de la vie, de la mort, du sexe, de toute identité. D’où ce paradoxe, hier la liberté sexuelle consistait à faire exister la sexualité. Aujourd’hui, elle consiste à la faire disparaître en attaquant la différence sexuée ainsi que les notions mêmes de masculin et de féminin.
Relisons le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, on s’aperçoit que celle-ci en avait conscience en mettant en garde le féminisme de son époque contre la menace pesant sur lui. Aux États-Unis, écrit-elle, une femme qui se prend pour une femme est considérée par les féministes radicales comme une malade et on lui conseille d’aller voir un psychiatre.
À la fin du Deuxième sexe, Simone de Beauvoir cite Marx disant que la libération de l’humanité va de pair avec la libération du couple homme-femme et de sa complémentarité. Aujourd’hui, Marx et Simone de Beauvoir seraient exclus du féminisme en étant taxés d’hétéros homophobes et sexistes nauséabonds.
Il y a aujourd’hui effectivement un paradoxe. Quand il y a égalité entre femmes et hommes, les femmes font tout ce que font les hommes. Si bien que, paradoxalement, ce sont les hommes qui triomphent puisque c’est eux que les femmes imitent. Les femmes gagneraient beaucoup à faire non pas ce que les hommes font mais à faire ce que seules femmes savent faire en approfondissant leur propre génie. Or, c’est l’inverse qui se passe. Au lieu de faire fructifier le trésor qui est le leur en envoyant promener les rêves de pouvoir et le machisme de tels rêves, elles ne pensent qu’à une chose, devenir des femmes mecs, des Amazones. Des guerrières.
Cette confusion tragique pour la culture féminine vient de ce que la culture dans sa globalité le féminin, la vie inconsciente ainsi que le monde des archétypes. Dans les sagesses orientales, la sexualité est vécue comme une initiation sacrée et mystique dans laquelle la femme est la grande initiatrice des mystères invisibles. Il y a une souffrance terrible infligée aux femmes et une violence dramatique en retour du féminisme actuel, pourquoi ? Parce qu’il n’y a plus de relation sacrée et mystique dans las sexualité ainsi qu’entre l’homme et la femme. Que l’on donne des droits aux femmes, tant mieux, mais qu’on oublie de donner à la culture le sens mystique, sacré et initiatique dont elle a urgemment besoin, est la grande tragédie et le grand scandale qui pèse sur nos esprits Aujourd’hui, en ce 8 Mars, il ne devrait pas y avoir simplement une journée de lutte pour l’égalité. Il devrait y avoir une journée mondiale du féminin et de son mystère ineffable avec gratitude pour la vie qui nous a offert une telle beauté et un mystère. On se bat en ce jour pour les femmes. Mais on oublie de les aimer.
En quoi est-ce que la tendance à l'indifférenciation pour appuyer l'égalité entre homme et femme a-t-elle pu avoir ou peut encore avoir des effets néfastes pour la femme dans le domaine médical ?
Guy-André Pelouze : Pour répondre à cette question il faut d’abord s’entendre sur les définitions.
L’égalité homme femme est un terme trop vague pour ne pas conduire à des interprétations extrêmes. L’essentiel est l’égalité en droit. L’égalité des droits et des devoirs dans une société où l’État de droit est garanti par la puissance régalienne représente un optimum pour l’épanouissement non seulement des hommes et des femmes mais de tout individu. C’est non seulement un optimum mais une nécessité car au-delà du dimorphisme sexuel chacun poursuit et mène sa vie dans la liberté et la responsabilité. Il est nécessaire que les opportunités se présentent à tous sans discrimination. Le sujet c’est que cet objectif est difficile à atteindre en raison de nombreux obstacles, principalement religieux aujourd’hui. Les ressources étant par nature limitées la société civile doit en priorité promouvoir l’égalité en droit.
L’égalitarisme des genres dont la variante extrême est l’indifférenciation sexuelle complète est une négation de notre réalité physiologique. C’est une source de déconvenue et même de malheur pour les femmes comme pour les hommes. En effet nous sommes tous différents mais au sein de ces différences les hommes et les femmes présentent un développement spécifique qui est déterminé par leur chromosomes sexuels, le rôle des hormones et la différenciation de leur corps mais aussi de leur cerveau. Il y a bien par exemple deux types de développement musculaire avec une masse musculaire en moyenne plus élevée pour les hommes. Il faut être clair cela n’a rien à voir avec le “patriarcat du steak”. Un interview publié dans un journal ne représente qu’une opinion fut elle farfelue, et le crédit que la dite presse lui apporte est tout simplement militant. Les faits scientifiques résultent d’expériences et d’interprétations rationnelles. La testostérone est le facteur déterminant du développement musculaire du mâle XY et non un rationnement en protéines; les preuves sont abondantes et suffisantes pour en être certain. Pour autant les prisonniers des réseaux sociaux qui désactivent toute opinion divergente vont “croire” cela encore longtemps.
