Nucléaire ou renouvelables : le match des énergies par temps de canicule<!-- --> | Atlantico.fr
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Les panneaux solaires supportent mal la chaleur.
Les panneaux solaires supportent mal la chaleur.
©PASCAL GUYOT / AFP

Surchauffe

Les énergies renouvelables ne fonctionnent pas de manière optimale pendant les canicules.

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Yves Marignac de Négawatt a souligné que pendant les périodes de canicule, les centrales nucléaires connaissaient une baisse de production. Dans quelle mesure cela joue-t-il ?

Damien Ernst : Cela entraîne une diminution pour certaines. Cela concerne exclusivement les centrales nucléaires qui sont situées le long des rivières, ce que l'on appelle les centrales dites "rivulaires", contrairement à celles situées en bord de mer qui utilisent l'eau de la mer à des fins de refroidissement. Donc, il s'agit spécifiquement de celles qui exploitent les eaux des rivières. Et pourquoi cela se produit-il ? En général, elles pompent une partie de l'eau de la rivière en amont de la centrale, qu'elles utilisent pour refroidir celle-ci, puis réinjectent cette eau légèrement plus chaude dans le cours d'eau. Des contraintes environnementales sont en place pour empêcher une élévation de la température de plus de quelques degrés ou que l'eau de la rivière n'atteigne une température critique. Cependant, lorsque le débit de la rivière est assez faible et que l'eau est déjà chaude, cette contrainte est souvent violée si les centrales nucléaires fonctionnent à pleine puissance. Il faut absolument éviter un réchauffement excessif de l'eau, voire une élévation de la température à un niveau préjudiciable pour la vie aquatique dans les cours d'eau. Il faut néanmoins souligner qu'il est tout à fait possible d'avoir des centrales nucléaires qui ne sont pas situées en bord de mer ou d'océan et qui fonctionnent parfaitement bien pendant des périodes de canicule. Un excellent exemple en est la centrale de Palo Verde en Arizona. C'est une région où l'eau est rare, et dans un tel contexte, le choix a été fait de la refroidir grâce aux eaux usées de la ville de Phoenix. Cela montre qu'il est tout à fait envisageable de construire des centrales nucléaires qui opèrent avec succès dans des environnements arides, dépourvus d'eau, et qui ne sont pas localisées près de la mer. Ainsi, il s'agit simplement d'un choix qui doit être fait à un certain moment. En somme, il est crucial de comprendre que l'énergie nucléaire n'est pas véritablement mise en péril par des vagues de chaleur ou des périodes de sécheresse, pourvu bien sûr que la conception des centrales tienne compte de ces conditions météorologique ce qui est d'une importance capitale.

Qu’en est-il de la baisse de production des énergies renouvelables ?

Damien Ernst : L'hydraulique se heurte au même problème que les centrales nucléaires situées le long des cours d'eau. Lorsqu'il y a une pénurie d'eau dans les rivières pour le refroidissement des centrales nucléaires, l'hydraulique est également menacé. Les installations d'hydraulique au fil de l'eau connaissent des rendements excessivement faibles dans ces conditions. Les périodes de sécheresse et de canicule mettent donc en danger les sources d'énergie hydraulique.

Quant au solaire, cela est méconnu, mais les températures élevées pendant les périodes de canicule et d'ensoleillement intense peuvent avoir un impact sur les panneaux photovoltaïques. En effet, les températures peuvent atteindre des niveaux élevés, pouvant même dépasser 80°C à la surface des panneaux noirs. Il est important de noter qu'un panneau photovoltaïque perd environ 30% de son rendement à 85°C par rapport à des conditions de température optimales, soit entre 20 et 25°C. De plus, chaque degré supplémentaire à la surface du panneau peut engendrer une perte de rendement de 0,2 à 0,5%. Malgré l'ensoleillement abondant en période de canicule, ces températures élevées limitent les performances des panneaux photovoltaïques, à moins que des conditions de refroidissement adéquates ne soient présentes, comme en montagne où le soleil est intense mais les températures sont fraîches.

En ce qui concerne l'éolien, deux points sont à considérer. Premièrement, dans le cas où les périodes de canicule sont caractérisées par des anticyclones en Europe, cela entraine souvent un manque de vent. Deuxièmement, même en présence de vent, il est essentiel de noter que la masse de l'air diminue avec la température, car l'air se dilate. Par conséquent, pour une vitesse de vent constante, la masse volumique de l'air diminue de 15% lorsque la température passe de 0°C à 40°C à pression atmosphérique constante. Cette réduction de la masse volumique a un impact sur les performances des éoliennes, car leur rendement en puissance est directement lié à la masse volumique de l'air. Une baisse de 15% de la masse volumique de l'air entraîne une réduction similaire de la puissance générée par l'éolienne.

Entre le nucléaire et les sources d'énergies renouvelables, quelle est la plus efficace pendant les périodes de canicule ?

Damien Ernst : Le nucléaire peut être conçu pour fonctionner de manière optimale même en période de canicule ou de sécheresse. Les choix techniques adéquats permettent d'éviter les problèmes. En revanche, en ce qui concerne les panneaux photovoltaïques, il se peut qu'une technologie évolue pour permettre leur fonctionnement à des températures très élevées, bien que cela ne soit pas encore réalisable actuellement. Quant à l'éolien, il rencontre des limites difficiles à surmonter. Les pertes de rendement découlent de lois physiques, étant liées à la masse volumique de l'air et non à des aspects technologiques. Les avancées possibles pour les panneaux photovoltaïques ne s'appliquent pas à l'éolien. Les températures élevées et la baisse de masse volumique de l'air continueront d'entraîner des pertes de rendement pour l'éolien, quels que soient les progrès technologiques.

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