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La mode du python, 
reflet d'une société hantée 
par la mort et le repli sur soi
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Bien dans sa peau ?

Le retour du python dans les boutiques est une chose trop importante pour la laisser aux vendeuses de chaussures ! La peau -authentique ou non - de ce reptile a aussi pour fonction d’euphémiser l’hideuse figure de la mort...

Frédéric  Monneyron

Frédéric Monneyron

Frédéric Monneyron est l'auteur de La sociologie de la mode (PUF, 2010).

Il est professeur à l'université de Perpignan-Via Domitia et à l'University of South Florida (Tampa).

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La mode, loin d’être simplement frivole, est tout au contraire, quand on la replace dans un contexte sociologique adéquat, un très bel objet pour pénétrer, sous la surface sociale, dans l’état souterrain de nos sociétés. Les images de mode, en particulier, pour peu qu’on se donne les moyens méthodologiques appropriés, nous disent beaucoup plus que n’importe quelle enquête sociologique sur les aspirations et les craintes des sociétés dans lesquelles nous vivons. Aussi peut-on et doit-on s’interroger sur les nouvelles tendances qui, chaque saison, traversent le champ de la mode et sur les images qu’elles suscitent.

En cet automne 2011, le python est de rigueur. Certes, depuis plusieurs années déjà, la présence du python dans la maroquinerie s’est renforcée, et l’on ne compte plus les marques qui proposent des sacs en python, de Chanel et Dior à Gucci et Prada en passant par Balenciaga, Givenchy, Ralph Lauren ou encore Alexander Mac Queen ou Alice Temperley, ou des chaussures en python comme Dolce et Gabbana, Cesare Paciotti ou Bally, pour ne prendre que quelques exemples. Mais, c’est désormais dans le vêtement lui-même que passe le python. La maison Paco Rabanne fête son retour sur les podiums avec un défilé Métal Python, Ralph Lauren et Lanvin mettent en avant des robes aux imprimés python, et il n’est pas jusqu’à Zara qui, lui aussi, cède à la tentation du python. Ce passage est plus intéressant, car si, en maroquinerie, l’usage du python rentre dans une certaine logique et ne revêt pas de signification particulière – si ce n’est celle d’un certain luxe – pour le vêtement il est plus exceptionnel.

L'image du python convoque l'image du monstre et donc celle de la mort

L’image du python convoque l’image du monstre dévorant, significatif, dans bien des mythologies, des peurs primordiales et, au-delà, il apparaît comme une belle image de cette angoisse de mort qui est liée pour tout à chacun aux expériences du temps selon l’anthropologue français Gilbert Durand. Mais, outre de créer des images du temps et de la mort eux-mêmes, les productions imaginaires dont la mode fait partie ont toutes pour fonction d’euphémiser l’hideuse figure de la mort. Et dans ce processus d’euphémisation, ce ne sont pas, comme on pourrait s’y attendre, dans les structures héroïques que se déploient les images du python, qui seraient la marque de sociétés orientés vers l’avenir et ayant confiance en elles-mêmes, mais bien au contraire dans les structures mystiques qui sont elles plutôt la marque de sociétés contraintes et repliées sur elles-mêmes. En effet, plutôt  qu’un python guerrier, brandi lors d’un défilé, ou un python d’apparat porté autour du cou relevant des structures héroïques, ce sont des imprimés python qui sont surtout proposés. Or, les imprimés, fussent-ils reconsidérés avec des motifs python, s’inscrivent très fortement dans les structures mystiques.

Le python s’insère ainsi dans un imaginaire de la mode qui, depuis vingt ans, se complaît dans les structures mystiques et n’est que la traduction dans l’imaginaire de l’état actuel de nos sociétés.



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