Paroles d’électeurs FN : ce qu’ils pensent en entendant François Hollande et d’autres leur expliquer qu’ils veulent les arracher au parti de Marine Le Pen<!-- --> | Atlantico.fr
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Ce que les électeurs FN pensent en entendant François Hollande et d’autres leur expliquer qu’ils veulent les arracher au parti de Marine Le Pen.
Ce que les électeurs FN pensent en entendant François Hollande et d’autres leur expliquer qu’ils veulent les arracher au parti de Marine Le Pen.
©Reuters

Témoignages du Front

Dans un entretien aux lecteurs du Parisien publié mercredi 4 mars, François Hollande a estimé qu'il fallait "arracher" les électeurs du Front national "leur parler et les convaincre". Atlantico.fr a demandé à des sympathisants et des militants du parti de réagir aux déclarations que le président de la République, mais aussi Manuel Valls, Alain Juppé et d'autres encore ont faites à leur intention.

  • Louis Aguillon est commercial dans les Yvelines et militant au Front national depuis quatre ans

Qu'avez-vous envie de répondre au président de la République ?

J'ai envie de dire à François Hollande qu'on devient électeur du Front national parce que les hommes qui nous gouvernent sont eux-mêmes arrachés de la réalité. De plus en plus de personnes votent FN et les politiques ne parviennent toujours pas à se poser la question de leurs propres erreurs. On se rend bien compte que rien ne change à droite ou à gauche. C'est assez incroyable de culpabiliser les gens de la sorte.

Manuel Valls a déclaré au Salon de l'Agriculture : "Je pense que les valeurs de travail, de solidarité, de mérite, cette volonté de transmettre ce savoir-faire à la jeunesse, cette qualité que l’on ressent ici, sont aux antipodes de ce qu’est l’extrême-droite. L’extrême-droite et le monde rural ne peuvent pas se retrouver", a insisté le Premier ministre, pour qui "on fait reculer la démagogie, le populisme par une action précise, concrète, des aides, un soutien". Qu'est-ce que cela vous inspire ?

Est-ce que cela veut dire qu'on n'est pas travailleur ? Pas solidaire ? C'est injurieux. Si j'ai choisi le Front national c'est par déception de la politique, de la droite et de la social-démocratie de gauche. Quand on voit que les politiques sont dictées par Bruxelles, il n'y a plus d'alternatives possibles hormis le Front national.  

Et je ne pense que les gens soient plus racistes qu'ailleurs au Front national, simplement on en parle sans cesse. Il y a des candidats de toutes origines et il n'y a jamais eu de racisme particulier. C'est tout un système que l'on cherche à diaboliser. On explique qu'on serait une calamité sociale et ethnique pour faire peur. L'establishment cherche le petit cas pour diaboliser tout un mouvement et on ne fait pas la même chose des propos d'un candidat UMP ou PS.

  • Damien, la cinquantaine, est militant à la fédération du Var

Qu'avez-vous envie de répondre au président de la République ?

D'abord, il n'est pas le seul, Nicolas Sarkozy fait la même chose. Je pense qu'ils feraient mieux de faire des propositions car leur seul programme c'est de s'opposer au Front national. Ce n'est pas cela qui va m'inciter à les rejoindre. Marine Le Pen a un programme, elle s'intéresse à la pauvreté, au chômage et eux tout ce qu'ils ont à dire c'est qu'il faut nous détourner du FN.

Alain Juppé a dénoncé à la fin du mois de février sur son blog "l'imposture" des propositions du parti de Marine Le Pen et a appelé à "ne pas jouer l'avenir de ses enfants et de son pays à la roulette russe". Qu'est-ce que cela vous inspire ?

Cela ne m'inspire plus rien. Les hommes politiques se dénaturent d'eux-mêmes et ils feraient mieux de se rapprocher du FN que du centre car je pense que le pays est fondamentalement à droite. D'ailleurs si j'ai rejoint le Front national, ce n'est pas pour l'immigration, c'est pour la droiture du parti. Parce que soi-disant on n'a plus d'argent mais quand je vois les dépenses de certaines collectivités territoriales… Quand ce sont les Français qui payent. Et aussi, les gens sont irréprochables. Lorsqu'il y a des problèmes avec les candidats du Front national, Marine Le Pen les vire tout de suite. Dans les autres partis, ils peuvent se représenter.

Que pensez-vous des éléments radicaux au sein du parti ?

Bien sûr, je suis contre l'immigration mais pas contre les immigrés. Ce qui m'a fait bondir, c'est lorsque l'on a mis en place le regroupement familial. Que des immigrés viennent travailler ici et gagnent leur argent, cela ne me pose en revanche aucun problème. D'ailleurs, je serais favorable à un RMI mondial, même si ce n'est pas dans le programme du FN. Ca éviterait l'immigration massive. Certaines personnes au Front national peuvent être anti-immigrés car on leur explique mal. Il faut que la discussion reste ouverte, il faut leur expliquer que ce ne sont pas les immigrés qui sont en cause mais les politiques.

J'ai décidé de rejoindre le FN après le référendum pour un traité instituant une constitution européenne. Le peuple a voté non, et Nicolas Sarkozy n'en a pas tenu compte. On nous demande notre avis et après on fait le contraire.

