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Multiples rencontres en cachette : mais que gagne vraiment Vladimir Poutine à sa proximité avec Donald Trump ?
©Reuters

Relation discrète

L’existence d’une seconde conversation Trump-Poutine lors du G20 a été rendue publique cette semaine.

Michael Lambert

Michael Lambert

Michael Eric Lambert est analyste renseignement pour l’agence Pinkerton à Dublin et titulaire d’un doctorat en Histoire des relations internationales à Sorbonne Université en partenariat avec l’INSEAD.

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Atlantico : Les présidents américain Donald Trump et russe Vladimir Poutine ont eu une discussion non inscrite à l'agenda en marge du sommet du G20 en Allemagne au début du mois de juillet, dont l’existence n’a été divulguée que le 18 juillet par la Maison Blanche. Dans quel but Vladimir Poutine voulait se rapprocher de Donald Trump ? Que pensait-il y gagner ?

Dr Michael Eric Lambert : La fin de la Guerre froide amène les États-Unis et la Russie à coopérer entre 1991 et 1994 sous l’impulsion de Primakov. Après cette brève période, on assiste à l’émergence de tensions entre le Président russe et tous les Présidents américains, Républicains ou Démocrates, et ce jusqu’à l’élection de Donald Trump en 2016.

Ces divergences depuis plus de deux décennies poussent Moscou a soutenir Donald Trump lors des élections américaines. Trump ne partage pas la même vision que ses prédécesseurs, et se rapproche plutôt les valeurs du Gouvernement russe en s’affichant ouvertement comme euro-sceptique, conservateur, nationaliste-protectionniste et Chrétien. En toute logique, Trump devrait donc parvenir à dialoguer avec Poutine, comme le montre les discussions informelles lors du G-20 à Hamburg, et ce contrairement aux anciens Présidents américains.

Si les États-Unis souhaitent renouer le dialogue avec la Russie, c’est également l’occasion pour le Kremlin de tenter de trouver un terrain d’entente sur les Grands dossiers ou s’opposent les deux protagonistes. Le conflit en Syrie, celui dans le Sud-Est de l’Ukraine, l’avenir diplomatique des États du Caucase du Sud, sont autant de terrains de discorde qui nécessitent une concertation entre les deux puissances pour parvenir à une solution durable.

Avec Donald Trump, Le Président russe pense pouvoir parvenir à renouer un dialogue devenu inexistant depuis l’annexion de la Crimée, mais également à tirer avantage de celui-ci sur des dossiers sensibles comme de l’Ukraine. En effet, dans la mesure ou Trump est euro-sceptique, il est probable que ce dernier ne soutienne pas l’intégration de Kiev en Union européenne, laissant les mains libres au Kremlin dans la région.

Le président Poutine n’avait dans tous les cas rien à perdre dans ce contexte d’opposition entre Russie et Occident depuis 2014, l’élection de Trump constitue dès lors une aubaine sur le plan géopolitique.

Dans quel domaine, sur quels dossiers cette stratégie du rapprochement s'est avérée payant ? 

On pourrait regrouper les dossiers en trois grandes zones : Le Moyen-Orient, la mer Noire, et l’Union européenne.

Pour ce qui concerne le Moyen-Orient et le conflit en Syrie, la Russie semble sortir gagnante du dialogue avec les États-Unis. Trump ne s’est pas fermement opposé à la mise en place des bases russes sur le sol syrien, ni à l’émergence d’une zone d’exclusion des avions de la coalition, encore moins à l’instrumentalisation des réfugiés. Dans ce contexte, le Kremlin dispose désormais d’un avant-poste et d’une hégémonie quasi-totale sur l’ensemble du pays, ne laissant aucune place aux Occidentaux pour développer des accords militaires et commerciaux.

Le théâtre syrien constitue une aubaine pour les russes qui peuvent essayer leurs nouveaux équipements militaires sans aucune ingérence. Les États-Unis ne perdent pas nécessairement à se retirer de la Syrie, c’est surtout l’Union européenne et la Turquie qui désormais doivent palier à un contexte géopolitique plus incertain.

Pour ce qui concerne la mer Noire, l’approche de Trump s’avère autrement plus ambivalente. La Maison Blanche ne reconnait toujours pas la Crimée comme une partie de la Russie, et continue de s’opposer au conflit dans l’Est du pays. Cependant, les États-Unis ne soutiennent plus le rapprochement entre l’Ukraine et l’Union européenne, et pensent que le conflit est celui de l’Ukraine contre la Russie, et non plus de l’Europe contre la Russie en Ukraine. Ce changement d’échelle et de représentation influence fortement la diplomatie ukrainienne qui doit axer son approche sur un rapprochement avec l’OTAN plus qu’avec l’Union européenne.

Il reste important de mentionner que le cas ukrainien contraste fortement avec la diplomatie des américains dans le Sud du Caucase. Trump à ainsi récemment affirmé que les États-Unis ne feront plus de commerce avec les pays qui reconnaîtront les territoires partiellement reconnus d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Ce renforcement de la position américaine est un soutien à la Géorgie, et entrave l’avenir des abkhazes et ossètes dans un contexte économique déjà difficile.  

Dans le cadre des relations entre l’Union européenne et la Russie, on note un fléchissement de la politique de Trump et un retour d’une entente cordiale. Des tensions subsistent entre Trump et Merkel à cause de la performance économique de l’Allemagne, qui entrave celle des États-Unis dans le secteur automobile. Malgré cela, les relations Franco-américaines semblent au mieux depuis le dîner du Président Trump avec sa femme au sommet de la Tour Eiffel la veille du 14 juillet. Trump semble également progressivement comprendre que l’avenir des exportations américaines dépend de la performance économique de l’Europe.

En revanche, la Pologne et les pays Baltes craignent toujours un retrait progressif des troupes de l’OTAN. Cette crainte les pousse à adopter une attitude plus nationaliste et à renforcer les alliances régionales. Trump ne semble pas souhaiter diminuer la participation de Washington au sein de l’Alliance, mais son attitude reste ambiguë, ce qui arrange le Gouvernement russe.

A l'inverse, sur quels points cette stratégie n'est pas un à proprement parler un réel succès ?

L’Abkhazie et l’Ossétie du Sud sont les deux échecs de la Russie, sans pour autant tourmenter le Kremlin qui souhaite rester la puissance diplomatique dominante dans ces deux régions du Caucase. Reste à noter que la Russie n’est pas parvenue à créer une alliance “anti-Europe” visant à déstabiliser le continent pour en tirer un avantage. Au contraire, l’élection du Président français Emmanuel Macron et le renforcement des relations avec l’Allemagne semblent attester d’un retour en force des grands projets en Union européenne comme le montre la conférence Franco-allemande du 13 juillet - avant la venue du Président Trump - qui est un symbole fort. 

Les sanctions économiques des États-Unis sont encore un problème pour la Russie, et l'Arctique reste un sujet sensible. La Maison Blanche s’oppose totalement aux revendications de la Russie dans le Nord, et le Canada a renforcé son dispositif de surveillance dans la région depuis l’annexion de la Crimée. La Russie ne gagne donc rien dans cette partie du monde ou elle affirme ses ambitions, mais sans nécessairement en avoir ls moyens, ce que le Président Trump sait pertinemment.

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