Physique quantique et mystères de l'univers : comment expliquer qu'après 50 ans, les scientifiques accumulent encore de tels désaccords fondamentaux ?<!-- --> | Atlantico.fr
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"Smartphones, ordinateurs, lecteurs MP3, cartes de crédit, télécommandes : le monde qui nous entoure est quantique."
"Smartphones, ordinateurs, lecteurs MP3, cartes de crédit, télécommandes : le monde qui nous entoure est quantique."
©Reuters

Eurêka !

Nous manions chaque jour des objets qui, dans leurs fondements, interrogent l'espace, le temps et font intervenir les probabilités. Et chacune de ces interrogations est susceptible d'être interprétée différemment et de conduire à des positions philosophiques diamétralement opposées.

Sven Ortoli

Sven Ortoli

Journaliste et co-auteur avec Jean-Pierre Pharabod, du Cantique des Quantiques et de Métaphysique Quantique

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Au mois de juillet 2011, au bord du lac Traunsee en Autriche, s’est tenue une  école d’été sur les fondements de la mécanique quantique. Les échos nous en parviennent aujourd’hui à travers une (pré) publication en ligne. Laquelle présente à la manière d’un sondage les réponses faites par 33 des 35  participants - 27 physiciens dont Anton Zeilinger, l’un des grands oubliés du dernier Nobel avec Alain Aspect , 3 mathématiciens et 5 philosophes - à 16 questions portant sur leurs opinions concernant les interprétations possibles de la branche la plus étonnamment prolifique de la physique.  Disons le en préambule, les questions posées sont pour la plupart passionnantes. Elles touchent aussi bien à la question du déterminisme ou de l’indéterminisme d’évènements tels que la désintégration d’un noyau atomique – en somme le hasard existe-t-il ? -  qu’à celle de la nature des objets quantiques avant une mesure – leurs propriétés sont-elles définies avant qu’on les observe ?

Quel rapport avec notre quotidien ? Tout ou presque. Le monde qui nous entoure est quantique. Smartphones, ordinateurs, lecteurs MP3, cartes de crédit, télécommandes... Côté société de l’information, rien de ce qui trône sur nos bureaux ou fait l’ordinaire de nos poches n’échappe à l’empire de l’équation de Schrödinger et du principe d’incertitude d’Heisenberg. Et voilà un joli paradoxe : toutes ces machines que nous tripotons sans relâche sont issues d’un étrange corpus scientifique, celui de la mécanique quantique, dont les objets ultimes sont d’abstraites entités mathématiques, lesquelles ont des propriétés déroutantes : d’abord la non-localité, mystérieux phénomène que les physiciens appellent "intrication" et qui a pour résultat tangible de lier deux particules – photons, atomes ou électrons – de telle sorte qu’une action sur l’une entraîne instantanément, une action sur l’autre, même si elles sont séparées par des années-lumière ! Ensuite, la question est ouverte, l’intemporalité, c’est-à-dire l’appartenance à un réel qui n’est pas plus localisable dans le temps que dans l’espace. Enfin et surtout, la description de ces briques élémentaires dont nous sommes faits par une « fonction d’onde », c’est-à-dire par un objet mathématique qui contient toute l’information possible sur une particule en la représentant sous la forme d’une superposition de tous ses états possibles : lesquels se réduisent à un seul état au moment de la mesure.

En somme, nous manions à chaque instant des objets qui dans leurs fondements interrogent la nature de l’espace, la nature du temps et l’introduction des probabilités au coeur du réel.  Et chacune de ces interrogations est non seulement déroutante mais susceptible d’être interprétée différemment et conduire à des positions philosophiques diamétralement opposées. D’où le fait que les interprétations de la mécanique quantique n’ont jamais cessé, depuis sa construction dans les trente premières années du 20 ème siècle, de provoquer des débats conflictuels entre les physiciens, avec au premier chef, dans les années trente,  l’affrontement  Einstein-Bohr : au "dieu ne joue pas aux dés" du premier répliquait le "cessez de dire à dieu ce qu’il doit faire" du second. Einstein se refusait à abandonner l’idée d’une réalité objective tandis que Bohr se contentait d’observer que la théorie quantique permet de prévoir le résultat des expériences - et que demander de plus ?

90 ans plus tard, les questions[1] posées à l’école d’été de Traunkirchen indiquent que le débat s’est déplacé : aucun des participants ne considère que la position d’Einstein est encore défendable, mais l’interprétation dominante de Bohr ne l’est plus autant  ; il n’y a toujours aucun accord sur la signification profonde de la mécanique quantique mais une cacophonie plutôt joyeuse. Pas de quoi fouetter un chat de Schrödinger en somme.

[1] Précisons au passage que l’analyse (pseudo) statistique des réponses est un peu plombante parce qu’elle n’a guère de sens. Ajoutons enfin que le financement de cette école d’été par la fondation Templeton peut raisonnablement laisser supposer un biais dans le choix des participants mais à cheval donné, faut-il regarder la bouche ?    

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