Perversion : Le succès d'Airbnb a complètement asphyxié la location immobilière en France<!-- --> | Atlantico.fr
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Le succès d'Airbnb est incontestable mais pervers. Il s'est tellement organisé que ces meublés de tourisme ont asphyxié le marché de la location immobilière classique. Les saisonniers et les étudiants auront du mal à se loger.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le marché de la location a été complètement dopé et bouleversé par l'émergence et le succès des plateformes digitales. La formule Airbnb connaît un tel succès pratiquement partout dans le monde que le marché de la location classique se retrouve asphyxié, et de nombreux gouvernements préparent une régulation assez stricte pour permettre à ceux qui cherchent à louer un logement pour y résider de manière permanente d'en trouver. Car dans de nombreuses villes, notamment à Paris, le logement est inabordable et le marché complètement crispé.

Airbnb coiffe des activités de location touristique. D'un côté, une offre de logement déposée sur une plateforme digitale et mise en location meublée pour deux ou trois jours, voire pour plusieurs semaines, mais rarement plus. De l'autre, une demande de logement déposée par des touristes, des vacanciers ou des voyageurs. On se met d'accord sur le prix, les conditions d'occupation, les dates d'arrivée et de départ, et c'est parti.

Airbnb est le leader mondial de ce marché, qui prévoit d'héberger plus de 300 millions de personnes en 2023. En principe, le succès de la formule provient du fait qu'elle répond aux besoins de tout le monde : à ceux qui cherchent un logement de vacances à un prix abordable, théoriquement inférieur à celui d'un hôtel, ainsi qu'à ceux qui possèdent un studio, une chambre ou un appartement qu'ils n'occupent pas à ce moment-là et qui ont trouvé  le moyen d'arrondir leurs fins de mois.

En fait, Airbnb n'a rien inventé, il s'inscrit en France dans le secteur de la location de meublés de tourisme. Ces meublés sont offerts à la location pour une clientèle qui n'en fait pas son domicile mais qui y consacre un séjour tarifé à la journée, à la semaine, voire plus rarement au mois. Ces meublés n'appartiennent pas à la catégorie des hôtels ou des résidences de vacances. Généralement, il n'y a pas de services d'accueil ou d'entretien associés. On se met d'accord pour prendre et rendre la clé d'accès. C'est simple et pas très  lourd à gérer puisque le travail administratif est effectué par la plateforme.

Ce qui est intéressant, c'est que le succès considérable de cette formule a donné des idées à tout le monde.

Aux propriétaires de logement d'abord, qui se sont dit : pourquoi ne pas louer quelques semaines par an pendant une période d'absence ? 

Aux investisseurs surtout, qui ont trouvé plus simple et plus rentable de louer en résidence de tourisme que de louer avec un bail de deux ou trois ans, Ainsi qu'aux hôteliers qui sont coincés pour s'agrandir et qui achètent des studios qu'ils louent comme location touristique avec un service quasi-hôtelier. Tous ceux qui ont mis un pied (ou une chambre pour commencer) dans le secteur ont rapidement compris l'avantage qu'ils pouvaient en retirer.

Un studio à Paris indépendant, offert à un étudiant ou un jeune actif, se loue en moyenne entre 600 euros et 1500 euros par mois selon le quartier, la surface et l'aménagement sanitaire. Le même propriétaire qui met sur Airbnb le même studio pourra le louer entre 100 euros et 150 euros par jour… soit entre 3000 euros et 4500 euros par mois. Il a certes quelques frais de ménage (qu'il peut facturer) et de charges telles que l'électricité, le chauffage, etc. Mais l’écart de revenu peut aller de 1 à 3. En période de pouvoir d'achat un peu serré, la réflexion est rapide.

Le phénomène est tellement important qu'il s'est industrialisé (les plateformes se sont multipliées), il s'est segmenté (le marché des chambres, des studios et des grands appartements), il s'est enrichi de services de conciergerie qui font de l'hôtellerie sans le dire, ce qui apporte beaucoup de garanties et de tranquillité aux locataires comme aux propriétaires.

Résultat de cette dynamique :  les marchés de location classique n'existent plus. L'étudiant (ou ses parents) qui à Paris ,pourrait payer un studio à 500 euros par mois ne peut pas se loger en Airbnb pour 1500 ou 2000 euros. Les propriétaires un peu imaginatifs ont accepté des colocations. Les revenus sont un peu supérieurs mais les ennuis aussi.

Dans le monde du travail, les saisonniers ne peuvent pas se loger en location touristique à 2000 euros par mois quand leur salaire ne dépasse pas 1500 euros. Alors les saisonniers se débrouillent comme ils peuvent. Les entreprises qui ont absolument besoin de salariés aussi, mais cette tension ne peut pas durer.

Dans les grandes métropoles françaises (Paris, Bordeaux, Rouen, Marseille...), les seules possibilités de se loger sont l'hôtel et Airbnb. Dans les zones touristiques, c'est la même fièvre. Il n'existe pas de logement possible sur l'ensemble du littoral atlantique ou en Normandie en dehors des logements de tourisme. À tel point que certaines communes ont commencé à mettre des restrictions sur le nombre de locations touristiques possibles... mais personne n'est dupe, freiner le fonctionnement du marché revient à doper l'économie souterraine.

L'autre solution que certaines activités et certaines communes mettent en place revient à réserver un quota de logements pour les saisonniers. Les professionnels de la montagne se sont organisés depuis longtemps pour loger tous ceux qui viennent travailler la saison. Les stations balnéaires ont suivi dans le midi sur la côte d'azur, ou sur la côte normande, en mettant en place de tels programmes.

Mais ne rêvons pas. La pénurie de logement révélée par le succès d'Airbnb ne se résoudra pas par la réglementation fiscale ou administrative, mais par l'accroissement global de l'offre de logement

C'est le seul moyen de permettre l'accès au logement, le seul moyen de freiner les prix des loyers. Mais pour accroître l'offre, il faudra que les maires et les administrations libèrent les permis de construire. Et ça, c'est une autre affaire.

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