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Or, et pourtant il monte !
©Paul J. RICHARDS / AFP

Inoxydable

Les raisons abondent pour expliquer que l’or ne monte pas. La Terre non plus ne tournait pas autour du soleil, comme l’(ab)jurait Galilée en 1633. Et pourtant, elle tourne ! Et pourtant, il monte !

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Une once d’or (31 grammes) vaut actuellement entre 1300 et 1400 dollars. Moins que  1800 en 2012 certes, mais plus que 1050 en 2015, et surtout nettement plus que pendant la longue période, jusqu’en 2000, où elle valait entre 250 et 300 dollars. Cet « or qui ne monte pas », vient quand même de quintupler en 15 ans !

L’or ne protège pas des crises, vous dit-on : allez donc faire vos courses avec un lingot ! Mais il s’agit avec lui d’une épargne de (forte) précaution, pas d’une monnaie de transaction. En période de crise, vous pourrez toujours vendre votre or contre des billets, même s’ils ne valent plus grand-chose : vous en aurez beaucoup, mais à consommer vite Quand les tensions montent fortement en effet, c’est bien vers l’or que se porte toujours une part des épargnes inquiètes, à côté du dollar, du Franc suisse, ou des diamants, pour les plus fortunés (et inquiets). Certes, ce type de réaction peut paraître datée… mais en cas de crise, à côté de liquidités jugées plus sûres à garder, il y aura toujours quelqu’un, plus inquiet et plus liquide que vous, pour acheter votre or ! Allez donc voir ce que vaudront alors les actions et les obligations, si montent encore les tensions mondiales, en attendant que viennent le Bitcoin ou le Libra de Facebook, ou bientôt le yuan ! Allez donc voir ce que seront devenus, à ce moment, les produits sophistiqués que l’on vous a vendus quand le temps commençait à se couvrir, « pour résister à l’orage » ! 

L’or n’est pas la protection contre les crises graves, mais une des protections, simples et connues, quand il s’agit d’aller vers plus sûr et plus liquide. De ce point de vue, la montée de son prix, depuis une dizaine d’années traduit, au moins en partie, la dangerosité accrue de ce monde. Les bruits de guerre commerciale avec la Chine, ou de guerre tout court avec la Corée du Nord ou avec l’Iran, le font brusquement monter. Et quand ces bruits s’atténuent, l’once baisse, mais toujours dans son nouveau range 1100-1400. Et quand Trump ravive une guerre douanière, contre l’Europe cette fois, il remonte. Et sa baisse en deçà semble exclue, dans ce monde où le conflit sino-américain est central.

L’or ne protège pas de l’inflation, ajoutera-t-on. Cela tombe bien : il n’y en a plus ! La hausse des prix dans les grandes économies n’a jamais été aussi faible : 1,8% aux États-Unis (avec un taux de chômage de 3,6%), 1,2% en zone euro (pour 7,5% de chômage) et 0,7% au Japon (pour 0,7%). Si faible, qu’elle résiste aux politiques monétaires quantitatives qui veulent la faire monter. Elles font baisser les taux dans l’espoir d’endetter les entreprises pour qu’elles investissent et embauchent, ce qui fera monter les salaires et les prix, et dans celui d’endetter les ménages pour qu’ils achètent une maison et consomment, ce  qui fera indirectement monter les salaires et les prix. Mais la baisse des taux d’intérêt fait aujourd’hui l’inverse ! Elle pousse les entreprises en difficulté à s’endetter pour durer (on verra plus tard). Elle mène celles qui sont en bonne santé à s’endetter (cher) pour en acheter d’autres et/ou racheter leurs propres titres. Tout cela fait monter les risques, mais les taux n’en disent rien, au contraire puisqu’ils baissent. Et tout cela fait monter la bourse et les prix des logements, autrement dit polarise davantage les richesses. Les riches devenant plus riches n’ont aucune raison de consommer plus, donc d’alimenter l’inflation : ils ont tout ! 

Mais pour combien de temps, si les risques montent, devant la montée de la dette ? Les banques centrales veulent faire repartir l’inflation en abaissant encore leurs taux et en indiquant en même temps qu’elles sont prêtes à accepter une inflation à 2,5% (Fed, BCE) ! Les états en profitent pour creuser leurs déficits (États-Unis, Italie par exemple) ou en ralentir les réductions (France, par exemple). Les taux qui baissent font monter la dette et les prix des actifs, donc les risques. Ils permettent de s’endetter pour acheter de l’or, si l’on veut : le taux d’intérêt est quasi nul, comme le risque d’inflation. Surtout, ils permettent d’attendre, au moins pour bénéficier d’un coup de sang de Trump, qui récompensera en quelques heures leur position d’attente !

Derrière l’or qui monte par saccades, il y a Trump. Derrière l’or qui monte et montera, il y a encore Trump ! Les saccades de Trump, quand il attaque la Chine ou ses alliés, font baisser la bourse et monter l’or, puis l’inverse quand il se ravise, comme aujourd’hui avec la Chine ou la Corée du nord. Mais, plus profondément, il veut la baisse du dollar contre yuan et euro, ce qui fera monter l’or. Quand Donald Trump veut un dollar plus faible contre les autres devises, il veut sans le dire un  dollar plus faible contre or – ce qui implique des achats de protection. Surtout, quand il met en cause la valeur des réserves des banques centrales qui garantissent l’euro et le yuan, il les fait réagir. Les ventes d’or ont cessé dans les pays industrialisés. La Russie a vendu ses obligations américaines, et acheté 500 tonnes d’or. La Chine les diminue graduellement et achète de l’ordre de 15 tonnes d’or par mois, pour ne pas trop exciter le marché. Elle en a officiellement 1900, contre 8000 américaines, 3400 allemandes et 2500 françaises. Pas beaucoup, pas assez surtout, si le yuan veut s’étendre : il lui faudra plus de réserves en contrepartie, de l’euro bien sûr, mais surtout de l’or. Et l’exemple chinois va faire des émules : si Trump vaut la baisse du dollar, il faut trouver où s’en protéger le plus. Le yuan ? Les amis et alliés de la Chine vont donc suivre. Trump sera content.

L’or, c’est l’anti Trump. Il monte et baisse en exacte compensation de ses tweets et rodomontades tarifaires, mais pour ne plus trop descendre après, car on ne sait jamais avec lui. Et comme Trump veut que le dollar baisse plus pour vendre plus, la Chine comprend qu’il faut que le yuan monte, pour acheter plus (des brevets, des entreprises ?). Donc, pour que le yuan monte régulièrement, il lui faut plus d’or pour se garantir. Merci Trump ? 

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