Pourquoi la manière dont vous parlez d'argent avec votre conjoint est tout sauf anodine pour votre couple<!-- --> | Atlantico.fr
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Avoir un jardin secret financier contribue à donner de l'oxygène au couple, qui parfois souffre de relations trop fusionnelles.
Avoir un jardin secret financier contribue à donner de l'oxygène au couple, qui parfois souffre de relations trop fusionnelles.
©Allociné / United International Pictures (UIP)

D’amour et d’eau fraîche

Une nouvelle étude démontre que jusqu'à un certain montant (350 euros), il est salutaire pour beaucoup de couples de ne pas tout se dire en termes de dépenses. Le sujet, mal amené, à en effet tendance à fâcher, toutes classes sociales confondues.

Thierry Gallois

Thierry Gallois

Thierry Gallois est psychologue - psychothérapeute, spécialisé dans les maladies liées au stress et à des comportements à charge. Il est aussi professeur à l'Université Lille III. Il est l’auteur de Psychologie de l'argent (2003) et de Victime attitude (2009, Editions de l’Archipel).

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Catherine Pierrat

Catherine Pierrat

Catherine Pierrat est psychologue clinicienne, spécialisée dans la prise en charge des couples en difficulté. 

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Philippe  Geffroy

Philippe Geffroy

Philippe Geffroy est coach, spécialisé dans la gestion des rapports à l'argent. Il est notamment l'auteur "12 principes pour mettre l'argent au service de votre bien-être" édité aux éditions Maxima.

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  • Jusqu'à un certain montant (100/400 dollars), il est salutaire pour les couples de ne pas tout se dire en termes de dépenses.
  • L’argent n’est qu’un prétexte pour se disputer, qui permet surtout d’éviter d’affronter des problèmes relationnels plus profonds.
  • Si vous êtes en couple, il est conseillé d’avoir un compte commun ET un compte personnel.

Atlantico : Selon un nouveau sondage effectué par Ameriprise Financial (voir ici), il ne serait pas nécessaire, selon les avis des 1500 couples sondés, de communiquer ses dépenses à son conjoint, du moins lorsqu'il s'agit d'une somme inférieure à 400 dollars pour "la génération des boomers", et à 100 dollars pour "la génération Y". 5% des membres des couples disent même avoir un compte bancaire caché. En tant que psychologue, pensez-vous également que tout n'est pas bon à dire dans un couple lorsqu'il est question d'argent ?

Catherine Pierrat : En tant que praticienne, je préconise en effet aux couples que je rencontre de ne pas tout se dire en termes de dépenses.

D'abord parce que ne pas tout se dire n’est pas synonyme d'avoir des secrets l'un pour l'autre.

Ensuite parce que ce manque de communication délibéré permet de maintenir l'indépendance financière de chacun. C'est important, car une dépendance financière entraîne généralement une trop grande dépendance affective, ce qui déséquilibre la relation conjugale, empêchant même certains couples qui ne fonctionnent plus de se séparer.

Enfin et tout simplement parce que cela permet aussi de faire une vraie surprise à l'autre si on en a envie.

Philippe Geffroy : Je pense qu'il est d'abord important d'avoir une discussion à coeur ouvert sur le sujet, afin d'évaluer combien chacun, en fonction de son salaire et de ses envies, veut mettre dans les dépenses courantes et dans les dépenses individuelles. Une fois que les deux parties tombent d'accord sur les montants, alors chacun peut effectivement commencer à utiliser la somme réservée à ses dépenses personnelles sans forcément le dire à l'autre, ce qui est très sain du point de vue relationnel. Avoir un jardin secret financier contribue à donner de l'oxygène au couple, qui parfois souffre de relations trop fusionnelles.

Thierry Gallois : ne pas informer le conjoint d’un achat donné n’est pas forcément une erreur. Le maniement de l’argent représente un espace de liberté. Chacun doit à mon avis pouvoir jouir à sa guise d’une partie de l’argent gagné si le budget familial n’est pas menacé.

Les seuils de dépenses en-dessous desquels il n'est pas nécessaire de communiquer selon les couples sondés (100 dollars pour "la génération Y", 400 dollars pour "la génération des boomers") vous paraissent-ils raisonnables ? Comment expliquer cette différence de seuils entre les deux générations ?