Le sexe génétique habituel je veux parler de la paire XX ou XY s’accompagne d’un dimorphisme sexuel depuis les organes les plus simples jusqu’au cerveau (tableau N°1). Vouloir effacer ce dimorphisme sexuel est une entreprise qui peut conduire à nuire à la santé physique ou psychique des individus qui ont été conduits ou ont décidé d’aller dans cette voie. Dans ce domaine l’exception ne peut se substituer à la règle. Changer de sexe en prenant des hormones et en subissant des interventions chirurgicales est très lourd, risqué et sans aucune garantie de résultat. Les équipes médicales doivent rappeler aux candidats la gravité d’une telle démarche qui est tout sauf un choix réversible ou éphémère. Idéaliser à travers des icônes dont on ne publie que les photos souriantes de tels parcours est une responsabilité à ne pas négliger car la réalité est bien différente. La difficulté étant bien évidemment de reconnaître les personnes trans et de ce point de vue nos connaissances sont en train de progresser à pas de géants afin de déterminer les outils thérapeutiques les plus efficaces.
Mais pour plus de 90% de la population ce dimorphisme sexuel est clair. Dick Swaab a écrit un excellent livre qui résume les donnés actuelles sur la neurobiologie du dimorphisme sexuel: nous sommes nos cerveaux. Il y a indubitablement un développement et un câblage cérébral qui dépendent du sexe génétique et de l’imprégnation hormonale in utero et post natale. Ce développement cérébral sexuellement dimorphe dans la majorité des enfants peut aussi être homosexuel ou trans. Il est ensuite modulé par des pressions environnementales mais il n’existe aucune preuve dans aucun article de la littérature scientifique que l’environnement puisse renverser la table et revenir en arrière avant l’imprégnation hormonale in utero. C’est assez simple à comprendre, il y a de sérieuses preuves de ce déterminisme et le seul obstacle à cette compréhension c’est l’idéologie de la tabula rasa.
Tableau N°1: Quelques unes des différences des structures et des fonctions cérébrales liées au sexe tout au long de la vie chez les individus présumés cisgenres. Les conséquences de ces différences commencent à peine à être explorées.
Quand cette « égalité » est confondue avec le mimétisme de l’autre sexe la santé d’un des deux sexes peut être atteinte. L’exemple du tabac est caricatural. En justifiant le comportement de fumer au motif de ne pas accepter d’interdit lié au sexe, en le stimulant par des publicités cachées dans de nombreux films les producteurs de cigarettes et leurs complices subventionnés ont provoqué la plus grande épidémie de cancer du poumon chez les femmes. Et là aussi le dimorphisme sexuel à cause des différences génétiques et hormonales a joué un mauvais tour à nos femmes car la prédominance de cancers glandulaires est défavorable par rapport au cancer dominant chez les hommes appelé épidermoide. Heureusement d’autres caractéristiques compensent ce désavantage comme un diagnostic plus précoce et des particularités génétiques, ce qui fait que la survie est légèrement supérieure chez la femme tous stades confondus.
Il y a bien sur un nombre considérable de différences liées au sexe qui doivent être connues des médecins et qui créent de réelles différences de risque. Certaines sont anecdotiques d’autres moins. Par exemple dans les maladies chroniques et particulièrement dans l’obésité il ne saurait y avoir de “traitement unique pour tous et toutes” tant les différences dans l’activité physique, la thermogénèse et l’oxydation des graisses sont importantes entre hommes et femmes.
Cette différence entre les sexes peut en imposer pour une inégalité constitutionnelle insupportable, cheval de bataille des égalitaristes fanatiques. C’est méconnaitre leur origine évolutionniste. En réalité c’est le contraire. Nos différences sont des signes d’aptitude différentes dans le jeu du dimorphisme sexuel ou chaque sexe contribue au mieux à la vie de la société et à la reproduction. L’épanouissement des hommes des femmes et des autres genres dépend non pas d’une indifférenciation sexuelle imaginaire mais de l’exploitation par chacun de ses aptitudes afin d’être heureux. Il peut s’agir d’aptitudes liées au sexe ou bien à notre identité qui rappelons le est singulière. L’équilibre bien compris et librement consenti des roles sexués est une perspective qui substitue à la lutte de tous contre tous (dont la lutte des femmes contre les hommes et vice versa) une société de coopération et de liberté deux caractéristiques qui ont forgé notre survie en tant qu’espèce humaine.
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