  • Sébastien, 40 ans, est militant depuis plus deux ans, à la fédération du Var

Qu'avez-vous envie de répondre au président de la République ?

"Je pense que vous n'avez pas le droit l'écrire ce que j'ai envie de lui dire. Si je suis au Front national, je sais pourquoi. Ma mère était commerçante et mon père ouvrier. Il m'avait d'ailleurs inscrit au JCR (Jeunesse communiste révolutionnaire). Puis j'ai cru en Nicolas Sarkozy.

François Hollande, j'ai envie de lui montrer ma fiche de paie pour qu'il m'explique pourquoi il m'enlève 300 euros que je ne peux pas donner à ma famille. Pour moi, Hollande ou Sarkozy c'est la même chose. Je n'attends rien du président de la République actuel. J'attends 2017 que ce monsieur s'en aille."

Le Premier ministre Manuel Valls a estimé au mois de février dans l'Aube que le Front national était "un parti qui exploite les frustrations, le racisme et la violence". "Le Front national n'aime pas la France, il n'aime pas la démocratie, il verse de l'huile sur le feu, il mène à la ruine du pays, à la sortie de l'Europe et de l'histoire".  Qu'est-ce que cela vous inspire ?

La démocratie n'a jamais autant reculé. Nous sommes au pays de Charlie Hebdo mais il y a des gens qui n'ont pas le droit de faire des spectacles.

J'ai rejoint le Front national parce que je crois dans les valeurs de ce parti. A l'époque j'ai cru en Sarkozy et la première chose qu'il a faite c'est de choisir des ministres de gauche. Ici, il y a une dizaine de militants, de sympathisants, les gens croient en ce qu'ils font et il n'y a que le Front national qui a une idée de ce qu'est la grandeur de la France. Et je ne crois pas en leur Europe économique. Ici les gens perdent les élections les unes après les autres et ils sont toujours là. C'est un autre monde. C'est pour ça que François Hollande ou Nicolas Sarkozy ne me ramèneront pas dans quelque parti que ce soit. Je suis libre d'aller ou je veux et je suis bien au FN.

C'est l'UMP qui m'a poussé à rejoindre le FN. Car ils prétendent être ce qu'ils ne sont pas. Dans un meeting de l'UMP il y a des petits fours sur les tables, des bouteilles de champagne, et ils passent leur temps à vous dire "attention le Front national", "il faut réduire les dépenses". A Fréjus, David Racheline, fait du covoiturage avec les autres élus. Alors bien sûr, c'est symbolique mais c'est important quand même ! C'est aussi le programme économique qui me fait voter FN.

  • Manuel Gomez, journaliste à la retraite et sympathisant FN depuis 50 ans

Qu'avez-vous envie de répondre au président de la République ?

"Si nous sommes des brebis égarées, eh bien qu'il nous ramène dans les rangs. Mais pour cela, il faudra que la politique réponde à la demande de ceux qui sont "sortis des rangs". Et ce n'est pas le cas sur l'islam et le djihadisme, ni sur les attentats, ni sur l'immigration non-contrôlée. D'autre part, on ne parle pas suffisamment du chômage, de la pauvreté, qui sont des problèmes nationaux."

Bernard Tapie a pour sa part déclaré en octobre 2014 sur iTélé : "Je dirais des électeurs FN qu'ils sont stupides : penser à un moment donné qu'on peut sortir de l'Europe, revenir au franc, c'est un cours de sixième". Qu'est-ce que cela vous inspire ?

"C'est le cataclysme que nous avancent tous les gens qui ont peur que l'on sorte de l'euro mais la Grèce nous montre le chemin. Les gens essayent de nous faire peur. On nous explique que si on sort de l'Europe, le franc sera dévalué de 30%. Je pense que si un pays sort de l'Europe, s'il connaîtra des difficultés à court termes, il reviendra à un moment ou à un autre à son niveau antérieur. Et comment vivions-nous avant l'euro ? Ce n'est de la faute de personne mais l'euro a été mal fabriqué. En revanche, je ne suis pas contre l'Union européenne.  

Je vote Front national depuis 50 ans, ce n'est pas nouveau même si je n'ai pas partagé toutes ses dérives. J'ai rejoint le FN d'abord pour l'Algérie, et son antigaullisme. Aujourd'hui, je continue à le faire parce que la politique qui m'est offerte de l'autre côté n'est pas valable. Par ailleurs, le problème de notre République est que les gens sont élus mais comme ils veulent être réélus, ils n'entreprennent aucune réforme. Et peut-être que si Marine Le Pen est élue, elle ne fera pas toutes les réformes non plus."

Que pensez-vous des éléments radicaux du parti ?

"Je pense que des antisémites, il y en a dans tous les partis. La France n'a pas attendu Jean-Marie Le Pen pour être antisémite. Le Fn a été antisémite mais ne l'est plus. Nier les camps de concentration, c'est une dérive de Jean-Marie Le Pen et je ne la partage pas. Ce qui me plaisait c'était son antigaullisme. Ce qui me déplait c'est Florian Philippot qui va déposer une gerbe sur la tombe du général de Gaulle alors qu'il ne l'a pas connu et qu'il ne sait pas qui il était."

Propos recueillis par Carole Dieterich

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