Philippe Geffroy : La différence de seuils entre les deux générations s'explique tout simplement parce que la génération des boomers dispose en général de revenus plus importants, et donc n'a pas la même échelle de valeur que la génération Y.

Je ne pense pas qu'on puisse fixer un seuil "raisonnable", car les rapports des couples à l'argent sont tous différents les uns des autres.

30% des couples sondés disent se disputer au moins une fois par mois à propos d'argent (souvent à propos d'une grosse dépense exceptionnelle, comme l'achat d'un canapé par exemple). Plus embêtant, 82% des couples sondés disent ne pas réussir à trouver de solution satisfaisante pour les deux parties lorsqu'ils se disputent à propos d'argent. Pourquoi l'argent est-il un sujet si problématique au sein des couples ? Comment arriver à éviter ce genre de blocages relationnels provoqués par l'argent ?

Catherine Pierrat : Les problèmes d’argent ne déclenchent pas les problèmes de couple, ce sont les problèmes de couple qui déclenchent des disputent à propos de l’argent. En d'autres termes, l'argent n'est que le symptôme de problèmes relationnels plus profonds, tels que la sexualité, l'éducation des enfants, l'incompatibilité de caractères...

Par exemple, un couple est venu me consulter récemment parce que les disputes tournaient sans cesse autour de l’argent, sur qui dépensait quoi, combien et comment. A la fin du travail de thérapie, le couple s'est aperçu que le réel problème était en fait une divergence d'opinion profonde concernant l'éducation des enfants.

Je conseille à tous les couples installés dans la durée d'avoir un compte commun pour les dépenses courantes, à auteur du salaire de chacun, ET un compte personnel sur lequel l'autre n'a pas de droit de regard.

Philippe Geffroy : Pour moi, l'essentiel est d'abord de construire un projet de vie commun, et après seulement de discuter argent. Si les deux personnes vont dans le même sens, leur manière de dépenser ou d'investir de l'argent suivra.

Je conseille également aux couples de considérer le sujet "argent" comme quelque chose d'évolutif, c'est-à-dire qu'il faut mettre le sujet sur le tapis quand un événement important arrive : une augmentation, une naissance, l'achat d'une maison...

Thierry Gallois : L’argent roi, issu des années 80 avec l’apparition des "golden boys", a favorisé une plus libre expression sur le sujet. Et comme maintenant, chacun apporte des subsides au foyer, les dépenses communes deviennent l’objet de discussions à haut risque de conflit. De plus, les conceptions de l’argent ont beaucoup évolué depuis ces dernières décennies. La volonté d’indépendance est davantage présente dans le couple.

Toujours selon le même sondage, 73% des couples sondés disent avoir des rapports différents à l'argent. Vaut-il mieux selon vous avoir les mêmes rapports ou des rapports différentes à l'argent au sein d'un couple ?

Philippe Geffroy : Cela dépend des traits psychologiques de chacun : si deux personnes plutôt économes se mettent en couple, elles seront toutes les deux très contentes d'économiser de l'argent ensemble. En revanche, si deux personnes dépensières se mettent en couple, les problèmes financiers peuvent vite arriver, et les problèmes de couple avec, chacun accusant généralement l'autre de trop dépenser...

Thierry Gallois : Il est nécessaire d’avoir les mêmes approches quant à la conduite du budget du couple face aux dépenses quotidiennes et les objectifs comme achats de maison, véhicule…. Que l’un soit fourmi et l’autre cigale permet une cohabitation si la possibilité de jouir librement d’une partie de son argent est mise en place.

70% des couples sondés disent également s'entendre de mieux en mieux au fil du temps sur les questions d'argent. Plus globalement, y a-t-il des catégories de couples plus sensibles aux questions d'argent que d'autres ?

Catherine Pierrat : Les disputes à propos de l'argent concernent tous les couples sans exception, y compris les couples très à l'aise financièrement.

Thierry Gallois : Je ne pense pas que des catégories de population soient plus sensibles que d'autres aux questions d’argent. La représentation personnelle de l’argent résulte d’une construction en rapport avec l’histoire de vie de chacun, notamment son enfance et la manière dont l’entourage concevait l’argent.

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